Un post de Jeff Jarvis a attiré mon attention le week-end dernier. Intitulé « The King of Twitter », ce billet s’interroge sur le rôle des chaines de télévision dans la création et la distribution de l’information, en particulier à la lumière de la mort de Mickael Jackson et des événements en Iran.
Le premier de ces événements a généré un nombre considérables d’échanges sur Twitter, au point de saturer les serveurs (25% des twitts sur Twitter dans la nuit de la mort de M.Jackson avant le crash de Twitter ), en reprise d’une info sortie par un site média (TMZ.com).
Le second de ces événements, la contestation du résultat des élections en Iran sur Twitter, a illustré le fossé pouvant parfois exister entre l’attente des citoyens d’un côté, et les informations proposées par les chaines d’information de l’autre. Alors que, sur Twitter, les échanges étaient très nombreux à ce sujet :
les citoyens (américains) ont critiqué le traitement très faible de ces événements par les médias traditionnels, CNN en tête, donnant naissance à un nouveau “tag” sur Twitter, #cnnfail (et au site associé http://cnnfail.com/).
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Selon Jarvis, les journalistes ayant couvert la crise iranienne ont inventé ou poursuivi une nouvelle forme de journalisme, le “journalisme social” ou “journalisme collaboratif” : très peu étant sur place, ils ont dû se baser sur des informations disponibles sur les réseaux, sociaux ou autres. Leur rôle n’était plus de raconter, mais de contextualiser et de mettre en perspective, de (tenter de) vérifier, d”expliquer une matière d’information réalisée collectivement par les internautes.
Cette forme de travail de journaliste n’est en réalité pas née à cause de la situation iranienne, mais depuis la création des sites médias “collaboratifs”, depuis 2005 / 2006, dans lesquels l’internaute a d’abord été invité à commenter, puis il est de plus en plus souvent associé à la création de contenu (un nouvel exemple récent ci-dessous) :
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Twitter favorise le “tout-sentiment”
J’ai essayé de représenter ci-dessous le schéma de circulation de l’information avant l’arrivée de Twitter :
On voit sur ce schéma que l’amplification d’une information demande du temps :
- temps pour le reporter-journaliste de vérifier l’information, de la corroborer,
- temps pour la transmettre à son bureau,
- temps pour le bureau de la mettre à disposition (agence de presse)
- temps pour le média de l’éditer, de la revérifier
- temps pour le média de la publier (ce temps étant évidemment dépendant de la nature du média considéré, les moins favorisés étant la presse traditionnelle).
Dans ce système “traditionnel”, le rédacteur en chef décide de la place qu’il souhaite accorder à l’information en la comparant aux autres informations dont il dispose, et qu’il souhaite aussi publier, en fonction aussi de son lectorat. Il crée “sa” propre hiérarchie de l’information.
Depuis le développement de l’utilisation de Twitter, la circulation de l’information a été modifiée :
L’information “brute” (parfois fausse, d’ailleurs - ce à quoi Benoît Raphaël fait référence dans son point 6) peut être directement publiée sur Twitter par un témoin, comme par un journaliste, avant même le passage dans le processus d’édition décrit plus haut.
Le fonctionnement de Twitter favorisant la redistribution du contenu par ceux qui se sentent impliqués (via le RT), une information qui s’y trouve peut très facilement “saturer” Twitter (voir le schéma des statistiques liées à la mort de Michael Jackson ci-dessus) et toucher un nombre très important de gens en un temps très court.
Bien sûr, les journalistes “suivent” Twitter, et cela leur permet de voir apparaître des nouvelles informations très rapidement (il existe même un outil spécifique de suivi de Twitter pour les journalistes : JournoTwit), et de publier plus vite des infos : cela favorise d’une certaine manière leur réactivité par rapport aux événements.
La confrontation de 2 logiques
D’un côté, Twitter permet de visualiser - sur un échantillon restreint (entre 16 et 20 millions de personnes à l’échelle mondiale) d’une population hyperconnectée - les sujets de discussions en “temps réel” (les “trending topics“).
Nécessairement, le spectaculaire (show biz, accidents, décès, sexes, scandales) l’emporte dans les discussions sur l’analyse et la réflexion. Pour être cliqué (et retwitté), un lien doit nécessairement “attirer” l’audience.
De l’autre côté, certains rédacteurs en chefs désireux de donner du sens, de contextualiser et de mettre en perspective.
Lorsque ces professionnels de l’information jugent qu’un sujet ne mérite pas beaucoup d’importance, ils risquent désormais d’être rappelés à l’ordre par les internautes (l’exemple CNNFail cité plus haut). Cela aurait-il une influence sur le contenu de ces médias, au point de les forcer à traiter par priorité ce qui est sensationnel par rapport à ce qui l’est moins ?
Eric Mettout, le rédacteur en chef de l’Express online, expliquait récemment dans un post sa responsabilité d’éditeur d’information vis-à-vis des internautes et des lecteurs :
Non, vous n’êtes pas des “clients”, nous ne vous vendons rien, nous faisons notre métier, qui est de traiter l’actualité. Vous estimez que, dans l’ensemble, nous le faisons plutôt bien, vous nous lisez (au sens large), vous estimez que, dans l’ensemble, nous le faisons plutôt mal (c’est votre droit, évidemment), vous ne nous lisez pas.
Il semble que cette affirmation devienne de plus en plus difficile à tenir dans un paysage médiatique dans lequel les journaux perdent de l’argent. Du coup, la seule solution serait d’avoir de l’audience (pour afficher des publicités), et le seul chemin pour avoir de l’audience est… de traiter les sujets qui “cliquent”, les sujets dont les gens parlent (sur Twitter comme ailleurs)… bref, les sujets spectaculaires.
Paradoxe à résoudre pour les rédacteurs en chef :
- Comment traiter vite et bien le spectaculaire pour attirer
le “consommateur”, pour faire ensuite cliquer l’internaute sur les
sujets de fond, les sujets de journalisme, les sujets intelligents ?
- Est-ce même possible
SOURCE : burson marsteller AUTEUR :Samuel Degremont
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