Alliance pour la Planète remet en question l’action du BVP…et par ce biais…celle des communicants. Les consommateurs exercent de plus en plus leur « pouvoir d’acheter », en demandant de plus en plus d’informations sur ce qu’ils mangent.
Le cours des matières premières augmente, les agriculteurs sont tentés d'avoir recours aux OGMs pour nourrir le monde, les industriels se soucient plus des questions d'hygiène que de la réalité nutritionnelle finale, les distributeurs rachètent des filières entières de production pour contrôler leurs fournisseurs…
Pour trouver de nouvelles façons d’exercer nos métiers de publicitaires, de marketeurs… dans le secteur alimentaire, nous sommes partis des deux attentes principales qui ressortent du baromètre des perceptions alimentaires 2007 du CREDOC :
-L’alimentation santé : manger pour rendre
son corps plus résistant.
-L’alimentation hédoniste : manger pour se faire plaisir.
Et nous avons exploré toutes les opportunités d’évolution qui nous sont venues à l’esprit.
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PARTIE 1 / DE L'ALIMENT BIO A L'ALIMENT VIVANT
1.1 / L'AGRICULTURE BIOLOGIQUE N'EST PAS MEILLEURE POUR LA SANTE
Attention : il ne faut pas confondre alimentation biologique et alimentation diététique : le bio ne va pas vous faire maigrir ! D'autre part, il ne présente pas d'avantage majeur pour la santé ; des études ont même démontré qu'il existait des concentrations de mycotoxines anormalement élevées dans des pommes issues de l'agriculture biologique, qui n'a pas le droit d'utiliser des fongicides (la dangerositén'est toutefois pas avérée, mais il faut savoir que les produits bio se conservent moins bien et moins longtemps que les produits traditionnels). En revanche, l'agriculture bio, qui n'a pas recours aux engrais, contribue à la préservation des sols et des eaux souterraines. En résumé, achetez bio pour l'environnement et pas pour votre santé.
Céline Deluzarche, 10 idées reçues sur l’environnement, l’Internaute.
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1.2 / L'ALIMENTATION VIVANTE : LES PROBIOTIQUES
Nous ingérons chaque jour un grand nombre de bactéries vivantes. Parfois celles-ci ont une présence fortuite dans nos aliments, comme dans les légumes, les fruits frais ou même certaines eaux en bouteilles. Pour d'autres aliments, les bactéries sont introduites volontairement et interviennent dans la transformation du produit : saucisson, fromages et laits fermentés. Les plus importantes consommations de bactéries proviennent des yaourts et laits fermentés ; leur nombre est de l'ordre de 100 millions de bactéries/gramme et la consommation quotidienne dépasse souvent les 200 grammes. Depuis plus d'une dizaine d'années, de nouvelles bactéries, appelées probiotiques, ont été introduites dans ces produits. Elles en modifient le goût ou la texture mais surtout elles sont choisies pour induire des effets bénéfiques sur la santé humaine. Les produits contenant des probiotiques pourraient jouer un rôle positif à prendre en compte.
Les probiotiques sont des micro-organismes vivants (le plus souvent des bactéries) qui, lorsqu'ils sont ingérés en quantité suffisante, exercent un effet positif sur la santé au delà des effets nutritionnels traditionnels.
Le yaourt nature, premier probiotique
Le yaourt est obtenu par la fermentation du lait, à l'aide de deux bactéries, Lactobacillus bulgaricus et Streptococcus thermophilus. Les deux bactéries se retrouvent vivantes dans le yaourt. L'appellation yaourt ou yoghourt est réservée aux produits issus de ces deux ferments lactiques. Si d'autres ferments sont utilisés, à la place ou en complément (Lactobacillus casei par ex.), le produit est simplement baptisé "lait fermenté".
Il a été démontré que la consommation de yaourt améliore la digestion du lactose et élimine les symptômes de l'intolérance au lactose. Ces qualités font du yaourt classique un probiotique.
Quelques exemples de probiotiques disponibles sous forme de laits fermentés, de compléments alimentaires ou médicaments :
Bifidobactéries : Bifidobacterium lactis Bb12
Bifidobacterium animalis DN 173 010
Lactobacilles : Lactobacillus casei DN114 001
Lactobacillus acidofilus
Lactobacillus rhamnosus GG
Ultralevure : Saccharomyces boulardii
Quelques effets bénéfiques chez l'homme de probiotiques alimentaires :
Effets cliniques préventifs et thérapeutiques
- sur l'allergie / l'eczéma atopique : démontré
- sur les diarrhées infectieuses : démontré
- effets limités sur les MICI* : démontré
- sur la pathologie liée à Helicobacter pylori (ulcère stomacal) : fortement probable
Effets sur les fonctions physiologiques
- digestion du lactose : démontré
- effet sur le transit intestinal : démontré
- effets sur certains marqueurs de l'immunité : démontré
Effets non démontrés
- effets sur la réduction du cholestérol sanguin
- réduction du risque de cancer
- ré-équilibrage du microbiote digestif
* MICI : Maladies Inflammatoires Chroniques Intestinales
Les effets dépendent des souches (par exemple le Bifidobacterium bifidum souche Bb12 n'est pas équivalent à tous les Bifidobacterium bifidum) et la matrice alimentaire qui contient le probiotique peut jouer un rôle sur sa physiologie et ainsi sur son effet concernant la santé humaine.
Le rééquilibrage de la flore est souvent invoqué mais le plus souvent il ne se traduit que par la détection dans les selles du probiotique ingéré pendant la consommation du produit.
Les bénéfices santé affichés par les industriels (allégations) doivent être soutenus par des recherches de qualité publiées dans de bonnes revues scientifiques.
Survie des probiotiques dans l'environnement digestif
Les bactéries lactiques sont adaptées à une croissance et à une survie dans du lait ou dans des milieux dérivés du lait. Elles survivent à l'acidité du produit fini mais doivent pour cela changer leur métabolisme.
Dans le tube digestif, les conditions d'environnement sont très différentes du produit laitier. Dans l'estomac, l'acidité peut être très élevée mais une part importante des bactéries lactiques est évacuée avec les premières vidanges gastriques et elles atteignent rapidement l'iléon (segment terminal de l'intestin grêle), en une à deux heures après le repas. Dans l'intestin grêle, les sels biliaires, les enzymes pancréatiques et des défensines (petites protéines, ou peptides, qui se collent à la surface des bactéries et les tuent en altérant leur paroi) produites par les cellules de l'intestin grêle peuvent réduire la viabilité des bactéries lactiques. Dans le colon, les bactéries lactiques se trouvent confrontées à un microbiote qui leur est 1 000 à 10 000 fois supérieur en nombre et qui peut avoir des actions sur la viabilité et la physiologie bactérienne.
Pour comprendre comment les bactéries lactiques réagissent à cet environnement digestif complexe, il faut pouvoir disposer de modèles animaux assez proches de l'homme et d'outils de biologie moléculaire permettant d'étudier la physiologie bactérienne.
Le microbiote dominant de l'homme est très différent de celui des principales espèces animales domestiquées. Par exemple, les rongeurs possèdent un microbiote dominant riche en lactobacilles alors que ceux-ci sont détectés en petit nombre chez l'homme. C'est pourquoi des modèles de rongeurs, initialement sans germe, puis colonisés avec un microbiote humain sont développés à l'INRA de Jouy-en-Josas. Chez ces animaux maintenus sous bulle sans contact avec des contaminants extérieurs, l'équilibre des genres microbiens est proche de celui de l'homme. Les animaux sans germes peuvent aussi être utilisés pour étudier l'adaptation d'une souche en absence de tout autre germe ainsi que les effets qu'elle induit sur la physiologie de son hôte.
Grâce à ces modèles animaux, les chercheurs de l'INRA ont pu étudier la survie d'une souche de Lactobacillus casei dans le tractus intestinal. Ils ont montré que non seulement ce probiotique était capable de survivre, mais également qu'il était capable de moduler son métabolisme pour s'adapter à l'environnement digestif de l'homme.
Des essais cliniques chez l'homme ont récemment apporté des arguments solides suggérant que des probiotiques pourraient, dans un avenir proche, occuper une place dans le traitement de certaines situations cliniques des Maladies Inflammatoires Chroniques Intestinales, notamment la prévention des rechutes. De nombreux essais thérapeutiques sont actuellement en cours et des données s'accumulent qui permettront de mieux comprendre les mécanismes d'action des probiotiques et l'interface entre bactéries et cellules humaines au centre de la physiopathologie de ces maladies.
Cependant, la distinction doit être faite entre ce qu'on peut attendre d'un médicament et d'un aliment. Ainsi, un aliment qui réduit légèrement un risque ne doit par être confondu avec un médicament qui soigne un dysfonctionnement.
Gérard Corthier
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1.3 / RESUME DE LA BIOECONOMIE
Contrairement aux modèles économiques qui sous-tendent les derniers systèmes économiques et sociaux connus, la bioéconomie prend appui sur les mécanismes du Vivant.
En effet, elle considère l'humanité comme un organisme vivant, où les individus humains sont comparables à des cellules, les entreprises, les régions ou les états à des tissus ou des organes, les services publics remplissant des fonctions organiques indispensables.
Cet organisme planétaire humain, notre société donc, est en vie grâce à des fluides (argent, eau, énergie...) et à des nutriments (objets manufacturés, alimentation, services.). La bonne santé économique et sociale de notre propre pays et de l'humanité toute entière dépendent étroitement de la bonne qualité, de la correcte circulation et répartition de ces fluides et nutriments dans l'ensemble du corps social.
En observant ce qui permet à un organisme vivant de se maintenir en bonne forme et même d'améliorer sa vitalité, la bioéconomie organique dispose de lois et d'indices biovitaux permettant de voir la naissance d'une économie enfin respectueuse de chaque humain, des autres êtres vivants, et l'ensemble de l'écosystème planétaire, dans un principe transversal de solidarité.
Au lieu de mettre l'Argent au centre de toute décisions, grâce à des bilans comptables froids et complètement détachés du réel et à des indices incompétents comme le PIB, la Bioéconomie met la Vie au centre en utilisant des propositions et des indices fondés sur la vitalité du corps social planétaire humain.
En réalité, la faim, l'exploitation, le chômage ne sont pas des fatalités, ils ne sont que les conséquences du système actuel, obsolète, bancal et profondément défaillant. Les délocalisations et les émigrations n'ont aucune raison d'être dans ce modèle économique qui nous permet de résoudre tous nos besoins vitaux de base, où que nous habitions sur Terre.
Grâce à la notion d'indice Bio-Eco-Sociétal, la bioéconomie organique peut nous aider à inverser complètement les impacts profondément négatifs que l'économie dite moderne nous oblige à avoir, tant dans le domaine social (casse des services publics, dégradation des rapports sociaux, condition de vie ou de travail inhumains.) que dans le domaine écologique (disparition des espèces, pollution, destruction de l'environnement, aggravation du changement climatique.).
La bioéconomie est un système complet, ce résumé permet de survoler le principe général de la bioéconomie organique. Mais pour réellement comprendre les rouages d'un système à la fois extraordinairement simple mais aussi très développé, il vous faudra lire ce site entièrement et, si possible, dans l'ordre des rubriques du sommaire afin d'avoir les pré-requis nécessaires au fur et à mesure de la lecture.
Marie Martin-Pêcheux
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1.4 / LA BIODYNAMIE : UNE NOUVELLE FAçON DE VOIR LE BIO
La biodynamie est une méthode qui consiste à la recherche de l'équilibre d'une culture donnée avec son environnement immédiat et plus lointain. Elle est apparue en Allemagne en 1924 sous l'impulsion de Rudolph Steiner, philosophe et agronome autrichien, qui en énonça les principes fondamentaux.
Dans la nature, des relations étroites existent entre minéral, végétal et animal, rien n'est isolé : vers de terre et fertilité du sol, fleurs et papillons, cerfs et forets. En agriculture bio dynamique, il en est de même. C'est en intégrant au milieu d'une même ferme, animaux d'élevage et culture, dans un paysage diversifié, que l'on crée les bases d'une fertilité durable.
La biodynamieconsidère l'agriculture comme une partie d'un système dans lequel tous les éléments sont interdépendants les uns des autres. Les rythmes : saisons, jours et nuits, marées, cycles de fécondité, croissance des plantes, témoignent de l' influence du soleil, de la lune et de tous les mouvements des planêtes sur la vie. La biodynamie appliquée à la culture de la vigne repose sur 3 principes :
- L'amélioration du sol et de la plante par des préparations issues de matières végétales, animales et minérales.
