Pour être populaire l'écologie doit faire sa révolution culturelle en retrouvant ses fondamentaux. Le vivant est sur toutes les lèvres. Une note de réflexion de Jérémy Dumont. Le volet 2 de cette note est ici "La régénération comme imaginaire désirable pour imaginer de nouvelles façons de vivre sur terre" #noussommesvivants
Une révolution culturelle est nécessaire, en renfort de l'écologie politique, pour réussir à transformer la société.
Selon de nombreux scientifiques, il s'agit de maintenir le système Terre dans un état habitable pour tous les êtres vivants. Ce qui appelle " l’association nouvelle entre des êtres surprenants qui viennent briser la certitude confortable d’appartenir au même monde commun" comme disait Bruno Latour qui expliquait que la société n’existe pas, elle n'est qu'une somme d'individus qui ne tient pas en raison d’une superstructure. Inspirons nous de son constant pour nous réunir « rien ne se réduit à rien, rien ne se déduit de rien d’autre, tout peut s’allier à tout ».
J'ai la conviction que la piste à suivre c'est de poser comme projet de société la quête d'une nouvelle prospérité sans croissance, c'est a dire pilotée avec d'autres indicateurs marquant les progrès en terme de qualité de vie, en intégrant la santé des écosytèmes permettant la vie. La prise de conscience collective que nous sommes vivants porte ouvre la perspective d'un nouveau bien vivre tous ensemble sur terre - humains et non humains. Elle permet de ne plus opposer les enjeux environnementaux et sociaux au sein d'une pensée écologique refondée sur la préservation du vivant.
Pour y parvenir à mobiliser collectivement, l'écologie politique doit redevenir populaire. Dans un texte, baptisé « Le vivant ou les cendres », les cadres, élus et adhérents d’Europe Écologie-Les Verts appellent à une refondation du parti politique en faveur du bien vivre (Marinne Tondelier). Une écologie qui n'est plus réservé à des élites, qui arrive à conquérir tous les quartiers dont les quartiers populaires, qui dépasse ses tensions entre pouvoir d'achat et pouvoir de vivre, parce que les modes de vie qu'elle propose sont populaires. Comme dit Aurélien Taché "Expliquons aux gens qui font de l’économie circulaire, qui font attention à ce qu’ils mangent, recyclent leurs déchets qu’ils font de l’écologie". Il a également plaidé pour "une écologie populaire", qui parle de "prospérité écologique et de sobriété partagée plutôt que de décroissance". L'écologie populaire est dans le titre de cette motion d'orientation de Europe Écologie-Les Verts qui s’appelle « L’ARCHE, Pour une écologie populaire au pouvoir ». La décroissance qu'ils souhaitent n’est pas synonyme de baisse du “niveau de vie”, elle est déterminée par de nouveaux indicateurs sociaux économiques et un juste partage des ressources.
Pour parvenir à mobiliser collectivement, l'écologie ne doit plus être uniquement perçue comme politique. Pour ma part j'ai envie de voir advenir une écologie populaire qui s'infiltre dans toutes les disciplines artistiques, de la littérature à la danse. Une pensée écologiste portée sur scène par des artistes et non plus uniquement par des politiques. Une écologie qui n'est plus synonyme de lutte des classes (et des sexes) et qui nous rassemble. Une écologie qui ne vise pas un appauvrissement de nos vies mais qui préserve les conditions de vie. Pas contre la juste rémunération des producteurs mais qui porte surtout son attention sur une alimentation non seulement accessible mais saine. Une écologie qui pose la questions des arbitrages nécessaires du mieux vivre tous ensemble. Une écologie du champ à l'assiette, mais surtout dans l'assiette. Une écologie qu'on affiche avec fierté parce qu'on reprend le contrôle de son environnement pour mieux maitriser sa vie. Une écologie du bien vivre qui parle de pouvoir d'achat et de pouvoir de vivre mais aussi de comment cuisiner. Une écologie qu'on mange, boit, porte, chante et partage tous ensemble.
La prise de conscience de la prédation sur la nature et au sein de nos sociétés ayant eu lieu, le temps de la mobilisation collective est venu : pour bâtir une nouvelle société et non plus seulement contre l'ancien système de société, pour précipiter son effondrement (lire ma note de réflexion sur les rapports de prédation).
Rendre l'écologie populaire à l'heure de la sobriété !
