- Catégorie : Littérature anglo-saxonne
Ce dont il s’agit
Blue
est une adolescente renfermée au parcours atypique. Elle parcourt les
routes américaines avec son père, universitaire engagé, depuis la mort
de sa mère à l’âge de cinq ans. Déménageant au rythme des colloques et
des missions de son père, elle n’a d’autre choix que de devenir érudite
et brillante. Jusqu’à ce que son père décide de se fixer dans une petite
ville, où elle fait alors la connaissance d’une enseignante mystérieuse
et d’un petit groupe de lycéens aristocratique.
Entre Little Miss Sunshine pour le cinéma, et Le maître des illusions pour la littérature
La physique des catastrophes est un livre très drôle, qui fait penser, par la force du personnage de Blue et les relations particulières qu’elle entretient avec son père, aux films indépendants qui traitent de l’enfance et de l’adolescence : tout en décalage, en surprises et en rebondissements, le livre est très savoureux. Il rappelle également, par son sujet, le cercle d’amis érudits qu’avait brillamment dépeint Donna Tartt dans Le maître des illusions. L’adolescence est une période intéressante, surtout quand le choix du romancier se porte vers des adolescents au regard froid, lucide, et à l’intelligence fascinante, ce qui est le cas de Blue.
Une technique particulière
Dès le début, Blue, qui présente son projet autobiographique, signale qu’étant donné son manque d’expérience en la matière, elle va s’inspirer pour ce faire de la technique universitaire de son père, à savoir : s’appuyer sur des images pour captiver le lecteur, et recourir le plus souvent possible à des références précises afin d’authentifier ses dires. Jamais lassante, toujours croustillante, la technique fonctionne à merveille. La jeune fille fait des croquis des personnages principaux, et choisit des citations judicieuses pour illustrer ses propos : Shakespeare, des criminologues inconnus, des répliques de films, des ouvrages politiques ou culinaires, tout y passe, et c’est ce décalage inédit entre les événements et ces références surprenantes qui donne à La physique des catastrophes son ton remarquablement ingénu et captivant.
Un démarrage difficile
J’avoue avoir trouvé le temps long durant les 200 premières pages, (il y en a 600). J’avoue même avoir consulté la quatrième de couverture pour savoir ce dont il était réellement question : Marisha Pessl tarde à en venir aux faits, et son style si brillant ne suffit pas à rendre le début du livre intéressant. Ce n’est qu’une fois ce premier quart enfin dépassé que les choses se mettent vraiment en place, et c’est dommage, car la fin aurait demandé peut-être un plus grand développement. Il y a donc un léger problème de rythme, et j’ai mis du temps à me décider à ne pas fermer définitivement le livre, convaincue par sa brillance, mais dubitative quant à la valeur de cette dorure, surtout après avoir constaté que l’emballage des boîtes de pâtée pour chat était lui aussi brillant.
La virtuosité de Pessl
Pourtant, une fois achevé, je n’ai eu qu’une envie, le relire à nouveau. Il est impossible de tout savourer à la première lecture, tant ce livre est dense et regorge de détails méritant réflexion. Il s’en dégage plusieurs niveaux de lecture, chacun méritant une relecture à part entière : l’intrigue elle-même, les propos politiques, l’abondance de références rendant le réel abondant de surprises, et rendant également certaines platitudes littéraires fascinantes ou merveilleuses
Illustration de Marisha Pessl dans son roman représentant le groupe d’amis de lycéens de son héroïne « Bleue » :