- L' application de ces préparations à des moments précis en fonction des cycles de végétation de la vigne et en rapport avec le calendrier lunaire et planétaire.
- Le travail du sol par des labours et des griffages.
Les traitements ont pour effet de favoriser les échanges entre le sol et le système racinaire et foliaire de la vigne afin de permettre la pleine expression du terroir dans les raisins.
Les préparations utilisées sont élaborées selon un processus bien précis que l'on appelle dynamisation : il s'agit de dilutions homéopathiques à base de produits naturels, tels que les cristaux de quartz, l'ortie, le pissenlit ou la bouse.
Mark Angeli
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1.5 / VEGETAL, VARIE, VIVANT
Ce ne sont pas les régimes végétariens qui sont difficiles à équilibrer mais les régimes qui comprennent des produits animaux car leur richesse en protéines et en graisses entraînent dans le corps humain toutes sortes de carences.
L’idéal de l'alimentation humaine correspond à la règle des trois V :
- V pour VEGETAL. Nous sommes des " végétophiles " et pouvons parfaitement vivre sans aucun produits animaux. Nous n'avons pas besoin de mélanger au même repas des céréales et des légumineuses, c'est un mythe sans fondement
- V pour VIVANT. Nous avons besoin d'avoir assez d'aliments crus pour combler nos besoins en vitamines et enzymes. Les graines germées représentent un des meilleurs moyens de disposer en tous temps de cette catégorie d'aliments.
- V pour VARIE. Ce troisième point nous permet d'éviter tout sectarisme alimentaire et d'apprécier un peu d'aliments d'origine animale ou industrielle, pour le plaisir de la convivialité ou de nos goûts personnels, à condition d'éviter d'en faire une consommation régulière et excessive.
De multiples études ont prouvé que les végétariens se portaient beaucoup mieux que les mangeurs de viande, et d'autres études ont prouvé que les végétaliens (qui ne mangent ni viande, ni lait ni poisson ni œufs) se portaient mieux encore que les végétariens !
Pourtant on peut aussi être végétalien et tomber malade, si on ne se soucie pas de son équilibre émotionnel, mental et spirituel. L'alimentation est importante mais nous devons tenir compte de l'ensemble, de la globalité de notre être.
La règle des trois V permet de se délivrer des systèmes rigides, générateurs de conflits, pour apprécier la complémentarité de toutes les écoles diététiques et manger toujours plus consciemment, en conciliant les plaisirs du palais avec le plaisir de rester sans cesse en plein forme en respectant cette merveilleuse cathédrale qu'est notre corps (lire « L’Alimentation Plaisir »).
Une anecdote : On demande au petit Julien, sept ans, de dire la prière avant le repas familial. Il ferme les yeux, joint les mains et s'écrie : " Oh, mon Dieu, faites que les vitamines soient dans le dessert, pas dans les épinards ! " Savez-vous à ce propos que ces fameux épinards, supposés être riches en fer, et que l'on a forcé des générations entières d'enfants à manger, sont un aliment tout à fait banal. Leur teneur en fer n'est pas plus élevée que celle des autres légumes. L'histoire de la médecine montre comment une toute petite erreur peut avoir des conséquences impressionnantes : lorsque l'un des premiers médecins nutritionnistes scientifiques écrivit un livre sur les aliments, il fit un tableau sur la teneur en fer des différents légumes. Pour les épinards, au lieu d'écrire 0,003 milligrammes, la secrétaire se trompa et écrivit 3,000. Dans le tableau publié dans ce livre, les épinards avaient l'air d'être un aliment exceptionnellement riche en fer et tout le monde, en se référant à ce livre, tomba dans le panneau. Toute une culture, où l'on voit Popeye absorber des épinards pour avoir des forces, naquit de cette petite erreur de virgule. De la même façon les premiers chercheurs qui travaillèrent sur les protéines, décrivirent les protéines de la viande comme " complètes " alors que les protéines des végétaux étaient appelées " incomplètes ". En effet, les protéines de la viande contiennent tous les acides aminés alors que les protéines végétales ne contiennent que certains acides aminés.
Evidemment tout le monde voulut avoir des protéines complètes en pensant que les protéines incomplètes étaient moins bonnes ! Ce qui est totalement faux car il suffit de manger plusieurs végétaux pour avoir tous les acides aminés nécessaires.
Cette appellation, qui donna la supériorité aux protéines animales sur les protéines végétales fut l'une des causes de la " civilisation du bœuf " qui développa, en Occident, un véritable culte de la protéine animale. Toute la diététique officielle s'engouffra dans une conception erronée, qui consiste à croire que l'être humain a besoin de manger de la viande et d'autres produits animaux pour être en bonne santé ! Le résultat ? Les maladies de civilisation, qui viennent en grande partie d'une surcharge en protéines animales, tuent des millions de gens qui meurent victimes de leur ignorance et des mensonges publicitaires de la toute puissante industrie de la viande et des produits laitiers. Pour vous en convaincre, lisez mon livre " Viande et lait, des aliments dangereux pour votre santé ", éditions Vivez Soleil. Il présente les études qui prouvent que plus on mange végétal, mieux on se porte !
Faites l'expérience vous-mêmes d'une alimentation végétale, variée et vivante pendant quelques semaines. Vous serez stupéfait des améliorations que vous obtiendrez dans votre état de santé. Vous vous délivrerez de cette erreur colossale qui a consisté à faire des animaux les esclaves de l'homme et à les manger alors qu'un être humain a été conçu et construit par la nature pour vivre en parfaite santé sans être obligé de tuer les animaux ni de boire leur lait. Vous vous sentirez comme un enfant au paradis : libre, joyeux, vivant en harmonie avec ses frères humains et ses frères animaux. Vous comprendrez la prophétie de Tolstoï : " Tant qu'il y aura des abattoirs, il y aura des champs de bataille ".
Christian Tal Scheller
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PARTIE 2 / Du développement durable à la consommation responsable
2.1 / POUR UN MARKETING BASE SUR DES BESOINS NUTRITIONNELS
Vers un changement de paradigme alimentaire
La capacité de la planète à nourrir ses habitants est une des préoccupations majeures récurrentes de l’humanité et qui redevient particulièrement d’actualité. Cependant, le problème ne concerne pas seulement la suffisance en ressources alimentaires, la maîtrise des échanges commerciaux, nous devons concevoir aussi une chaîne alimentaire adaptée à la satisfaction des besoins de l’homme et à la préservation de l’environnement.
Certaines préoccupations écologiques font maintenant l’objet d’un positionnement commun au sujet du maintien de la biodiversité ou de la lutte contre le réchauffement de la planète. Il est surprenant que la question alimentaire n’ait pas acquis le même phénomène d’urgence et le même caractère universel que ces questions environnementales. La politique alimentaire à suivre n’est jamais encore au centre de nos débats politiques et les débats citoyens demeurent focalisés sur des points d’actualité bien spécifiques tels que les OGM. Pourtant nous savons à quel point les relations entre alimentation et santé sont mal gérées de par le monde, compte tenu du développement de l’obésité et la prévalence élevée des maladies (diabète, hypertension, pathologies vasculaires, inflammatoires, certains cancers) qui pourraient être prévenues par une bonne nutrition . D’un côté une partie de l’humanité souffre de la faim alors qu’un autre est exposée à une nourriture industrialisée peu adaptée à notre statut génétique de chasseurs cueilleurs. De plus le système alimentaire des pays industrialisés est responsable à lui seul de plus de 30% des émissions de gaz à effet de serre. Nous sommes loin d’avoir pris l’exacte mesure des conséquences du système alimentaire auquel nous sommes exposés, un système basé sur une agriculture peu durable et trop génératrice de nuisances écologiques et sur un modèle d’alimentation occidentale caractérisé par sa richesse en produits transformés et en produits animaux, et donc bien éloigné des recommandations nutritionnelles.
Quand un citoyen entre dans un supermarché, il est confronté à l’omniprésence d’un marketing alimentaire et à des milliers de produits transformés. Dans ces conditions, à moins d’être parfaitement éclairé sur les problèmes nutritionnels et écologiques, le consommateur a peu de chance de constituer un caddy équilibré ni pour sa santé, ni pour la préservation de l’environnement. Les dangers d’une exposition au tabagisme ambiant ou à bien d’autres expositions environnementales ou sociétales néfastes commencent à être bien perçus. Curieusement, notre société n’a pas encore réellement pris conscience de l’importance du concept d’exposition alimentaire et des dérives que cela entraîne.
L’évolution de notre alimentation est souvent désignée par les plus initiés sous le terme de « transition nutritionnelle ». Il s’agit de l’abandon des modes d’approvisionnement traditionnel au profit de produits transformés par l’industrie alimentaire. Cette évolution spectaculaire, en parallèle avec le changement des modes de vie, a complètement bouleversé le paysage alimentaire et la situation nutritionnelle. D’une part la composition des aliments transformés s’est souvent beaucoup éloignée de celle des aliments naturels, d’autre part le nombre des produits transformés mis sur le marché est devenu considérable. La logique des transformations alimentaires est de fractionner, raffiner, extraire les composants énergétiques des aliments, pour ensuite les assembler, jouer sur la texture, les couleurs, le goût par divers artifices. Ce petit jeu à l’échelle industrielle pourrait paraître relativement anodin s’il n’avait pas entraîné des bouleversements majeurs sur la composition des aliments, les comportements alimentaires et la santé à long terme des consommateurs. Sur la qualité même des aliments, on n’expliquera jamais assez que l’industrie alimentaire n’a aucune obligation de résultats en matière de densité nutritionnelle, mais seulement des contraintes en matière de sécurité sanitaire. Nous sommes dans le règne des calories vides, des aliments privés de leur richesse en micronutriments naturels tels qu’on peut les trouver dans les fruits et légumes, des aliments dont le goût est manipulé par les arômes, des produits soutenus par un marketing agressif.
Comment les consommateurs pourraient-ils adopter un comportement protecteur s’ils sont exposés à une multitude d’aliments de composition bien trop imparfaite. Il est clair que le foisonnement des produits transformés finit par créer une concurrence déloyale vis-à-vis des produits végétaux de base pourtant indispensables à notre santé. Si le flux des aliments et des boissons qui transitent dans un supermarché ne correspond pas aux besoins nutritionnels de l’homme, cela expose l’ensemble des consommateurs à des apports énergétiques et en micronutriments peu favorables à la préservation de la santé. Comment ne pas reconnaître qu’une telle exposition alimentaire est porteuse de dérives alimentaires. Pourtant l’attention des pouvoirs publics demeure concentrée sur la question des étiquetages et aucun contrôle, aucune directive n’ont encore porté sur la nécessité de ne pas exposer la population à une offre alimentaire à risque. On a jamais demandé à un supermarché des comptes sur l’équilibre global en acides gras des sources de matières grasses, ni sur la qualité de l’offre en fruits et légumes, ni sur celle du pain, ni sur les quantités de sucre, de sel cachés. Les risques liés au tabagisme ont fini par être perçus, pourquoi les risques liés à l’exposition aux calories vides, tout aussi réels ne pourraient pas être pris en compte. L’industrialisation alimentaire a déjà provoqué une épidémie mondiale d’obésité et favorisé l’apparition de maladies chroniques, elle joue probablement un rôle majeur dans l’augmentation de la prévalence des cancers.
Il serait temps de réagir, mais comment lutter contre la lourdeur du système alimentaire dominant. D’abord en incitant l’ensemble des acteurs de la chaîne alimentaire à adopter de meilleures pratiques pour la préservation de la santé comme pour celle de l’environnement. Bien que les consommateurs aient une responsabilité essentielle dans l’avenir de la chaîne alimentaire, il n’est pas normal de les laisser livrer à eux-mêmes et de continuer à les exposer à un environnement alimentaire qui les dépasse et ne leur fournit pas les bienfaits escomptés. Un changement salutaire serait donc de concevoir l’offre alimentaire en fonction des besoins nutritionnels et en particulier de proposer des solutions nutritionnelles intéressantes adaptées à toutes les bourses et aux diverses catégories de la population. On ne peut que souhaiter une telle évolution, une régulation des marchés au service de l’homme.