L’ADEME a souhaité soumettre au débat quatre chemins « types », cohérents et contrastés pour conduire la France vers la neutralité carbone. Parmi eux le scénario 1 sur la sobriété qui se traduirait par un taux de croissance du PIB moindre (mais il y aurait croissance quand même). La décroissance ne sera jamais un projet collectif librement choisi : l' étude Obsoco monte que les « décroissants radicaux » ne représentent que 4 % de la population Française. Selon un sondage commandé par le médiateur de l'énergie, près de six Français sur dix (59 %) disent déjà faire attention à leur consommation et ne pas pouvoir faire davantage alors que le gouvernement appelle à la sobriété (ici).
Alors, comment motiver les institutions, entreprises et particuliers à intégrer l'écologie de façon volontaire dans leurs pratiques ? Pas juste faire adopter des changements d'habitudes à la marge souvent par la contrainte et donc vite oubliés une fois la crise passée.
Si les instruments du changement de comportement sont nombreux, dans les politiques publiques, ils relèvent pour la plupart de la carotte ou du bâton. Ainsi les incitations économiques, normes et réglementations reposent sur une vision des individus comme des êtres rationnels. Or l'humain n'est pas un acteur rationnel.
La prise de décision – c’est-à-dire l’évaluation des risques - est communément considérée comme deux systèmes travaillant en parallèle. L’un bosse de façon analytique, pèse le pour et le contre, les coûts et les bénéfices de telle décision. L’autre, plus instinctif, envisage le risque comme un sentiment: une réaction primitive et urgente au danger, basée sur l’expérience personnelle. Le problème du système analytique, c’est qu’il considère que le bénéfice au court terme est préférable au bénéfice à long terme (a compléter avec les analyses de Alizée Lopez-persem et Mehdi Khamassi https://lnkd.in/eRjWd6gf)
Pour les scientifiques du comportement, il est clair que la motivation intrinsèque (liée à une satisfaction personnelle qu’on peut trouver à réaliser une activité) est la plus puissante à faire basculer durablement les comportements, par opposition à une motivation plus extrinsèque (liée à la satisfaction que l’on peut avoir à obtenir une récompense provenant de l’extérieur ou aux conséquences de cette récompense pour l’image de soi et les objectifs personnels).
Pour susciter la motivation intrinsèque l'écologie ne doit donc plus apparaitre comme contraignante, une doctrine exigeant par responsabilité de renoncer aux avions, à quelques degrés de chauffage et aux sapins coupés de leurs forêts. Au contraire s'incarner dans un nouveau mode de vie, désirable que l'on adopte avec plaisir. Les « modérés verts » représentent 19 % de la population, ils sont particulièrement sensibles aux propositions relatives aux modes de consommation et à des modes de vie fondés sur la proximité, mais aussi à l’idée qu’une partie importante des décisions politiques soient prises à l’échelle locale avec la participation des citoyens d'après la même étude Obsoco.
Pour susciter la motivation extrinsèque, il s'agit de lever les freins de désirabilité sociale associés aux représentations que les gens ont d’un consommateur responsable. Cette étude a permis d’identifier plusieurs figures archétypales négatives du consommateur responsable. Il serait, au choix, intégriste, ermite, rabat-joie ou encore snob. L’analyse de ces différents archétypes négatifs du consommateur responsable fait émerger autant de freins à l’adoption de comportements de consommation responsable. Respectivement, nous identifions ainsi un frein d’intégration en lien avec la peur des conflits induite par une posture perçue comme trop intégriste, « jusqu’au-boutiste » ; un frein de désirabilité avec cette autre forme de marginalité associée à l’ermite et au refus de la modernité ; un frein d’hédonisme, si l’on suit le rabat-joie, incapable de tout plaisir spontané, et rationalisant toute décision de consommation. Enfin, au consommateur responsable « bobo » est associé un frein d’identification et le rejet d’une posture élitiste et condescendante. (ici)
Alain Damasio nous invite à proposer un projet « polytique » à même d’articuler les enjeux environnementaux et sociaux comme l'entends Alain Damasio « Et si l’on battait le capitalisme sur le terrain du désir ? ». Pour Damasio, un « champ de désirs s’est enfin mis à bruisser aux confins des luttes sociales et écologiques. Il a un nom largement pillé et recyclé dans les machines du capital, mais on se doit d’en porter les couleurs sans se soucier des récupérations en cours. Vous l’avez deviné, c’est le vivant ».
