Après les "bobos", voici les "créatifs culturels"
LE MONDE | 22.05.07 | 15h42 • Mis à jour le 22.05.07 | 15h42
on
site Internet met en relation bénévoles et associations, il s'inquiète
du réchauffement climatique, il a repris des études de psychologie et
se retire deux fois par an dans un monastère : Tristan de Feuilhade, 52
ans, est le prototype du "créatif culturel".
Selon Les Créatifs culturels en France,
étude sociologique publiée en mars aux éditions Yves Michel (131 p.,
13,80 euros), 17 % des Français relèveraient de cette tribu, composée
pour l'essentiel de femmes (64 %) et de cadres supérieurs (40 %). Sa
particularité est de conjuguer six positionnements, tous hérités des
années 1960 : l'écologie, l'égalité des sexes, la révolte contre les
discriminations, le refus de la compétition et du règne de l'argent,
l'engagement sociétal, le développement personnel.
Le créatif culturel serait-il le nouvel avatar des bobos ?
"Le bobo se définit par son comportement ; les créatifs culturels, eux, se fédèrent autour de valeurs", analyse Eric Seuillet, un des auteurs de l'étude.
Le
concept est né aux Etats-Unis au terme d'une enquête menée par le
sociologue Paul Ray et la psychologue Sherry Anderson. En 2001, Eric
Seuillet, spécialiste des tendances émergentes, entreprend de mener une
étude similaire en France.
Depuis, la presse s'empare aussi du sujet. En février, le magazine Psychologies consacre
un article à ce groupe de personnes qui correspondent assez bien à son
lectorat, très impliqué dans le développement personnel, l'écologie et
la solidarité. "Autour de moi, en province comme à Paris, je rencontre beaucoup de créatifs culturels qui s'ignorent", relève Erik Pigani, journaliste à Psychologies. En mars, l'hebdomadaire chrétien La Vie développe ce thème.
"UN FORMIDABLE LOBBY"
Ce concept remporte surtout un franc succès auprès de la presse économique, d'Enjeux-Les Echos à La Tribune en passant par Stratégies. "Les créatifs culturels sont en train de révolutionner notre approche marketing",
s'enthousiasme Jérémy Dumont, consultant en communication. Le 29 mars,
il a présenté, devant un public de professionnels de la publicité, du
marketing et de la communication, un projet de chaîne de télévision sur
Internet.
"Les marques vont devoir s'adapter à ces nouveaux consommateurs, explique-t-il. Plutôt que de faire la promotion d'un produit, elles devront les informer pour les impliquer dans leur démarche." A l'image de Voyage-sncf.com, qui a mis en place un "éco-comparateur" pour mettre en évidence les émissions de carbone propres à chaque moyen de transport. "Les créatifs culturels représentent une cible que nous voulons atteindre", affirme Céline Decoster, chargée de la responsabilité sociale et environnementale de ce site Internet.
Même démarche du côté de l'association de défense de la nature WWF. "Leur mobilisation représentera tôt ou tard un formidable lobby auprès des pouvoirs publics", reconnaît Jacques-Olivier Barthes, directeur de la communication de l'association.
Pour
l'instant, les créatifs culturels ne se revendiquent pas comme tels et
ont surtout été repérés dans des milieux spécifiques (écologie,
marketing, management, consulting et développement personnel). Mais des
réseaux plus larges se dessinent. A commencer par celui de
l'association Demain-maintenant, créée par les auteurs de l'étude
sociologique française. Reste à savoir si les créatifs culturels qui
s'ignorent, si rétifs à toute forme de récupération, vont mordre à cet
hameçon aux relents de marketing...
Marie Zawisza
article : ici