D’une manière plus générale il est temps de s’engager sur la voie d’une alimentation durable. Sans un tel changement de paradigme alimentaire, aucune politique nutritionnelle valable de santé publique ne portera des fruits durables. Sans fonder les activités alimentaires autour des besoins de l’homme tels que la science a pu les explorer, il ne sera pas possible de lutter contre les maladies nutritionnelles ou de gérer à long terme la santé par l’alimentation. Changement de paradigme pour les consommateurs, devenus enfin capables d’adopter des régimes protecteurs pour leur bien être, leur santé, pour une gestion intelligente du plaisir de manger. Changement de paradigme pour les agriculteurs rendus responsables de l’élaboration de la qualité nutritionnelle des aliments et de la préservation de l’environnement, maître d’œuvre d’une véritable biodiversité alimentaire. Reconnaissance du rôle essentiel d’une agriculture de proximité tournée vers la satisfaction des besoins de la population environnante et reconnaissance d’une certaine souveraineté alimentaire des régions. Responsabilisation de l’agriculture pour son autonomie en énergie, pour son implication à la réduction des gaz à effet de serre. Changement de paradigme surtout au niveau du secteur agroalimentaire, chargé d’exercer des activités de service à l’échelon local ou régional plutôt que d’occuper des positions dominantes au niveau national ou international . Encadrement des activités agroalimentaires pour disposer de produits alimentaires de qualité nutritionnelle reconnue. Education citoyenne à l’alimentation, vectrice de culture, de partage, de santé. Reconnaissance de l’importance de nos choix alimentaires pour la préservation de l’environnement. Soutien le plus direct possible au maintien du monde paysan et reconquête d’une partie du marché de l’alimentation par l’agriculture. Droit pour tous de disposer des aliments de base indispensables pour bien se porter (des fruits et légumes au pain et produits animaux de qualité) et lutte contre l’alimentation à deux vitesses. Certes des droits et des devoirs pour les citoyens mais aussi une responsabilité politique évidente dans la mise en place d’une chaîne alimentaire plus proche de l’homme et de la nature, la question alimentaire au cœur des débats citoyens, au centre de nos préoccupations écologiques et humaines.Dans toutes leurs déclarations publiques, les politiques nous répéteront qu’il nous faut une agriculture et une industrie agroalimentaire fortes, sans avoir pris conscience que le système actuel est loin de correspondre au développement de l’alimentation durable sur laquelle toute société moderne a besoin de s’appuyer.
Christian Rémésy
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2.2 / QUELLE RESPONSABILITE POUR LES COMMUNICANTS ?
Communiquer responsable, c'est comprendre et traduire en actes concrets les nouvelles attentes sociales et environnementales de la société, assumer sa part de responsabilité dans l’instauration et le renforcement des liens sociaux, et communiquer avec le souci d'un échange véritable…
Sommaire
A – Répondre aux nouvelles attentes
B – Définition
C – Les 7 principes fondamentaux
A - Répondre aux nouvelles attentes
Les nouvelles demandes de la société
Aujourd'hui, des signes multiples démontrent clairement que le consommateur-citoyen est demandeur d'éthique et de préservation environnementale (par exemple l'alimentation avec les produits bio, la montées aux États-Unis des placements éthiques, le boycott d'entreprises…).
Il est primordial de comprendre ses nouvelles attentes pour, au-delà d'une économie performante, bâtir d'abord une société plus solidaire et moins polluée.
Publicité, le temps des responsabilités
La communication publicitaire subit actuellement un feu de critiques nourries (dernier exemple en date, le livre NO LOGO de Naomi Klein), révélatrices d'une crise du sens de la communication : le monde publicitaire est de plus en plus placé face à ses responsabilités (par exemple : une étude menée sur cent cinquante enfants de neuf à douze ans montre qu'un tiers d'entre eux associe les mots « santé » et « croissance » au Coca-Cola (1)…
Les conséquences sociales et environnementales de la société de consommation ne sont jamais prises en compte par les entreprises et leurs agences publicitaires, ni enseignées dans leurs écoles. Le marketing classique, quand à lui, issu de cette culture du bonheur par la consommation, fait depuis longtemps fausse route, en ne voyant dans l'être humain qu'une « machine à acheter » qu'il suffit de toujours mieux connaître pour… vendre plus.
Les secteurs de la communication et du marketing n'échapperont pas, à l'instar des entreprises à une remise en cause de certains de leurs principes de fonctionnement. Pressés par les industriels, trompés par leurs propres convictions, ils ne prennent pas le recul nécessaire pour exercer leur métier autrement.
Beaucoup de matière grise est gâchée dans les agences de pub traditionnelles : dans le monde, des millions d’artistes, designers, de spécialistes du marketing, créatifs, travaillent à vendre des produits inutiles à l'usage – mais bardés de promesses psychologiques fausses – à l’obsolescence programmée et chers. Très peu se consacrent à améliorer la société par la promotion de modes de vies plus sains, plus solidaires. Et les rares qui s'y attellent, le font souvent avec des méthodes inadaptées.
Quel dommage ! Si la « pub » peut faire ou défaire une marque, elle peut – sous le terme plus noble de communication – exercer aussi son « art » de convaincre pour inciter à suivre des modes de vie et de consommation plus positifs, moins porteurs de crises sociales (maladies de civilisation, violence, exclusion, etc.).
Voici venu le temps de la communication responsable…
B - Définition
Communiquer de façon responsable, c'est tout d'abord s'adresser à la globalité de l'individu, d'abord citoyen avant d'être consommateur, responsable de lui même, de la société qui l'entoure, et de plus en plus conscient de l'influence que ses achats exercent sur l'environnement et la société …
La communication responsable endosse aussi sa part de responsabilité dans l’instauration et le renforcement de liens sociaux, en établissant un véritable échange relationnel humain. Elle veille à ce que les communications à but commercial basées sur le marketing et la publicité, remplissent ce contrat social. Elle s'impose une charte éthique rigoureuse, consciente de son pouvoir « inné » de conviction, et de sa très grande influence sur les sociétés.
La communication responsable, si elle repose en partie sur un acquis marketing et créatif éprouvé, est radicalement différente d'une communication publicitaire classique. Une de ses convictions profondes, est qu'il est dangereux pour la société entière de traduire systématiquement TOUS les désirs de l'homme en « pulsion » consumériste.
Utilisée conjointement avec l'écoprospective, elle constitue un « marketing-mix » très innovant, capable de concevoir et de communiquer dans le respect d'un développement soutenable.
Inspirée des principes du marketing social et du marketing « vert », elle bénéficie aussi grandement des sciences humaines et écologiques. Elle reste une réflexion pratique originale de l’Éconovateur.com, initiée par Sauveur Fernandez, et affinée par une petite équipe pluridisciplinaire. (2)
Communiquer de façon responsable, est-ce légitime ?
Ne pas condamner en bloc le système actuel publicitaire, mais chercher à le réformer en profondeur.
Dans un monde idéal (3), nous en sommes convaincus, la publicité n’existerait pas. Mais elle exerce aujourd’hui une grande emprise sur nos société, et il est illusoire, à l'heure actuelle de vouloir la faire disparaître radicalement, celle-ci étant imbriquée étroitement dans l'économie néolibérale. (4)
Il nous parait en même temps imprudent de se cantonner seulement au rôle de critique, sans soumettre simultanément des contre-propositions positives, visant à la réformer progressivement. Car à ce moment là, ses défenseurs ne manquent pas de dénoncer le coté « utopique » des « antipub ». À ce sujet, l’Éconovateur n’a pas pour vocation de supprimer la publicité et le marketing, mais par une vision pragmatique, de les réformer en profondeur en leur faisant prendre conscience de leurs responsabilités sociales et environnementales.
Des difficultés de mise en place, et des risques de récupération ou de dévoiement existent néanmoins (nous le verrons plus bas, des gardes-fous sont étudiés). Mais en agissant ainsi, la communication responsable se pose alors en contre-pouvoir positif et dynamique.
Par exemple, si un grand groupe de chimie classique décide de lancer une gamme de produits ou matériaux biodégradables sérieux, il est légitime de communiquer sur le sujet. Mais il faut veiller alors à ce que les publicités ne donnent pas l’impression que ce sont tous les produits du groupe qui sont écologiques.
Voici les sept principes fondateurs qui la distinguent totalement des autres formes de communication (en particulier la publicité), et en font d'abord un outil au service de la société entière.
C - Les 7 principes fondamentaux
1 – Le DIRE et le FAIRE
Exprimer concrètement son engagement, s'engager dans la durée. Ne pas communiquer si les changements ne sont pas significatifs.
Pour l’entreprise la tentation est grande de bâtir une image de marque globale et positive, soucieuse d’actions sociales et environnementales, mais avec un minimum d’actions concrètes. Le risque est alors grand sur le long terme de s'exposer à un revirement d'opinion négatif :
– un exemple : que penser de l'entreprise publique d'électricité française EDF, qui fait depuis quelque temps des campagnes publicitaires de soutien aux énergies renouvelables, alors qu’elle ne leur consacre que 1 à 2 % de son budget de recherche, le reste allant surtout au nucléaire ? Il eut été plus judicieux, par exemple, de ne pas prendre les français pour des naïfs en ne communiquant pas, ou de parler de certains efforts réels entrepris en la matière, sans rien cacher des points faibles.
Les pouvoirs publics ont souvent l'intention louable de réprimer certains excès de sociétés (campagnes antialcool ou antitabac, sécurité routière…), au travers de campagnes de communication préventives. Mais elles retirent dans le même temps beaucoup de bénéfices des taxes et impôts prélevés par exemple sur l'alcool et le tabac… et n'osent pas mettre en place certaines mesures vraiment efficaces de prévention (par exemple, interdire aux fabricants automobiles de communiquer sur la puissance de leur véhicule).
Quand aux ONG, associations, et structures indépendantes, elles doivent cesser de militer pour un monde meilleur, tout en continuant, par exemple, d’acheter des T-shirt promotionnels ou animaux en peluche au prix le plus bas (donc fabriqués certainement par des enfants en Chine ou ailleurs…).
2 – Savoir dire non
Refuser des produits, services ou actions "incommunicables". S'interdire les pratiques publicitaires dans certains domaines « nobles » de la société.
La communication responsable ne peut communiquer, en quelque manière que ce soit, sur certains produits, définitivement nuisibles à long terme pour la société (ex : véhicules 4/4 polluants utilisés en milieu urbain, confiseries vendues comme aliments diététiques, placements boursiers classiques sans visibilité sur leur usage, etc.).
L'écoprospective peut, dans ces cas critiques, contribuer à élaborer d'autres pistes de création. À nouvelles attentes, nouveaux produits.
Les hommes et les partis politiques devraient aussi s’interdire de de se considérer comme des produits de supermarchés, en laissant la forme de leur message dominer largement le fond, laissant ainsi la place à une pratique démagogique de la communication, amplement pratiquée par tous les partis actuels…
3 – Utiliser d'une façon responsable et éthique les techniques de communication actuelles
Un choix judicieux de techniques de communication est effectué en fonction de règles éthiques précises.
– Respect de la capacité de jugement de chacun en précisant toujours la nature de la communication (commerciale, institutionnelle…), en ne recourant pas, ou différemment, aux techniques masquées du hors-média (publireportage, « buzz »), en évitant des incitations trop mercantiles (certaines formes de parrainage, « hard selling »), en n'essayant pas d'influencer des « cibles » immatures sur des produits douteux (incitation des jeunes adolescents à la consommation d'alcool), etc.
– Respect des libertés individuelles et du libre choix en n'utilisant pas, par exemple, le marketing direct intrusif (mailings sans indication précise de l'origine de l'adresse collectée et sans possibilité de refus d'envoi ultérieur, spam sur Internet…)
– Respect de la protection des données personnelles sur Internet et dans la vie réelle, en ne cherchant pas à communiquer dans le but de collecter « discrètement » des données privées, dans des buts de revente (certains jeux publicitaires…).
« Il faut vendre d'abord un produit pour son usage réel, et non pas pour ses promesses illusoires de bonheur »
4 – Informer d'abord sur l'usage réel des produits, éviter l'effet « poudre aux yeux »
Vendre d'abord un produit pour son usage réel, et non pas pour ses promesses illusoires de bonheur. Respecter la liberté de jugement et de choix du consommateur.
De tous temps, et dans toute les sociétés, la vente ou l'usage d'objets ou services achetés a toujours répondu à 3 fonctions fondamentales : utilitaire, sociale (convention et valorisation sociale…), et intime (acheter un objet pour des raisons émotionnelles…).
Il n’est donc pas vraiment blâmable d’acheter par exemple une télévision pour mettre aussi en avant sa position sociale ou ses différences culturelles (avec un beau design…).