La fresque du facteur humain permet de prendre conscience des facteurs de changement de comportement souvent inconscients #facteurhumain
Sessions de la fresque du facteur humain portant sur les changements de comportement favorisant la biodiversité
Une brève histoire de l'écologie politique.
Pour comprendre pourquoi les Français réduisent encore souvent l'écologie à la protection de environnement, revenons brièvement sur l'histoire de l'écologie politique.
Si le socialisme, qui vise à améliorer le sort des populations en particulier via la redistribution des richesses et l'égalité sociale, est apparu désirable par les classes ouvrières dès son apparition au 19ème siècle avant d'obtenir l'adhésion d'autres classes sociales par la suite. Ce n'est pas le cas de l'environnementalisme qui apparait lui aussi au 19ème siècle, mais plus confidentiel sous la forme d'un combat politique en faveur des droits de l'environnement, et parfois contre les droits humains.
Ainsi en 1864, George Perkins Marsh publie L'Homme et la Nature la première analyse systématique de l'impact destructif de l'humanité sur l'environnement, qui devient un travail de référence pour le mouvement environnementaliste. Une pierre majeure a été posée par George Sand qui a été à l’origine de la protection de la forêt de Fontainebleau. Elle a ainsi écrit, en 1872, un texte pionnier sur ce qui est aujourd'hui l'écologie, presque prophétique quant aux possibles ravages de l'Homme sur la nature. Elle annonce que la déforestation assèche la planète, elle pointe (déjà) la surexploitation des ressources, la déforestation en Amazonie... La forêt, à ses yeux, est un bien incessible, propriété de l'humanité, non de l'Etat ou des riches. Elle obtiendra gain de cause au terme de ce combat qui fait d'elle la première des écoféministes nous rappelle Patrick scheyder dans son livre.
Mais l'écologie politique ne se résume pas à la pensée environementaliste ou aux combats des droits à l'environnement. Murray Bookchin, pionnier de l'écologie politique, dans les années 1950-60 fut un des premiers penseurs à intégrer la dimension sociale et politique à la question écologique et à envisager l’écologie comme levier d’opposition au capitalisme. "Dans mon esprit, écologie a toujours signifié écologie sociale : la conviction que l’idée même de dominer la nature découle de la domination de l’humain par l’humain, que ce soit des femmes par les hommes, des jeunes par leurs aînés, d’un groupe ethnique par un autre, de la société par l’État, de l’individu par la bureaucratie, aussi bien que d’une classe économique par une autre ou d’un peuple colonisé par une puissance coloniale. Selon moi, l’écologie sociale doit commencer sa conquête de la liberté non seulement à l’usine, mais aussi au sein de la famille ; non seulement dans l’économie, mais aussi dans le psychisme ; non seulement dans les conditions matérielles de la vie, mais également dans ses conditions spirituelles."
En France, l'écologie politique a fait de René Dumont, candidat à la présidence de la République française en 1974, son premier porte-parole. Il va faire connaître la pensée écologiste en politique à la télévision dans les années 70, avec une pomme et un verre d'eau, pour leur expliquer avec des mots tout simples combien ces ressources sont précieuses et en péril. René Dumont considérait que le développement n'était pas une question d'argent (problème économique), de système social, ni de techniques (engrais, semences), mais plutôt la résultante d'un équilibre entre les trois. Il soutenait même que les relations sociales constituent les bases sur lesquelles reposent une agriculture et un développement industriel de qualité.
50 ans plus tard le discours est toujours le même, celui d'un développement dans les limites planétaires qui nécessité la décroissance. La sortie du capitalisme et la décroissance ne seront jamais un projet collectif librement choisi. Il s'agit de proposer une nouvelle prospérité sans croissance, c'est a dire pilotées avec d'autres indicateurs marquant les progrès. Et de montrer comment l’écologie peut dénouer très concrètement la vie des gens. Bref, innover pour proposer des alternatives aux collaborateurs comme aux consommateurs.
Ainsi Timothée Parrique nous projète dans le modèle économique post croissance qui adviendra après une phase de décroissance. Un modèle économique qu'il décrit comme stationnaire et en harmonie avec la nature, ou les décisions prises ensemble pour que les richesses soient équitablement partagées afin de pouvoir tous prospérer sans croissance (source). Il incite à construire une société régénérative à l'issue de la réinvention totale de notre modèle de société pour prospérer dans la post croissance (shéma).
La pensée écologique
Dérèglement climatique, la destruction du vivant, les perspectives de pénuries atteignent de tels niveaux que l’on perd de vue ce que pourrait être le bien vivre, perçu comme un confort indécent au moment de faire des efforts de sobriété. Il n’y a pas à « sauver » le climat, il ne craint rien : ce sont les vivants qui doivent être protégés des dérèglements du climat, humains compris, puisque nous sommes interdépendants.
Être conscient d’être vivant parmi les vivants c’est prendre conscience que l’habitabilité du monde est rendue possible par des soins portés à la continuité de l’ensemble des êtres vivants qui engendre le monde. Dans son ouvrage, l’écologiste militant Baptiste Lanaspeze cible la perte de conscience du lien profond qui relie l’homme et la nature, et la grande difficulté de sortir d’une représentation délétère du vivant (ici).
Glosser sur l’importance du vivant comme soutien de notre propre existence n’est pas suffisant. Il est urgent de renouer avec le sens profond de l'écologie. L'écologie porte aussi bien sur les écosystèmes sociaux, urbains, familiaux que ceux de la biosphère. Comprendre ce qui nous lie au territoire, aux autres humains et non humains nous met en capacité non pas seulement de lutter contre les effets dévastateurs mais nous mobiliser pour une vie meilleure.
Mais l’affaire semble entendue autrement pour les historiens des sciences : le terme « écologie » désigne une science. C'est une discipline de la biologie qui étudie les interactions entre les organismes et leur environnement. Pour être exact, elle a pour objet l'étude des relations des êtres vivants entre eux au sein de leur habitat et donc aussi en interaction avec l’environnement dans son ensemble. Le tout formant différents écosystèmes, au sein desquelles les échanges d'énergie, de matière et d'information permettent le maintien et le développement de la vie. La notion d'écosystème est inclusive des activités humaines soit comme agents écosystémiques ou comme formant un écosystème à part.
Et s’il est une prémisse de cette pensée scientifique au XIXe siècle, elle se trouve à n’en pas douter dans "L’Origine des espèces" de Darwin et dans cette économie de la nature, pensée fondatrice de l’écologie qui entérine l’interdépendance des êtres vivants et l’évolution des espèces dans le temps long au gré de l’hérédité et des conditions de vie.
L’expression «économie de la nature» a surgi dans le vocabulaire des sciences au XVIIIe siècle bien avant que le néologisme «écologie» ne s’impose à nous, plus d’un siècle et demi plus tard. Chez Carl von Linné, Gilbert White ou Charles Darwin, l’économie de la nature désigne l’organisation des relations entre les espèces au vu du climat, du territoire et de leur évolution. Cette économie pense l’imbrication des espèces, y compris les êtres humains, dans un réseau d’interactions incommensurables et impondérables.
Vers les années 1880, le biologiste Patrick Geddes, Patrick Geddes est le premier à avoir mis en évidence la nécessité de préserver autour des villes des ceintures vertes, à la fois maraîchères et d’agrément, notion qui va considérablement influencer le mouvement des cités-jardins fondé par Ebenezer Howard, préconisant entre autres de limiter la taille des villes afin de maintenir des échanges vivants entre la cité, les terres agricoles et les espaces naturels alentour.
Aldo Leopold (1887-1948) est la grande figure de l’écologie américaine qui amena la préservation d’espaces de « nature sauvage » (wilderness). Aldo Leopold est considéré comme l’un des pères de la gestion de la protection de l’environnement aux États-Unis. Leopold contribue à l’obtention de la gestion de Gila en tant qu’espace naturel, grâce à quoi, la forêt nationale de Gila devient en 1924 le premier espace naturel officialisé par le gouvernement américain. On considère souvent la création de la forêt nationale de Gila et de l’espace naturel Aldo Leopold comme ayant été à l’origine du mouvement moderne de conservation des espaces naturels aux États-Unis.