Le problème actuel, est que l’équilibre entre les 3 fonctions d’usage décrites plus haut est rompu. Aujourd’hui, les spécialistes du marketing et du design savent très bien que l’aspect utilitaire de l’objet est devenu, en beaucoup de domaines, très secondaire.
Le consommateur est aujourd'hui trompé en permanence. La publicité lui vend un objet inutile (donc cher) en lui faisant croire que ses aspirations profondes (statut social, amour, bonheur, et aujourd'hui spiritualité) seront comblées. Le tout se passant dans un contexte général de délitement des liens sociaux — qui parle aujourd'hui à son voisin de pallier ? — et de besoin diffus de chaleur humaine, les promesses publicitaires n'en sont que plus attractives…
Beaucoup de biens de consommation vendus actuellement – même parmi les plus basiques – ne sont plus achetés pour leur usage effectif, mais d'abord pour la valorisation sociale ou personnelle qu'elles procurent. Les industriels doivent accepter de ne plus chercher à vendre à tout prix, à grandir sans arrêt, au risque d'influencer dangereusement les modes de pensée des sociétés. Il faut vendre mieux, et honnêtement.
– Les vendeurs arabes des souks traditionnels savent encore pratiquer cet art véritable de l'attention aux vrais besoins du client. Insérés étroitement dans le tissu social et collectif, connus de tous, ils connaissent le prix d'une relation durable et de confiance, et le danger pour leur réputation de vendre à tout prix.
Le retour à la publicité « réclame », considérée à tort comme obsolète et « vieillotte », doit être encouragé, au moins pour les objets les plus banalisés, ou les plus nuisibles à l'environnement, car elle avait le mérite de ne vanter que les seules qualités d'usage du produit.
– Les fabricants de machines à laver le linge ou la vaisselle, par exemple, devraient être encouragés à communiquer d'abord sur les gains réels en économie d'eau et d'énergie de leurs appareils.
5 – Écouter autrement
Dépasser la notion restreinte de consommateur, savoir percevoir les attentes réelles de la société. Comprendre ce que signifie réellement écouter.
La communication classique considère avant tout l’individu comme un consommateur permanent (une « vision » originaire de l'entreprise, mais qui gagne de plus en plus les institutions civiles, collectivités…). Elle est incapable de percevoir ses attentes profondes (bonheur, affirmation de soi…) sous un angle autre que consumériste.
L’écoute que l’entreprise, par exemple, porte à ses clients par des études, sondages, etc. est nécessairement faussée par cette approche trop limitée. Quelles en sont les conséquences ? Les communication de crises, les boycotts, la méfiance envers la mondialisation économique, prouvent, chacun à leur manière qu'une fracture sociale, signe d'incompréhension réciproque, commence à s'installer entre l'entreprise, l'État, et la société civile. (5)
Concrètement, il s’agit de modifier et d'enrichir les traditionnelles études (marché, attentes, satisfaction, panels, test…), avec des critères autres que consumériste. Les degrés d'implication et de connaissance de modes de vie plus soutenables (normes environnementales, respect des droits des consommateurs, alimentation bio, finance éthique…) sont privilégiés par rapport aux critères classiques d'analyse par sociostyle, démographie, comportements (très souvent mal compris !), etc.
À l’heure du développement soutenable, la communication responsable n’oublie jamais l’individu à travers le consommateur : une subtile écoute de l'autre et un véritable dialogue doivent permettre l'instauration d'une relation vraiment authentique, gage de confiance et d'enrichissement réciproques.
– La montée en France de la publicité interne : la communication au sein des entreprises évolue progressivement en… publicité interne. Ce terme est de plus en plus utilisé par les spécialistes. Il s'agit moins de comprendre les vraies attentes des salariés et leurs besoins réels, en entamant une saine confrontation, que de les persuader à tout prix, par des messages séduisants, d'adopter une démarche précise d'entreprise…
Avertissement : tout écoute véritable suppose un échange. Tout échange suppose d'accepter une possible remise en cause de ses convictions ou attitudes personnelles. L'enrichissement mutuel est à ce prix.
– Que penser d'un groupe faisant de substantiels bénéfices avec des aliments « plaisirs » bourrés de sucres et de matières grasses à grignoter à toute heure et qui, en même temps, dans une soi-disant "écoute" consommateur typiquement marketing, propose des aliments diététiques à basses calories ?
6 – L'apport social et éthique des biens de consommation, à travers la création et le maintien d'un lien social authentique
La communication responsable propose une notion très novatrice : l'apport social, pour juger de l'influence positive générale des biens de consommation sur la société. Créer du vrai lien social, refuser les relations artificielles. Replacer l'humain au centre de toute relation véritable.
Un constat : la communication, (surtout la publicité), par essence est toujours à sens unique : il s’agit d’abord de convaincre, de séduire, par un simulacre d'échange, dénué d'enrichissement mutuel. Notre opinion véritable « à chaud » est ignorée.
De plus, les publicitaires ont créé au fil du temps une forme dévoyée et dangereuse de relation avec le produit ou la société qui le fabrique : l'attachement et la relation émotionnelle et affective à la marque (6). Le but avoué est de créer un « affect » fort qui transcende l'usage pragmatique du produit, et vise à faire acheter une émotion, plutôt qu'un produit ou service avec un usage précis, afin de pousser à la fidélisation et à la consommation. L'ironie d'une telle approche est notamment l'artificialisation et la virtualisation progressive des relations humaines qu'elle engendre :
– à l'autre bout du fil, lors d'une réclamation, par exemple, un opérateur fait mine de vous connaître. Mais c'est un ordinateur, qui en temps réel, et à coup de mégabases de données le renseigne sur vous, afin de simuler artificiellement un ersatz de relation.
– Pour la rédaction de mailings « personnalisés », une société a mis au point un système de robots munis de stylos reliés à une base de données, et qui permettent de reproduire parfaitement l'authenticité de tout type d'écriture (plume, crayon ou feutre).
Pourtant, en tant que consommateur, nous recherchons très souvent un contact humain véritable lors de l'acte d'achat : la grande distribution promet par exemple, dans ses slogans, d'être un lieu de vie. Mais comment dialoguer avec une caissière surchargée de travail ?
Une communication saine doit parvenir à instaurer un échange concret, sincère et réciproque :
– Quelques exemples : courrier des lecteurs avec commentaire, débats sur Internet, forums, numéro vert, avec informations sur le produit provenant de sources indépendantes).
Au delà d'un lien dynamique, la communication responsable cherchera toujours à privilégier la relation humaine directe, en replaçant par exemple le vendeur ou la vendeuse dans son rôle fondamental d'instauration et de renforcement de lien social. On évitera un changement trop fréquent des vendeurs en magasin, afin que ceux-ci puissent participer dans la vie de quartier.
Il faut aussi permettre et encourager une implication véritable du citoyen ou du consommateur. Le client, par exemple, doit d’abord acheter un bien pour le rapport authentique qu’il entretient avec ceux qui le produisent, ou le vendent. (8)
– L'achat direct à la ferme de produits fermiers permet de mieux connaître l'origine des produits, d'accepter son prix en comprenant le travail nécessaire à son élaboration, et surtout, de nouer une relation directe et humaine avec le producteur. À ce sujet, les circuits courts de distribution et la vente commerciale directe, doivent être encouragés.
Nous rappelons que dans le domaine commercial, l'apport social des produits devrait d'abord résider dans leur utilité réelle et un respect des équilibres psychiques et culturels que nous entretenons avec eux (7).
Par exemple, certains biens de consommation, qualifiés de produits « à fantasme » — parfum, mode etc. —, loin d'êtres inutiles, recèlent des fonctions sociologiques positives cachées (par exemple cohésion culturelle des membres d'une société). Il incombe alors de veiller au minimum à ce que ceux-ci ne véhiculent pas des valeurs dommageables pour le corps social (exemple, la vague récente du porno-chic dans l'industrie du luxe).
Tous ces constats nous amènent à la notion de valeur éthique globale d'un bien de consommation : celui-ci ne doit pas seulement être abordable (valeur économique) ou procurer un plaisir personnelle (valeur intime) : il doit aussi préserver un tissu relationnel vivant en incitant par exemple les gens à manger ensemble (valeur sociale), contribuer au meilleur de l'homme (valeur de sens), ne pas abimer l'environnement comme les écoproduits (valeur environnementale), et veiller aussi au maintien des autres formes de vie – comme le bien être animal dans l'élévage – (valeur spirituelle). (8)
Chaque membre de la société, institutions civile, entreprise, citoyen doit avoir conscience de cet objectif éthique et social.
7 – Éducation, sensibilisation et formation aux grands enjeux de société
Travailler en profondeur, par la pédagogie et la sensibilisation l'implication citoyenne aux grands défis de notre temps.
Pour éviter l'apparition (proche ?) d'un monde pollué, constitué d'obèses, de violence rentrée, et de citoyens vivant leur vie au travers de celle des autres (télé réalité…), les gouvernements, les entreprises, les médias, la société civile, et le citoyen consommateur, doivent être sensibilisés et encouragés à réfléchir et s'impliquer dans ces grandes problématiques.
La communication responsable a un rôle important à jouer en veillant à ce que les outils de communication soient bien utilisés, et en apportant son expertise dans les domaines du lien social et de l'environnement. Il faut veiller, cependant, à ne pas convaincre à tout prix, ou à seulement créer un impact émotionnel, mais d'abord à former le jugement et surtout, comprendre et impliquer les populations concernées.
Suite de l'article (à paraitre prochainement) : de la nécessité d'instaurer un label officiel, description du mode de travail original de cette nouvelle approche, et les secteurs qui peuvent en bénéficier (entreprises, institutions, société civile).
– Sauveur Fernandez –
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2.4 / REINTEGRER DU VIVANT DANS L’ALIMENTAIRE
L’essentiel des sujets actuels associés à l’alimentation occidentale concerne généralement les conséquences plus que les causes des « désordres » alimentaires en y intégrant une post-rationalisation et post-justification agrémentées de recommandations comportementales.
L’objet ici n’est pas de critiquer ce processus mais d’essayer d’y trouver quelques fondements causaux à même de nous sortir des sujets de prédilections médiatiques tels que le sucre, le sel, la boulimie, l’anorexie, l’obésité ou bien encore le bio, l’équitable, les OGM… et de comprendre pourquoi de tels sujets surgissent régulièrement.
Il me semble donc indispensable de cerner quelques thèmes au préalable de notre réflexion ceci afin de mettre en éclairage les ressorts qui nous accompagnent dans notre vision de la chose alimentaire.
Le rapport à la mort moderne
Notre rapport à la mort à changé en l’espace d’une ou deux générations. Alors que la mort a toujours fait partie de la vie pour toutes les générations précédentes, force est de constater que ce n’est plus le cas aujourd’hui dans les sociétés occidentales. Ainsi l’on peut dire, sans exagérer, qu’à l’inverse des représentations religieuses traditionnelles présentant l’homme comme une « victime » de la mort subissant le choix et les décisions d’un monde qui lui échappe (autrement dit l’heure, le lieu et la raison de la mort ne sont pas du registre humain) il convient aujourd’hui de maîtriser sa mort, de l’organiser, de la choisir en attendant de pouvoir y surseoir.
Dans cette optique de nombreux comportements sont proposés ou imposés afin de mieux encadrer le rapport à la mort et la souffrance susceptible de l’accompagner pour ceux qui la subiraient ou l’approcheraient. De la sécurité routière, en passant par les lois sur l’alcool, le tabac mais aussi les lois sur la sécurité et les comportements alimentaires. Faire reculer la mort, l’éloigner du vivant, en maîtriser les échéances. L’ensemble des discours en particulier publicitaire et médiatique s’inscrit de plus en plus au centre d’une espérance, une quête d’éternité. On ne meurt jamais en publicité sauf quand il faut nous obliger à changer nos comportements.
Certes, on pourrait dire que les inscriptions légales sur les paquets de cigarettes, sur les publicités d’alcool et aujourd’hui sur les aliments et la promotion qui les accompagnent contredisent ce phénomène. En réalité ils ne font que le renforcer pour dire que la mort perd du terrain, que l’homme à décider de se battre et de la contingenter aux limites du monde moderne, scientifique et sociologique. La mort, c’est pour après (faire reculer l’échéance au plus loin) au cas où je ne fasse pas partie de ces générations qui auront accès aux pilules de longévité puis d’éternité. La plus grande partie du discours alimentaire aujourd’hui semble reposer sur cette mécanique. Les prises de positions des uns et des autres, que l’on soit pro ou anti Ogm, que l’on définisse ce qui est bon ou ce qui est mauvais de façon scientifique ou idéologique, que l’on défende le bio ou que l’on n’en tienne pas compte etc. sont des émergences de la transformation de notre conception de la mort.
L’on peut constater par ailleurs la mise à distance de tous les paramètres y compris humains qui tendraient à nous rapprocher où nous faire penser à la mort. Les maisons de retraite permettent à de nombreuses familles de ne pas être confrontées à la gestion d’une fin de vie, à la proximité de la mort. Ces salles d’attentes ne sont-elles pas faites pour ceux qui n’y vivent pas ? En revanche, l’individualisation de la mort, le choix du jour et de la méthode, option possible qu’offre l’euthanasie, aujourd’hui encore interdite en France même dans des cas extrêmes, explique bien cette volonté de domination de cette partie de l’existence qu’est la mort.
Comme le précise L.-V. Thomas : «les causes structurelles du déni (de la mort) se trouvent dans les réalités suivantes: "l'individuation exacerbée, la civilisation aliénante et le progrès effréné de la technique"» . La mort sociale, communicationnelle semble ainsi être plus angoissante que la mort physique. Dès lors, la représentation du vivant devient fondamentale. Les apparences prennent le pas sur la réalité. Peu importe finalement le fond de la chose, je veux garder l’illusion d’une mort improbable dans laquelle la chose sanitaire, « hygiènale » sont des outils me permettant d’accéder à la vie éternelle. Enfin, la nécessité de perpétuation de la vie, de la biodiversité et de tous les concepts s’y rattachant sont des phénomènes consécutifs de ce nouveau rapport à la mort qui nous fait dire que la vie, notre vie (l’espèce humaine), ne doit pas disparaître, doit se maintenir.
Force est donc de constater que la représentation publicitaire de la mort est inexistante au profit de celle de la vie, une certaine forme de vie. Mais, les nouveaux modes de représentations et d’argumentations de la vie semblent devoir passer par de nouveaux signifiants. Ceux qui vont à contrario de ce que dénonce vertement la société civile sur l’hyper-industrialisation du monde. Si les Ong et de nombreux médias tiennent un discours de « mort », la société attend quant à elle une représentation de la « vie ». Il en résulte des comportements nourris par la peur. Les produits, les marques, et les industries qui les fabriquent et les commercialisent vont-ils nous permettre de répondre à cette angoisse? Bien évidemment, ce thème ne peut que resurgir dans les questions : Mange t-on du mort ou du vivant ? devons-nous manger vivant ou manger mort ?
Aubrey de Grey, scientifique en génétique renommé, adulé par certains, critiqué par d’autres, nous préparerait-il à la vie éternelle?
Ce scientifique de 42 ans de l’Université de Cambridge en Angleterre, au look rock style ZZtop avec sa longue barbe, affirme que la mort ne doit plus être considérée comme quelque chose d’inévitable mais plutôt comme une maladie.. qui par définition peut donc être soignée.
De Grey aurait déjà réussi à faire vivre une souris jusqu’à l’âge de 5 ans, l’équivalent de 150 ans chez un être humain grâce à la modification des gènes reliés aux hormones de croissance. Le concours «Mathusalem» doté de 20000 livres est d’ailleurs organisé pour la souris qui vivra plus longtemps que sa “GHR-KO 11C” qui est morte à 5 ans.
Aubrey de Grey serait aussi un symbole pour un mouvement connu sous le nom de Transhumanisme, philosophie qui analyse et encourage l’usage de certaines technologies pour améliorer la condition humaine, au-delà des contraintes de l’évolution biologique (d’après Wikipedia).
La peur moderne
Ce qui nous fait peur, dit Boris Cyrulnik, c’est l’idée que nous nous faisons des choses, bien plus que la perception que nous en avons. Nous entrons ici de plain-pied dans les représentations des dangers que nous courrons. Ces dangers sont inhérents à la vie des espèces vivantes qui doivent leur survie à la capacité d’autodéfense qu’elles développent face aux dangers de mort. La peur est construite non pas sur des perceptions mais des représentations. Dès lors, si certaines d’entre-elles portent en elles les signifiants du danger il est évident qu’un individu les intègrera et les prendra en compte pour éviter de se mettre en péril à moins que d’aller dans des comportement suicidaires (acceptation de la mort, recherche de la mort, refus de la vie).
Porter les signifiants du danger ne veut pas dire qu’il suffit que ce mot soit inscrit en toutes lettres sur le conditionnement, l’instrument, l’appareil. Le bon sens et le comportement sont aussi réclamés. Nombre de communications tente d’influer sur les comportements des individus. Aujourd’hui on peut dire que l’on met un préservatif comme l’on boucle sa ceinture de sécurité ou son casque, on sort fumer dehors… Ces gestes sont devenus mécaniques. Pour autant il ne s’agissait pas à l’origine d’autodiscipline. Chaque citoyen a été obligé de changer son comportement. Cela pourrait-il être le cas dans l’alimentaire comme il l’est déjà pour l’alcool et le tabac ?
S’agirait-il donc de considérer que des individus aient des comportements à risque (achats de produits à risque) pour être sanctionnables ? L’on sait que des produits vont être plus ou moins taxés du fait de leur impact négatif ou positif sur l’environnement et pourquoi pas en ce qui concerne l’alimentation des personnes ? (Comme d’accoutumée afin de régler un dispositif collectif il en résulte toujours un système de contrainte par la loi ou par l’argent qui change à terme les comportements des individus et des marques et favorise le conditionnement). Peut t-on envisager des campagnes de « sécurité alimentaire » ? Des parents ou des restaurants, des marques se feront-elles condamner comme l’industrie du tabac pour avoir vendus et commercialiser des ingrédients pathogènes ou entraînant de la dépendance ?
Ainsi la peur a évolué et continue d’évoluer depuis l’après-guerre. Cette évolution, originellement lié à la vie et à la mort, revêt aujourd’hui des notions de sanctions, de punitions, de risques qui ont changé du fait du changement même de la nature des dangers (et il en revient à l’Etat comme on le sait de protéger les citoyens des dangers qu’ils courent où feraient courir).
C’est ce que l’on appelle populairement la peur du gendarme. La peur d’être verbalisé, pris en excès de vitesse, griller un feu rouge, flashé. Ce n’est pas l’accident qui fait peur, d’autant que les véhicules et les routes sont de plus en plus sûrs, mais la peur d’être considéré comme un criminel de la route, un délinquant, de perdre des points, son permis..
C’est aussi la peur de l’autre, fondée sur la possible dégénérescence de la relation. La peur de l’instrumentalisation, de la manipulation, du complot, de l’arnaque quel qu’en soit le niveau. La peur engendre une perte de confiance en l’autre et de repli sur soi.
Dans cet environnement, les marques sont des actrices incontournables de la confiance collective. Elles sont l’un des derniers remparts contre les abus en tout genre permettant de dissocier le faux du vrai, l’original de la contrefaçon. La marque est une amie non pas à qui l’on se confie mais à laquelle on s’adonne. La relation est donc fondée sur la confiance. Cette confiance ne peut être trahie. Quelques qu’en soient les raisons, cela serait impardonnable et lui serait fatal.
Pire que la trahison, la peur de la manipulation mais aussi la peur de l’empoisonnement. Cette peur vient par devoir de précautions de prévention laisser imaginer que les marques peuvent être coupables de graves intentions sans présomption d’innocence. Cette peur latente aujourd’hui contingentée commence à faire tache d’huile. Il en va de même aujourd’hui pour les consommateurs qui sentent une nouvelle peur monter. Il semble en effet que l’on puisse être un bon ou un mauvais consommateur, responsable ou irresponsable. C’est l’une des peurs pour soi-même dans le regard des autres qui dirigent cette nouvelle angoisse de consommation.
A ces évolutions se groupent les notions mondialisantes de la société contemporaine fondées sur les délocalisations, la perte des frontières psychologiques et des référentiels nationaux. L’ouverture des marchés à l’Est laisse à imaginer aux consommateurs de l’Ouest ou du « Nord » qu’ils ne sont plus la priorité. La marque les laisserait tomber au même titre que l’entreprise peut les laisser choir. Plus de vulnérabilité, plus de précarité, éclatement des frontières psychologiques, intellectuelles et matérielles génèrent un bouquet d’incertitudes. Autant de peurs et de dangers potentiels qui effraient les consommateurs aujourd’hui et dont les marques ne se préoccupent pas. Pis elles commencent à être vues comme les instigatrices de ces phénomènes. Reste donc la possibilité pour quelques-uns de s’en remettre non pas à la marque mais à la fabrication rituelle, aux modes de transformation conformes aux religions. Halâl, cacher, c’est au nom de Dieu que cela se fait et non aux bénéfices de quelques intérêts mercantiles…d’autres s’en remettront au produits du terroir, à des origines dites contrôlées. Des territoires que l’on connaît, que l’on maîtrise, que l’on apprécie pour leur valeur et dont tout le monde s’accorde à dire qu’ils sont de « confiance ». Bienvenue chez les Ch’tis.
N’ayez pas peur ! fût l’un des leitmotiv de Jean-Paul II. Cela n’empêche pas ceux des pays développés d’être effrayés par le monde dans lequel nous vivons. Vu à tavers la lucarne tous les soirs à 20H, ils ne peuvent l’oublier : terrorisme, guerres, violences, insécurité, mais aussi la grippe aviaire, vache folle, échérichiacoli, Sras, fièvre aphteuse, tremblante du mouton…C’est la peur totale du danger. L’illusion perdue des années 80 où la réussite était d’autant plus forte que les dangers et les craintes étaient évacués. Un véritable mirage. Celui sur lequel la publicité a tant surfé. Une vision du monde capitaliste idéaliste, narcissique, nombriliste. La beauté du monde n’est en fin de compte pas ce que la publicité et les marques ont tendu à nous faire croire pendant des années s’interroge dans leur intimité les consommateurs. La publicité est belle, attrayante alors que le monde ne l’est pas. La peur est laide. Les publicitaires nous mentent comme ceux du marketing semblent dire les désabusés de la pub. Comment pourrais-je demander à la publicité de me faire espérer et définir pour moi les champs du possiblement beau et sécurisant de notre société? En un mot me réassurer contre cette peur au ventre alors que je pensais le monde beau ?
La beauté
« Si la vie vaut la peine d'être vécue, c'est à ce moment: lorsque l'humain contemple la Beauté en soi. Si tu y arrives, l'or, la parure, les beaux jeunes gens dont la vue te trouble aujourd'hui, tout cela te semblera terne. Songe au bonheur de celui qui voit le Beau lui-même, simple, pur, sans mélange, plutôt que la beauté chargée de chairs, de couleurs et de cent autres artifices périssables... » Comme l’exprime Platon la notion du beau recouvre plusieurs sens sur lesquels il faudrait nous accorder. Mais cela semble si difficile lorsque l’on sait que les goûts et les couleurs ne se discutent pas. Et si justement nous en discutions. Car il se peut qu’il nous faille « décoloniser notre imaginaire » comme le dit si joliment Jean-Claude Besson-Girard .
Nous serions-nous fait coloniser sans nous en apercevoir ? Serions-nous devenus incapables de discerner, le Beau du beau tel que l’aurait vu Platon et qui sous-entend que nous ne pourrions, comme il l’écrivait, faire référence uniquement à la beauté « chargée de chairs, de couleurs et de cent autres artifices périssables… » il semblerait bien que le « divin Platon » nous parlais déjà, 350 ans avant JC des artifices de la société de consommation actuelle. C’est presque un rayon alimentaire dans une grande surface que l’on nous décrit là. Serait-ce donc une illusion de plus ?
Mais si nous n’avons pas de capacité à lire le Beau aurions-nous, en paraphrasant Noam Chomsky, « une grammaire de part nous-même ». Perverse celle-là puisqu’il s’agirait de voir le beau par l’entremise d’un ensemble de règles pavloviennes qui humidifient nos papilles à la simple vue de couleurs et de matières. Pouvons-nous nous extraire de ces lois alimentaires qui nous font voir l’orange orange, le café noir, le beurre jaune. Même si nous sommes convenus qu’un citron peut-être vert ou le chocolat blanc. L’huile d’olive se fait à partir d’olives mures noires mais on représente sur l’emballage des olives vertes. A noter que dans certains pays de l’Est l’origine des olives est aussi sources de suspicions en fonction de leurs origines de production.