L’idée, sans doute, n’était pas complètement neuve, et le souci qui l’inspirait n’était pas inédit. On peut faire remonter au xixe siècle une attention portée à la nature qui est inséparable des transformations rapides de l’environnement consécutives à l’industrialisation. Ce sont les sociétés industrielles, et elles seules, qui ont formulé et donné sens à un projet de protection de la nature, destiné à mettre des espaces à l’abri du développement économique et industriel. Le 1er mars 1872 est établi, aux États-Unis, le premier parc national, le Yellowstone, alors qu’en France, à partir de 1853, les « séries artistiques » de Fontainebleau font l’objet de mesures de protection. Les éthiques environnementales. Catherine Larrère
En 1973, un philosophe australien, Richard Routley (qui allait ensuite se faire appeler Richard Sylvan), présentait, à un congrès international de philosophie à Sofia, en Bulgarie, une communication qui allait renouveler la réflexion morale en faisant entrer la nature dans le domaine de la moralité. L’idée était qu’il y a de bonnes et de mauvaises façons de se conduire dans la nature, que nos rapports avec celle-ci ont d’autres limites que celles de notre puissance technique, que nous avons à son égard des devoirs, qu’elle a peut-être des droits, que la nature, donc, a une valeur morale (Routley, 1973). Sa démarche repose sur une conversion de l'attention, pour trouver les voies de l'attention aux êtres vivants, humains ou autres. Attention que l'on retrouve de nos jours avec par exemple l'historienne Marielle Macé qui publie en 2019 "Nos Cabanes", où elle demande un élargissement du politique « aux bêtes, aux fleuves, aux landes, aux océans, qui peuvent eux aussi porter plainte, se faire entendre, donner leurs idées ».
Ainsi, quelle place l’humain occupe / doit occuper dans la nature ? La plupart des approches reconnaissent une valeur en soi aux êtres vivants autres que l'humain, excluant les humains ou les intégrant de façon holiste à un tout. Il n’est pas seulement question de l’émerveillement béat mais bien de l’implication de l’homme dans son environnement. Les propos de Jean Giono (1895-1970) sont prophétiques « L’homme doit accepter sa condition d’homme s’il ne veut pas courir à sa perte, et sa condition est humble : il fait partie du tout, auquel il lui faut contribuer à la juste échelle, et non avec la démesure absurde dans laquelle il s’est engagé. ». Giono se révèle écologiste avant l’heure.
Apparue dans les années 1970, l’écologie profonde (deep ecology) vise à transformer le rapport de l’humain à la nature, à lui donner accès à une relation profonde avec elle, au-delà d’une simple réparation et de la limitation des dégâts écologiques. Elle cherche à dépasser les deux autres grands courants autour desquels s’est construite la conscience écologique contemporaine : la préservation d’espaces de « nature sauvage » (wilderness), avec la naissance des parcs nationaux, tant aux États-Unis à partir des années 1870 qu’en Europe à partir des années 1910, et la lutte contre les graves dommages écologiques provoqués par les produits chimiques à partir des années 1950-1970, notamment à la suite de la dénonciation des effets des pesticides par la biologiste américaine Rachel Carson.
La pensée écologique remonte bien plus loin qu’on ne l’imagine. Certains diront depuis que les humains sont devenus des chasseurs cueilleurs, d'autres depuis qu'ils ont commencé à cultiver les champs et élever du bétail, bref depuis que nous avons besoin de comprendre la nature et le vivant.
L'écologie comme philosophie de vie
L’écosophie est un concept forgé par le philosophe Arne Næss à l'université d'Oslo en 1960, au début du mouvement de l'écologie dite « écologie profonde », qui invite à un renversement de la perspective anthropocentriste : « L’homme ne se situe pas au sommet de la hiérarchie du vivant, mais s’inscrit au contraire dans l’écosphère comme une partie qui s’insère dans le tout. » — Arne Næss, Écologie, communauté et style de vie.
La philosophie de la vie, l’attitude existentielle fondamentale de Næss est son « écosophie T ». Le « T » étant l’initiale de Tvergastein, la cabane-refuge qu’il a fait construire en Norvège et dans laquelle il a passé environ dix années, souvent en alternance avec ses cours à l’université. La spiritualité de Næss, marquée par sa pratique de la montagne, est celle d’un Soi (avec un « s » majuscule) se réalisant : un processus d’ouverture jamais achevé du moi à l’ensemble de l’écosphère. Ce mouvement d’ouverture passe par l’apprentissage de la vie sociale, de la mise en relation de ses désirs avec ceux d’autrui, par le développement de la capacité à comprendre autrui jusqu’à se comprendre soi-même comme faisant partie de l’aventure de la vie, de la biosphère, de l’écosphère. Écologie profonde : une nouvelle spiritualité ? Eric Charmetant
Arne Næss, pose des principes pour « une exubérance de la nature qui soit écologiquement éthique et responsable ». Source
- Respect pour toute vie. Respect pour les paysages. Elimination du plaisir de chasse sauf gestion économique justifiée de la vie sauvage. Passer dans la vie sauvage sans traces.