Que dire alors de la pastèque carrée des Japonnais conçues par la contrainte, et non la manipulation génétique, pour qu’elle s’insère facilement dans les frigos ? A part quelques cas extrêmes, Il semble qu’un nombre de règles esthétiques ne peuvent être transgressées parce qu’elles nous donnent un autre stimuli que celui du beau : celui de la qualité (en l’occurrence la représentations que nous nous en faisons) et de l’authenticité. Les bananes ont une forme à laquelle on ne peut déroger. Il en va de même d’une grande quantité de produits alimentaires comme les fruits et les légumes et de l’ensemble de produits alimentaires non manufacturés. Ainsi pour rendre encore plus séduisants les fruits et les légumes que ne vaut la nécessité de les rendre plus proches de la représentation que nous en avons. Des tomates encore plus tomates malgré des variétés qui se multiplient sur nos étals. Tomates cerises jaunes et rouges, cocktails, coeur de pigeon, marzounettes, grappes, noires, zébrées, cœur de bœuf contre il y a encore peu de temps quelques Roma, Olivette où Ronde… du génétiquement modifié non seulement à des fins industrielles mais aussi commerciales. Le consommateur se fait une idée de ce qu’est un légume. Il en a une représentation précise dans son iconographie mentale. Sa recherche de perfection sanitaire le conduit à considérer que le fruit ou le légume répond à des normes esthétiques très précises. Ces normes sont la face visible de la qualité supposée du produit. Sa carrosserie en quelque sorte. Aussi l’on imagine mal voir en grande surfaces de « vrais » produits authentiques. Ce serait un peu la même chose si But ou Conforama se mettaient à vendre des produits artisanaux, anciens, en bois non stratifiés…
L’on pourrait même étendre la comparaison à Ikéa qui propose ses propres collections. Peut-être est-ce là une forme de débouché pour la grande distribution ? Qu’elle soit elle-même la garante de ce qu’elle offre. Nous aurions la tomate Leclerc qui répondrait à des caractéristiques particulières, la pomme Carrefour, le melon Auchan…Mais cela reviendrait à donner à la grande distribution un rôle « responsable » qu’elle ne souhaite pas assumer puisqu’elle n’est en fait que le grossiste des particuliers. Elle ne fabrique pas, elle distribue, comment pourrait-elle être responsable dans ce sens, si ce n’est de s’engager dans des zones de conflits contraire à ses intérêts ? Cela ne serait-il donc pas plus simple pour des fabricants ou chaînes alimentaires de garantir leur ingrédients ? Monsanto n’est pas un industriel de l’alimentaire pour les particuliers. Dès lors, le combat contre ces industriels ne devraient-ils pas être celui des marques pour leurs consommateurs ? Les marques n’ont-elles pas d’opportunité à décider de la qualité des ingrédients qu’elles utilisent pour manufacturer leur produit final ? imaginons Renault ne garantissant pas les pièces détachées de ses automobiles ? Nul doute que les consommateurs feraient pression et Renault de le faire sur Valéo ou Michelin. Dans cet univers alimentaire, le lien entre industriels manufacturiers et industriels de matières premières ne semblent pas encore fait.
Que faire en définitive si le consommateur ne s’intéresse qu’à la carrosserie, ce qui revient au conditionnement pour la plupart des produits de grande consommation ? Le packaging est-il une garantie de sécurité de ce qui se trouvent à l’intérieur ? L’emballage est-il la garantie de la formule produit ? La beauté est-elle conforme à l’espérance de qualité ?
Cela fait près de cinquante ans que les marques s’y attèlent non sans mal. La forme doit servir le fond. Tout est fait pour que l’emballage rehausse le fond. Si dans les temps soviétiques, l’on ne choisissait pas son produit en fonction de l’emballage mais en fonction du parfum ou du toucher et qui plus en est « over the counter » il n’en était pas de même dans nos pays de l’Ouest. Ainsi la sécurité du produit passe bien sûr par des garanties techniques mais en terme marketing, par la capacité que nous avons d’en faire des arguments de vente, des arguments marchands, différentiant, visibles sur le produit ou sur son conditionnement. Ce processus génère une esthétique de la chose bonne. C’est une des composantes du design y compris sonore. (les bruits du moteur, de la portière qui se ferme sont travailler par des spécialistes). C’est aussi une esthétique du concept qui voit la feta d’origine bulgare devenir grecque selon la commission européenne. Mais aussi Danone qui dénigre la bactérie aux vertus sanitaires et séculaires des yaourts bulgares (à l’origine même de la conception du yaourt) pour protéger ses yaourts qui n’en sont pas ( la marque lança un yaourt au goût bulgare et perdu son procès contre l’état bulgare). Il en va de même pour le champagne ou le camembert.
Par delà le savoir faire ou l’origine de fabrication il y a la représentation du monde qui colle aux produits et qui a pour but d’embellir la vie qui va avec.
Enfin, de nombreuses marques ont offert des produits à sécurité améliorée, bien sûr la technologie le leur permettait mais surtout, parce que la concurrence les y obligeait. Dans l’alimentaire aujourd’hui la concurrence n’oblige à rien quasiment de ce point de vue. Ce sont les consommateurs et la société civile qui revendiquent la sécurité des produits alimentaires que « l’Etat devrait garantir ». Il s’agit d’avoir, d’une part, de la réassurance sur l’existant et d’autre part la certitude que l’on est pas au centre d’un nouveau scandale qu’aucun système de précaution n’a réussi à enrayer à temps comme celui de la vache folle. 100 personnes seulement sont mortes des conséquences de KJ entend t-on. Mais au-delà de ces chiffres qui semblent bien maigres face à ceux de désastres humanitaires quand est-il de l’impact psychologique sur les populations ? Les consommateurs vont-ils se mettre à regarder correctement les packaking, lire l’éthique sur l’étiquette ou continuer de se fier aux apparences ? Faire mentir ainsi le dicton « l’habit ne fait pas le moine » ? Dans l’alimentaire comme dans de nombreux autres marchés la beauté de l’extérieur prouve la beauté qui se trouve à l’intérieur, et non l’inverse, discours publicitaire aidant.
En conclusion :
Dans cet environnement rapidement brossé, nul doute que les opportunités dans le secteur alimentaire vont continuer de couvrir des univers propres à la santé (la promesse d’une vie longue et heureuse) antithèse de la mort. ( tant que l’on a la santé…)
La santé passe par l’alimentation sauf celle que l’on nous vend à la télé semble dire les mentions légales : Bougez, mangez des fruits, ne grignotez pas entre les repas n’a pas impact sur les fabricants mais sur le consommateur. Mais alors comment acheter 5 fruits par jour et s’assurer qu’ils sont « bons » pour la santé ( sans pesticides etc.), faire du sport sans s’intoxiquer du carbone des voitures en faisant son jogging et manger correctement sur son lieu de travail…(voir à ce propos l’action de Danone sur le bio dans les cantines scolaires).
La santé de l’intérieur, estomac, intestins, colons, foie, pancréas, la santé digestive, les artères, le diabète, la lutte contre les cancers, le cholestérol sont des thèmes qui ont certainement de beaux jours devant eux. Par extension ces thématiques sont encore plus fortes pour les personnes vulnérables comme les enfants, les personnes âgées, et ceux qui ont peur de le devenir prématurément s’entend.
La santé active, les aliments beauté, la maîtrise du poids sont autant de sujets qui feront florès à ne pas en douter. Ainsi verrons-nous l’avancée des substances actives probiotiques et principes actifs. La reproduction « en mieux » de ce que la nature nous donne. Les marques cosmétiques iront sur les marchés alimentaires tout autant que l’inverse. Nestlé, principal actionnaire de l’Oréal avait-il déjà cette idée en perspective ? Les Japonnais toujours en avance y sont déjà en lançant des gammes « cosmétofood » avec des yaourts au rayon beauté ou des bonbons ayant des bienfaits sur le teint.
Tropicana a lancé un jus de fruit qui lutte contre le vieillissement cellulaire et le lait antioxydant est déjà une réalité. Vichy Célestin, étude scientifique à la clef dit augmenter l’hydratation de l’épiderme de 7%. Danone n’exclut pas de vendre Essensis au rayon cosmétique dans des minis réfrigérateurs. En Asie on peut trouver des boissons, des yaourts, des confiseries qui agissent sur les rides, l’hydratation, le blanchiment et la beauté de la peau. Des chewing-gums sont déjà des dentifrices.
Surfant sur les nouvelles peurs des consommateurs les fabricants n’hésiteront pas à proposer des produits destressants, bons pour le moral. Mais tout cela a un coût. La "premiumisation" de la santé
est aujourd’hui galopante. Assisterons-nous à une alimentation à deux ou trois vitesses. L’alimentation naturelle, meilleure pour la santé, deviendra t-elle uniquement accessible aux revenus les lus importants, tandis que la masse n’aura droit qu’à des illusions de naturalité jouant sur des associations de couleurs et de mots, d’images et de représentations ?
Les points de ventes nomades aux bords des routes tels quelques petits producteurs se multiplieront-ils en intégrant tous les codes de ses derniers ? Verrons-nous enfin de nouvelles recettes arriver, les vôtres, les nôtres surfant sur la vague de customisation des désirs qu’ils soient équitables ou non?
Enfin et pour finir, les blogeurs se déchaînent en pensant : « il n’y a jamais eu autant de potentialités de développements industriels dans l’agroalimentaire. Les angoisses nutritionnelles des populations sont entretenues par les médias et les Ong ce qui sert en réalité l’industrie pour développer de nouvelles offres conformes aux attentes des populations effrayées ».
Bruno David
2.4 / LE MAINTIEN D’UNE AGRICULTURE PAYSANNE
« Les AMAP pour sauver les maraîchers biologiques franciliens ! »
Le 03/02/2005, nous avons rencontré André Savier, maraîcher biologique à Meaux (77), depuis peu à la retraite.
Nous le remercions ici pour son implication au sein de notre réseau d’agriculteurs biologiques et pour le développement de l’agriculture biologique francilienne.
Lors de notre entretien, il a voulu nous transmettre un message d’espoir et d’avenir pour nous tous dans la région.
« L’année dernière, j’ai travaillé avec un groupe de consommateurs du 12ème arrondissement à Paris, au sein d’un Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne (AMAP). Aujourd’hui à la retraite, je vous confie que si j’avais travaillé au sein d’une AMAP plus tôt, j’aurais vraisemblablement retardé un peu ma retraite… »
Il ne s’arrête pas de vanter à ses collègues, les avantages de ce système où le maraîcher s’associe avec des consommateurs motivés. « Les AMAP peuvent sauver le métier de maraîcher bio aujourd’hui si difficile. Il n’y voit que des avantages :
C’est moins contraignant qu’un marché et bien plus rémunérateur que Rungis : tu livres une fois par semaine les légumes propres dans des caisses et les consommateurs viennent eux-même remplir leur panier hebdomadaire.
Fini le gaspillage dû au calibrage, ici les consommateurs se partagent tous les légumes, les « trop petits » comme les « trop gros ». Enfin, au lieu de passer une journée au marché, tu passes deux heures à discuter et à conseiller les consommateurs de l’association. »
Dans une AMAP, les consommateurs s’engagent sur l’année et payent à l’avance leur panier hebdomadaire type dont la composition varie en fonction des saisons. Là encore ce système est favorable au maraîcher : « Les paniers sont payés en début de trimestre, ce qui permet d’avoir de la trésorerie pour faire tourner l’exploitation. Une même structure est plus en sécurité en travaillant avec une AMAP qu’en vente directe sur les marchés. Cela fait aussi moins de soucis, car les consommateurs s’organisent entre eux pour gérer les abonnements et la comptabilité de l’association. »
« Et le plus intéressant a été de rencontrer réellement les consommateurs et d’échanger avec eux. La permanence hebdomadaire lors de laquelle les adhérents viennent remplir leur panier est souvent l’occasion de riches échanges.
Tu fais découvrir de nouveaux légumes aux gens, il faut leur expliquer une recette et puis ils reviennent la semaine d’après te dire qu’ils se sont régalés ! Tu peux aussi leur expliquer pourquoi il n’y a pas beaucoup de tel légume ou pourquoi ils sont abîmés. Tu as le temps de leur expliquer les soucis de la production et eux sont à la fois intéressés et compréhensifs, c’est très valorisant ! »
Dans cette association à bénéfice réciproque, les consommateurs y trouvent aussi leur compte : la fraîcheur des légumes bio cueillis dans la matinée reste un avantage incomparable ! Les autres atouts de ce système sont les prix (ceux de la vente directe), le contact direct avec le producteur et les explications sur la production bio, le lien privilégié avec les saisons et la terre qui produit les légumes. Enfin, chaque année le groupe de consommateurs visite la ferme du maraîcher pour savoir exactement d’où viennent les légumes !