- Eduquer en plein air aux signes de l'identification avec la vie.
- Contrainte minimum à l'encontre de la nature et autonomie maximum.
- Style de vie naturel.
- Temps d'ajustement. L'ordinaire du citoyen est assez souvent une vie stressante et agressive, savoir (pour ne pas renoncer ?) qu'une transformation en profondeur dans nos esprits vers la nature, ne se fait pas en cinq minutes.
Le philosophe et psychanalyste français Félix Guattari développe la notion d'« écosophie » dans son ouvrage "Les Trois Écologies" : l'écologie environnementale pour les rapports à la nature et à l'environnement, l'écologie sociale pour les rapports aux réalités économiques et sociales, l'écologie mentale pour les rapports à la psyché, la question de la production de la subjectivité humaine.
L’idée principale de l'écologie mentale c'est qu’à côté de l’écologie environnementale et de l’écologie sociale, existe une écologie mentale qui concerne la psyché, les imaginaires, les subjectivités. On peut retrouver là l’idée, présente chez beaucoup de penseurs écologistes, qu’il faut s’intéresser aux changements mentaux – imaginaires, subjectivités, problématiques… – qui ont conduit au rapport prédateur des sociétés humaines à la nature; quels changements mentaux il serait nécessaire d’opérer pour qu’il en soit autrement (pour obtenir une convivialité, un nouvel habiter ensemble pour reprendre les termes d’André Dumas) mais aussi comment nos mentaux (imaginaires, subjectivités, problématiques) et plus profondément nos psychés ou fantasmes sont aussi victimes (comme les rapports sociaux et la nature) d’une attitude prédatrice du productivisme et du capitalisme. "L’écologie mentale: subjectivation et conversion" Stéphane Lavignotte
Dans son prolongement, Joana Macy invite non seulement à cesser de refouler les douleurs que nous ressentons pour le monde mais propose des rituels "avec le travail qui relie" pour se transformer soi-même en lien avec les transformations nécessaires du monde. Autre signe de cette place grandissante de l’écologie mentale, l’apparition du terme d’éco-anxiété et de celui de solastalgie, qui désigne une forme de détresse psychique ou existentielle causée par les changements environnementaux, inventé en 2003 par le philosophe australien de l’environnement Glenn Albrecht.
Ci dessous un rapport sur les facteurs de changement / non changement de comportements : les émotions, biais, représentations, croyances....
Le facteur humain dans la transition écologique #facteurhum…
Une bascule culturelle, sous forme de renversement de la perspective anthropocentriste
Ce qui est en jeu pour nourrir de nouveaux imaginaires responsables et désirables c'est de dépasser l’Anthropocentrisme. Comment nous situer dans le monde, dans un contexte dont nous faisons partie, mais au centre duquel nous ne sommes pas nécessairement situés, et où nous découvrons la multiplicité des réseaux d’interdépendance qui lient humains et non-humains ? Entendons nous bien, il s'agit bien de prendre conscience que l’humain n'est pas l'entité la plus significative sur terre et d'accueillir les émotions fortes que peut provoquer la pleine conscience de notre impact irrémédiable et dévastateur sur le climat et le vivant. Mais l'anthropocène réduit les activités humaines à leurs impacts négatifs ce qui ne nous permet pas en tant qu'espèce d'améliorer les conditions de vies de nos générations futures et d'améliorer l'habitabilité de la terre en général. L'anthropocène ne propose que des futurs dystopiques, aucune place pour l'utopie. Posons que le vivant à besoin de notre énergie régénérative après autant d'années dégénégératives.