Nous saluons André et lui souhaitons tous une belle retraite ainsi qu’à sa femme. Ils nous manquent déjà au GAB sur le marché de Meaux (cf photo de l’été dernier). Nous le remercions aussi pour sa sympathie et pour les photos que nous avons pu prendre chez lui pour le site Internet.
Enfin, lors du Printemps Bio du 2 au 12 juin prochain, des portes ouvertes seront organisées chez les maraîchers volontaires en lien avec des AMAP. Nous vous diffuserons le programme par la suite.
www.bioiledefrance.fr/
2.5 / L’EMERGENCE DES LOCAVORES
Le temps des "locavores"
Aujourd'hui, les bons produits frais, locaux (voir bio) ne coûtent pas plus cher que les mauvais produits industriels internationaux sans goût, sans qualité nutritionnelle et souvent chargés de pesticides, d'antibiotiques… Quatre tranches de jambon de qualité chez le charcutier coûtent le même prix que quatre tranches de jambon sous cellophane chez Auchan.
Comment en est-on arrivé là ? Tout simplement parce que les produits industriels reviennent cher à cause des intermédiaires, des produits chimiques, de l'éclairage, du chauffage, de l'emballage et du transport (un yaourt industriel fait en moyenne 9 000 km avant d'arriver sur le rayon d'un hypermarché).
Conséquence : l'achat local, en direct, de produits alimentaires naturels (ou bio) va renaître. Les gens vont retourner chez les petits commerçants locaux, sur les marchés, dans les fermes. Les circuits de distribution type coopératives, AMAP, vont continuer à se développer. Et la consommation des produits industriels et artificiels va perdre des parts de marchér.
La solution pour les grandes marques d'agro-alimentaire : re-localiser et re-naturer leurs produits. C'est le grand défi des prochaines années pour Danone, Nestlé, Lever, Kraft, Kellogg's…
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PARTIE 3 / VERS UNE EDUCATION ALIMENTAIRE PERSONNALISÉE
3.1 / Comment la nourriture me connecte aux autres
L’alimentation, comme les autres événements « vitaux » de l’existence humaine (le sexe, la mort), est frappée de tabous. Manger nous renvoie à notre nature animale et à nos besoins biologiques les plus fondamentaux.
Cette condition animale est parfois difficile à accepter parce qu’elle contredit l’illusion d’un homme parfaitement rationnel pouvant tout comprendre et tout contrôler. C’est ainsi que, dans toutes les grandes religions, les périodes de jeûne sont conçues comme un moyen d’atteindre une plus grande perfection spirituelle, en nous délivrant des « appétits bas », jugés vulgaires et triviaux…animaux et donc amoraux.
Il convient dès lors d’écarter nos propres référents culturels pour envisager le rapport entre la vie et la nourriture tout d’abord, entre les repas et la nourriture ensuite, puis enfin comprendre la nature du lien créé entre moi et les autres lors des repas.
La vie, La nourriture, et Moi
Il existe probablement de nombreux travaux et recherches scientifiques expliquant comment mon corps assimile l’énergie des aliments ingurgités. Des théories pointues qui permettent de modéliser le transfert d’énergie d’un corps vivant à un autre corps vivant, puisque ma nourriture est vivante.
Mais l’explication scientifique du « comment », bien que sans doute très satisfaisante sur le plan de la cohérence interne et de la fiabilité expérimentale, ne peut satisfaire mon envie de croire au charme du « pourquoi ». Il y a en effet quelque chose d’irréductiblement « magique » dans l’incorporation d’énergie, dans ce renouvellement permanent de mes cellules, de mon sang, de mes muscles.
Chez l’enfant, l’absorption d’énergie a une conséquence immédiatement visible : la croissance. L’énergie se voit, elle fait grossir et grandir le corps, elle rend plus fort. On se représente alors l’énergie comme un principe actif qui, en résumé, rend plus fort. Les épinards de Popeye n’ont d’autres mythologies que la conception enfantine de l’absorption d’énergie. Cela a un sens fort et simple, compréhensible par tous.
Cet axe sémiologique est indépendant des notions de goût. C’est plutôt les fantasmes de puissance investie dans les corps vivants qui vont influencer mon envie d’incorporer. Ainsi, on va attribuer au sang de serpent des vertus sexuelles énergisantes, à la corne de rhinocéros noir des effets eux aussi aphrodisiaques. Rhinocéros, serpents, et autres requins sont des signifiants transparents. La tortue et l’œuf sont d’un niveau symbolique plus complexe, plus philosophique peut-être mais l’envie d’incorporation est la même. Il serait facile d’affirmer que les menus typiques n’ont été choisis que par leur effet sur les papilles gustatives. Dès le départ, l’imaginaire travaille l’envie d’avaler.
Un corps vivant qui semble plein d’énergie est convoité dans un but d’appropriation. Que cette énergie soit interprétée comme une force physique ou une maitrise spirituelle (exemple : la tortue et sa carapace) importe peu : Le corps est mangé car l’on veut s’accaparer ses pouvoirs (ce que l’on croit être ses pouvoirs). Seulement, je ne peux garder ce rapport magique pour moi seul car la prise de nourriture a rarement lieu seul.
La nourriture rassemble : le repas.
Le repas se prend rarement seul pour des raisons économiques et pratiques d’abord (un même plat pour tous au même moment), institutionnelles dans un deuxième temps (utilité sociale du rassemblement). Le repas réunit les amis ou la famille autour de l’expérience d’incorporation d’énergie qui devient seconde, par pudeur et retenue.
Et ce partage commence très jeune. Freud note par exemple que la construction psychologique de l’enfant est fortement marquée par l’expérience de la tétée : la succion du sein associe chez le petit d’homme nourriture et plaisir. C’est donc un ensemble complexe et diffus de sens et de signes qui s’active à chaque repas, une expérience partagée par la mère et l’enfant.
L’invitation à dîner demeure d’ailleurs une étape quasiment incontournable de la rencontre amoureuse, permettant de démontrer son bon goût et son sens du raffinement. Le repas devient un contexte, presque un média. D’ailleurs on sous-traite son organisation à des entreprises spécialisées : les restaurants, qui rivalisent d’ingéniosité pour thématiser et « designer » l’expérience de partage que l’on y vit (repas dans le noir, dîners en blanc, ..).
Le repas est donc l’occasion d’un partage d’expériences : la connexion à l’autre y est émotionnelle et ponctuelle. Et cette expérience s’organise autour de la nourriture, mais aussi des ustensiles (vaisselle, fourchettes, baguettes, verres) et de la décoration (chandelles, nappe, musique…).
Le repas est ritualisé. Tout est conçu pour que l’intimité nécessaire à un partage sans accroc soit réunie. Une succession des saveurs trace une ligne directrice pour la conversation : entrée, plat, dessert. Evidemment, c’est aussi lors du repas que peuvent se dérouler des drames familiaux ( voir Festen, de Thomas Vinterberg, 1998). Mais c’est précisément la connexion émotionnelle qui permet de crever l’abcès (c’est encore le repas que choisit Jésus pour prophétiser la trahison de Judas et la lâcheté de Pierre).
Le repas est donc un espace d’intimité, qui permet de lever des inhibitions émotionnelles, et de favoriser une empathie particulière, propice à l’échange d’idées. Les protagonistes, détendus, se comprennent plus facilement. Des signes et des codes sont coproduits lors de ce rituel. Que deviennent ces signes à la suite du repas ?
Le lien créé lors du repas survit et se diffuse.
Le lien entre l’individu et la nourriture a été évoqué sous forme de rapport mystique à l’incorporation d’énergie. Le repas a été présenté comme un sas intime permettant la connexion émotionnelle et l’échange de signes. Il nous reste à comprendre comment la multiplication des repas dans l’espace (dans différents foyers) et dans le temps (jour après jour, …) permet d’ériger une véritable culture alimentaire propre à une entité géo-socio-économique.
Avant le développement accru des échanges commerciaux, un territoire partageait les mêmes types de produits naturels, en fonction du climat, de la nature des sols, etc. : tous les produits consommés étaient produits localement. On peut alors s’imaginer qu’un fruit d’été se trouvait associé dans l’imaginaire collectif à la chaleur et au Soleil ; qu’un produit hivernal était associé à une période de dur labeur, etc. De proche en proche, et par l’effet du temps et de la répétition, les aliments se sont ainsi gorgés de sens, ils sont devenus des signes d’appartenance. Certains sont universels (le lait maternel), d’autres plus locaux.
Bourdieu remarquait d’ailleurs, dans son ouvrage La Distinction ( 1979 ), que les classes d’alors se distinguaient par leurs pratiques culinaires : aux travailleurs physiques amateurs de plats riches en sauce qui « tiennent au corps » s’opposaient les expériences exotiques et diététiques des cadres et professions intellectuelles supérieures. De même, Barthes dévoile les contenus sémiologiques du steak-frites et du vin dans ses Mythologies (1957) : on ne se nourrit pas de frites, mais l’on active des signes d’adoration patriotique et de fierté patrimoniale ; on n’absorbe pas du fromage, mais l’on mange un morceau de France, à la lettre
Le lien crée par le repas se désolidarise de la nourriture pour devenir un lien social propre.
Dès lors, on est tenté de comprendre les troubles du comportement alimentaire (anorexie, boulimie) comme un déficit d’intégration sociale. Celui qui ne peut plus décoder les signes des aliments, par manque d’appartenance, ne sait plus comment se nourrir. Il est déboussolé et se trouve dans une situation « anomique ». Durkheim appelait « anomie » la situation d’une société ne parvenant plus à intégrer et à réguler ses membres.
En guise de conclusion, on peut dire que le rapport à la vie, médiatisé par la nourriture, comporte d’emblée une dimension fantasmatique et imaginaire : on veut s’accaparer les vertus des corps vivants qui nous fascinent. Ce rapport à la nourriture est contrasté par le partage de l’expérience qu’est le repas, puis redoublé d’une couche culturelle permettant d’identifier des aliments à des communautés. On a donc un double rapport à l’aliment : l’envie d’incorporation d’énergie (rapport à la vie) et l’absorption de sens commun (rapport aux autres). Mais ceci n’est rien sans la prise en compte de la charge émotionnelle du contexte : le repas.
Thibaud Imbert,
3.2 / Cuisiner : un liant social
Cuisiner ou faire à bouffer ?
Qu’est ce qu’on mange ? Quand est ce qu’on mange ? J’ai faim ! A Table ! J’aime pas ça ! Y en a encore ? Comment tu fais ça, c’est bon ? Finis ton assiette ! Mais si, c’est bon ! Et la liste de ces phrases quotidiennes pourrait s’allonger indéfiniment. L’impression par instant de passer son temps à faire des courses et des repas. Les repas quotidiens sont moments de convivialité partagée, de sociabilité et d’apprentissage du goût et des recettes, essayons d’y penser lorsque nous devons faire la cuisine.
1/ Pourquoi cuisine t-on tous les jours?
Pour ne pas mourir de faim, d’accord, mais ne pourrait-on pas manger cru ou jeter dans une casserole ce qui nous tombe sous la main ? Oui, bien sûr et il y en a qui le font, mais cette manière de faire risque d’entrainer une monotonie et une lassitude. D’ailleurs depuis que l’homme a maitrisé le feu, il n’a cessé d’inventer récipients et recettes pour améliorer sa manière de manger, de rendre sa nourriture appétissante et variée. Il mêle les saveurs, les textures pour le bonheur des papilles, il crée de nouvelles présentations, de nouvelles techniques pour le plaisir des yeux, il ajoute condiments et aromates pour titiller les cellules olfactives. En matière de nourriture et d’excitation des sens, l’homme est passé maître. Et, de façon récurrente, on parle de nouvelle cuisine qui abolit l’ancienne, qui la débarrasse de ses affèteries, qui nous fait découvrir les vraies saveurs, les cuissons justes et les bons mariages. Ce qui fait qu’à intervalles réguliers les tenants de la nouveauté s’opposent aux amateurs de la tradition. Eternelle querelle des anciens et des modernes, comme pour la musique, les arts plastiques ou le théâtre, ce qui laisserait supposer aussi que la cuisine est un art.