Les 4 relations humain - nature illustrées #noussommesvivan…
L’anthropocentrisme, Richard et Val Routley l’expriment ainsi : « La vue selon laquelle la Terre et tout ce qu’elle contient de non-humains existent ou sont disponibles pour le bénéfice de l’homme et pour servir ses intérêts ; par voie de conséquence, l’homme est autorisé à manipuler le monde et ses systèmes comme il le veut, c’est-à-dire, dans son intérêt ». Pour la première fois, l’histoire de la Terre entre en collision avec celle des hommes et des femmes qui l’habitent, redessinant ainsi les contours d’une nouvelle géopolitique : une politique de la Terre, qui reste à inventer. Car le désordre engendré par les effets de l’activité humaine sur le climat ne porte pas que sur la Terre. Il porte aussi sur le monde et diverses facettes de l’activité humaine : sécurité alimentaire, accès aux ressources vitales, migrations forcées et soudaines, précarité énergétique. Dans une lettre à Schiller, Alexandre de Humboldt définissait l’objet de sa recherche comme l’étude de « l’habitabilité progressive de la surface du globe », qu’il entendait comme la façon dont les humains avaient peu à peu transformé leurs environnements pour les plier à leurs usages et former des écosystèmes au sein desquels ils étaient devenus des forces décisives. Humain, trop humain ? Philippe Descola.
Le biocentrisme c'est une théorie du courant de l'éthique environnementale qui affirme que tout être vivant mérite le respect moral. D'après Paul Taylor, tout être vivant est un "centre téléologique de vie", les organismes vivants ont leur finalité, ils possèdent un bien qui leur est propre, l’accomplissement de leurs fonctions biologiques, qu’ils poursuivent par leurs propres moyens. Selon l’égalitarisme biocentrique, tous les êtres vivants ont la même valeur, et cette valeur nous impose le respect. Cette théorie va se traduire essentiellement par des interdictions. Philosophie de la biodiversité de Virginie Maris. En faisant de l'homme le destinataire d'une injonction morale : le respect de la nature, il entend l’altérité comme une extériorité et perpétue la logique dualiste nature/culture qui fonde l’anthropologie depuis le xix eme siècle. La défense des « intérêts moraux » des êtres sensibles de Palmer, restent, en dépit des intentions altruistes de leurs auteurs, « anthropocentrées ». Notre manière même de concevoir l’ordre, en général et dans la nature, est humaine, tout comme nos façons de raisonner, de modéliser et de théoriser, nos langages et nos langues dites « naturelles ».
L’écocentrisme met l’accent sur l’interconnexion des formes de vie au sein d’un tout complexe et harmonieux. Contrairement à l'anthropocentrisme et biocentrisme qui sont individualistes, c'est une approche holiste. La prise de conscience des écosystèmes a beaucoup progressé depuis James Lovelock, d'après l'auteur de "La Terre est un être vivant - L’hypothèse Gaïa " (1993). En effet, un écosystème est un ensemble d'êtres vivants qui vivent au sein d'un milieu. Il est détruit lorsque la dégradation ou le dommage supprime toute vie. Ce sont les vivants qui fabriquent leurs propres conditions d’existence. Ainsi, l'atmosphère n’est pas donnée mais produite par tous les êtres qui peuplent la Terre. Les entités “naturelles” aussi bien que les entités anthropogènes sont inclues dans l'analyse des écosystèmes d'après le botaniste anglais A.G. Tansley à l'origine du concept d’écosystème en 1935. Dans cette perspective, l’étude des écosystèmes est confrontée à deux défis majeurs. Le premier est celui du choix des échelles de temps et d’espace (et des relations entre ces échelles) pour faire face aux transformations en cours à l’échelle de la biosphère. Le second est celui de l’articulation entre la science des écosystèmes et d’autres sciences, notamment concernant les êtres humains, pour imaginer des solutions aux problèmes posés par ces transformations. Habitats, écosystèmes, territoires… même combat ! Henri Décamps, Michel Juffé.