Certainement, mais comme partout, il y a beaucoup d’appelés mais peu d’élus. Dans toutes les disciplines artistiques, il faut un bon apprentissage et une longue pratique pour obtenir une bonne technique, base nécessaire pour ensuite laisser libre cours à son imagination qui est nourrie d’une vraie culture culinaire. Une dose de talent en plus et enfin on peut atteindre au génie. Rares sont les génies, mais beaucoup sont talentueux et possèdent une remarquable technique. Ces artistes-là nous font rêver, quand on s’assoit à leur table, ils nous emmènent dans les sphères les plus élevées de la gastronomie.
Et puis, il y a nous, les cuisiniers de tous les jours qui dans leur cuisine, comme les copistes du Louvre, essaient de faire comme… avec les moyens du bord, notre bonne volonté, et notre amour, à géométrie variable, de la cuisine quotidienne.
Revenons à notre propos initial. Nous avons l’ingrate et fascinante tâche de nourrir quotidiennement les membres de notre famille, parfois même deux fois par jour. Sans aide et face à la critique parfois plus cruelle que l’officielle critique gastronomique. Sans donner le choix de plats “à la carte” à des personnes qui sont obligés de manger tous les jours au même endroit une nourriture cuisinée par la même personne. Quelle gageure! Et même soyons modestes, quel exploit!
2/ Les repas quotidien comme moyen de transmettre un patrimoine culinaire.
Oui quel exploit car en plus, il nous incombe une autre tâche: transmettre une tradition culinaire et le goût de la cuisine qui tiennent compte des goûts, des dégoûts et des tabous de chacun. Exercice périlleux sans filet de protection.
La première finalité de la cuisine quotidienne, nourrir les siens pour répondre à leurs besoins physiologiques et pour qu’ils soient en bonne santé. C’est à dire leur préparer des repas variées et appétissants, une nourriture équilibrée et non faire le plein de protéines, de lipides et de glucides. La nourriture n’est pas qu’un carburant. Nourrir pour leur faire découvrir les recettes familiales, qui font partie de ces recettes qui se transmettent de mère en fille, les recettes secrètes qui ne doivent pas sortir de la famille. Et les recettes régionales qui ont été inventées à partir des produits qui poussaient autour de chez soi, et qui représentent un patrimoine culturel et qui est une manière de découvrir sa région et de permettre à des producteurs de continuer à pratiquer une agriculture de qualité, avec des produits parfaitement adaptés à une terre et de manger des produits de saison.
La deuxième finalité est l’éducation au goût des enfants. Ah, l’éducation au goût, que ne dit-on à ce sujet! C’est finalement tout simple et tout bête, faire découvrir, admettre et aimer nos quatre saveurs de base occidentales -le sucré, le salé, l’acide et l’amer- le sucré, ce n’est pas difficile, le salé, non plus, mais l’acide et l’amer, qui ont quasiment disparu de notre palette gustative, c’est moins aisé. D’autant que nous avons intégré l’umami, saveur apatride et biface mi-salée, mi-sucrée, sorte de Janus censé acquérir l’unanimité ou l’unanimité. Nombre d’adultes ne savent pas reconnaitre l’acide de l’amer, à fortiori les enfants. Et pourtant l’amer ouvre des voies insoupçonnées dans la connaissance des saveurs et l’acide permet d’obtenir un équilibre, de donner de la vivacité comme on le voit dans le vin avec les moelleux et les liquoreux. Il faut ensuite éveiller leur curiosité et aller à la découverte d’autres saveurs. Car depuis l’Inde jusqu’à la Mer de Chine, il en existe beaucoup d’autres, l’astringent, le piquant, le brûlant, le fade….. La cuisine setchuanaise possède, par exemple, 8 saveurs de base et 23 saveurs composées. Cela laisse rêveur et ouvre des horizons. Leur faire aussi découvrir et reconnaitre les textures. Une enquête, dont le résultat est inquiétant, révèle que les jeunes n’aiment et ne connaissent plus que le mou, le croustillant et un peu le croquant. Quand on réalise des ateliers sur goût avec des enfants, on remarque la difficulté qu’ils ont à exprimer ce qu’ils ressentent. Ils entrent souvent dans des domaines inconnus d’eux. Ce qui veut dire que le travail de base d’éducation au goût n’a pas été fait dans leur famille.
Et si ce travail de base n’a pas été fait comment peut-on leur donner l’envie de se mettre aux fourneaux? De devenir eux-aussi des créateurs, des inventeurs, des chercheurs de goûts, de mets, de plats? Comment ne pas considérer la cuisine comme une corvée ou les courses comme la recherche de carburant le moins cher possible? Comment leur donner envie de partir à la découverte des bons produits, de les goûter, de découvrir de nouvelles manières de cuisiner pour partager?
Ségolène Lefèvre
3.3 / Savoir prendre son temps pour manger
Fondée par Carlo Petrini en 1986, Slow Food est devenue en
1989 une association internationale. Elle compte aujourd’hui
environ 100 000 membres, répartis dans 107 pays, et des
directions nationales en Italie, Allemagne, Suisse, Etats-
Unis, France, Japon et Royaume Uni.
Slow Food s’attache à redonner une légitimité au plaisir de
manger, en apprenant à redécouvrir la richesse des recettes et
des saveurs, à reconnaître la diversité des lieux de production
et de ses producteurs, à respecter le rythme des saisons et des
plaisirs de la table.
La recette mise au point par Carlo Petrini et les membres de Slow Food consiste à associer au plaisir un
comportement responsable face aux produits que l’on consomme et de revendiquer le droit à en jouir pour
tout le monde. C’est ce que Slow Food appelle l’éco-gastronomie : ce concept traduit en fait la capacité
d’allier le respect de la culture gastronomique et œnologique au soutien à ceux qui s’emploient à défendre la
biodiversité agroalimentaire dans le monde. Les aliments promus par l’association sont des produits bons,
propres et justes : remarquables du point de vue gustatif, respectueux de l’environnement et assurant de
conditions équitables au producteur.
Slow Food souligne par ailleurs l’importance de l’éducation au goût, comme meilleure arme contre la
dégradation de la qualité alimentaire et comme meilleure marche à suivre face à la standardisation de notre
alimentation ; elle travaille à la sauvegarde des cuisines locales, des productions traditionnelles, des espèces
végétales et animales en danger d’extinction ; elle soutient un nouveau modèle d’agriculture, moins intensif et
plus propre, fondé sur les savoir-faire des communautés locales et leur transmission, c’est-à-dire le seul
susceptible d’offrir des perspectives de développement aux régions les plus pauvres de la planète.
Le réseau d’environ 100 000 membres de Slow Food est réparti en sièges locaux – nommés Condotte en Italie
et Conviviums dans le reste du monde, tous étant coordonnés par un responsable de Convivium – qui se
charge d’organiser des cours, dégustations, dîners, voyages, de promouvoir les campagnes lancées par
l’association au niveau local et de participer aux grands événements organisés par Slow Food au niveau
international. Plus de 800 Conviviums Slow Food sont actifs dans 50 pays. Slow Food France, fondé en 2003,
ressemble 2000 adhérents qui se réunissent autour des initiatives de 35 Conviviums locaux, actifs et
dynamiques sur tout le territoire français.
Mélanie Fauconnier
3.4 / Comprendre les cibles des réfomes alimentaires
«Le devenir des recommandations nutritionnelles»
propos recueillis par Olivier Rescanière
«Je m’intéresse à la réforme des pratiques alimentaires dans les classes populaires. J’ai commencé à travailler sur ce sujet à l’occasion d’une recherche sur les consommations alimentaires des familles ouvrières au XIXe siècle. A cette époque, les intentions éducatives étaient morales avant d’être sanitaires. Certains pensaient qu’en maintenant les femmes au foyer et en leur donnant accès à une alimentation de qualité leurs maris rentreraient directement après le travail au lieu de passer par les cabarets. La bonne moralité des familles passait alors par le rétablissement du repas familial.
Aujourd’hui, l’heure est au «manger sain pour vivre mieux», avec, comme fer de lance gouvernemental, le plan national nutrition santé (PNNS), qui bénéficie d’une large promotion. Je regarde, au-delà des grandes intentions politiques, la mise en œuvre concrète, sur le terrain, des recommandations nationales en matière d’alimentation. J’étudie la manière dont chacun des acteurs se réapproprie et transforme ces messages, et ce qu’il reste des discours sur la nutrition une fois que les personnes sensibilisées retournent dans leur cuisine.
J’ai ainsi observé divers groupes de personnes obèses recrutées dans des milieux défavorisés du nord de la France, essentiellement des femmes, qui participaient à des ateliers d’éducation nutritionnelle animés par des spécialistes, dans le cadre d’une association. Mon objectif était d’identifier et d’analyser les écarts éventuels entre le discours des spécialistes et les attentes des participantes. Un exemple : des femmes venaient dans l’intention de perdre du poids, alors que pour les organisateurs de l’atelier il s’agissait de modifier l’alimentation familiale quotidienne pour lutter contre l’obésité infantile. Mon travail a permis à l’équipe d’encadrement de prendre conscience que l’éducation nutritionnelle ne se résume pas à une réduction de l’apport calorique ou une augmentation de l’exercice physique. Pour ces femmes qui sont souvent en situation de précarité, les problèmes alimentaires reflètent des difficultés plus générales, liées à leurs conditions de vie.
La recherche en sociologie montre combien l’alimentation engage bien plus que la satisfaction d’une fonction biologique vitale. Si les comportements alimentaires sont marqués par le milieu social et la région d’où l’on vient, ils évoluent aussi au gré des histoires personnelles : on ne mange pas de la même manière quand on est jeune ou vieux, célibataire ou en couple. Le contexte historique constitue également un élément à prendre en compte : ainsi, au cours de la révolution industrielle, nos modes d’alimentation se sont radicalement modifiés, passant d’un régime à base de soupe à un régime très carné.»
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PARTIE 4 / Et le plaisir gastronomique ?
4.1 / Plaisir et Alimentation
Plaisir : État de satisfaction
« L’ensemble des évènements et l’émotion suscités autour des repas influencent le plaisir alimentaire. Le plaisir est-il primordial dans l’alimentation ? Une alimentation dénuée de saveur, de plaisir, d’émotion, présente le risque de générer des frustrations qui peuvent être à l’origine de modifications de nos habitudes alimentaires. Au contraire, le plaisir procuré par l’alimentation contribue à notre équilibre. »
Le plaisir, mon Art de vivre…avec un grand A comme Alimentation !
L’alimentation fait travailler tous les sens…ensembles où séparément, tous les sens mènent au plaisir : Quel bonheur quand on prend le temps de les écouter, de les décortiquer, de les emprisonner…
L’alimentation donne donc du plaisir et tellement d’occasion de le partager, qu’il serait peut-être dommage de l’oublier ?!
L’alimentation comme source de plaisir, parce qu’il est bon de prendre le temps…de choisir ses produits au marché, d’imaginer le menu d’un repas, de faire une jolie table, de cuisiner pour soi, pour son bien-être, mais surtout, pour faire plaisir et donner du plaisir aux autres.
Quelle belle et simple façon de transmettre : dire et prouver que l’on aime.
Le plaisir alimentaire rend créatif, ouvre à d’autres cultures, excite l’imagination, fait monter le désir, ravive les bons souvenirs, rend léger et optimiste, réconforte, offre de la douceur, de la joie à l’état pur…
Tellement subjectif, qu’il en devient précieux quand on sait l’apprécier, l’apprivoiser, le communiquer, l’échanger.
Siegrid Dumas
4.2 / Reprendre le contrôle sur sa nourriture
Se nourrir avec des aliments produits dans un rayon de 100 miles, c’est apprendre par soi-même d’où sort la nourriture. Redécouvrir la succession des saisons. Comprendre d’où vient notre nourriture, et ce que sa production coute à notre santé et à l’environnement.
Réaliser que nous en sommes réduits à manger des pommes qui ont un goût de carton et des gâteaux fabriqués à partir de composants pétrochimiques. C’est un défi mais un défi positif, une authentique aventure.
Au début, nos plats étaient fades et répétitifs. Mais à mesure que nous découvrions d’autres sources de produits locaux, nos repas sont devenus plus intéressants. Les fermiers et les maraîchers nous ont fait découvrir des aliments et des saveurs que nous n’avions jamais essayés auparavant. On a découvert les saisons, les micro-saisons et les micro-micro-saisons. Ce qui est disponible change en permanence.
Traduction par Arnaud Lemoine
Rédigé par : planneur stratégique | 03 avril 2008 à 15:05