Le multicentrisme est la seule approche qui ne sépare pas l'humain de la nature, ce qui est mit en lumière c'est le partenariat que l’humain peut imaginer avec la nature, dans une idée de co évolution. Le partenariat associe l’humanité et la nature dans une relation réciproque. Morin utilise l’image du co-pilote : « L’homme doit cesser de se concevoir comme maître et même berger de la nature. (…) il ne peut être le seul pilote. Il doit devenir le copilote de la nature qui elle-même doit devenir son copilote » (Edgar Morin). La mise en mots de ce partenariat appartient à l’espèce humaine parce qu’elle est la seule à être capable de participer à l’évolution de manière consciente ou délibérée, grâce au langage et aux idées. (La vision multicentrique : l’HOMME dans/avec la NATURE Interview de Nicole Huybens). Tandis que l'environnementalisme repose sur le paradigme de la satisfaction des besoins humains comme finalité (anthropocentrisme), cette écologie réinscrit les finalités humaines dans une perspective plus large, celle du vivant afin de prendre en compte les besoins de l’ensemble des biotopes et biosphères. En ce sens, le multicentrisme n'est pas éloigné de ce que Félix Guattari nomme « écosophie » : les relations entre l’écologie, le social, le politique et le mental, et la mise au jour de ces relations, les modalités par lesquelles il devient possible d’agir sur celles-ci en vue de sortir de « l’impasse planétaire ».
Certains acteurs sociaux, à l’image du réseau de l’agriculture paysanne (FADEAR), sont porteurs d’une autre vision, dans laquelle les vivants (humains ou non) coexistent, coévoluent. Sur le plan des idées, il s’agit de développer une écologie de la réconciliation, qui à l’instar des cultures non européennes replace l’humanité au cœur d’une nature parcourue de dynamiques, plutôt que face à un stock inerte comme l’Occident se l’est trop longtemps représentée.
Le multicentrisme, est une écologie profonde qui remet l'humain, en pleine conscience de ses responsabilités, acteur de la destinée des êtres vivants sur terre, au même titre que les autres. L'humain peut assister les efforts de la nature pour se régénérer. La régénération porte en elle la réparation, la force inhérente de la vie et la possibilité d’imaginer l’avenir. Régénérer c’est restaurer, c’est renaître, c’est réinventer. S’il faut résumer, ce bouleversement de notre pensée est que nous avons (re)pris conscience que nous sommes vivants parmi les vivants et que nous allons donc co évoluer sur terre.
La question du vivant conduit à la remise en cause de notre architecture mentale dans tous les domaines, la politique, les sciences, la culture, les affectes, l’économie, l’organisation sociale, la métaphysique. Ce travail est d’ordre culturel au sens qu’il s’agit de refonder une façon d’être au monde et faire société.
Explorer les imaginaires pour repenser notre rapport à soi, aux autres et a la nature, c'est l'objet de cette fresque des imaginaires.
Pour Jules Colé, la transition écologique, si nous voulons la mener collectivement, suppose donc de donner véritablement envie à chacun d'adopter volontairement de nouvelles façons d'être au monde, de vivre et d'habiter sur terre et l'adhésion à de nouvelles valeurs ou des valeurs plus profondément ancrées en nous pour réorienter les comportements. Elle nécessite une transformation culturelle portée par des récits et des imaginaires qui agissent sur nos représentions mentales de nous même et les représentations collectives inconscientes pour réussir à mobiliser au delà des écologistes actuellement disposés à contribuer. Il faut faire évoluer nos imaginaires pour bâtir de nouvelles sociétés viables et plus harmonieuses. Il souligne qu'il est fondamental que les nouveaux récits s’enracinent dans les territoires, notamment à travers des espaces qui incarnent et révèlent de nouveaux imaginaires (ici)
Le vivant c'est une vision désirable du futur qui nous permettra de nous emparer du futur pour imaginer tous ensemble de nouvelles façons de vivre sur terre.
Le terme de « vivant » est inclusif et englobant. Il permet de rompre avec « l’environnement » dont l’usage suppose une extériorité de l’homme par rapport à son écosystème. Pour beaucoup, il serait également moins anthropocentrique que le terme de « non-humains » – qui suppose à nouveau une séparation entre deux entités. Penser avec cette idée de « vivant » n’oppose plus nature et culture, puisque la culture est une manifestation du vivant dans l’humain, une faculté façonnée par l’évolution du vivant. Ce concept permet, par la force de la langue elle-même, de ne plus opposer humain et nature, puisque par définition, nous en sommes, des « vivants », nous sommes embarqués avec tout le vivant pensé comme aventure biotique, nous sommes tramés aux vivants d’un point de vue écologique. C’est pourquoi il est en train de prendre de l’ampleur dans le monde des idées. Berthomeau
Pour les lecteurs de l’anthropologue Philippe Descola et du philosophe Bruno Latour, c’est désormais un acquis : nous sommes sortis du grand partage entre l’homme et le monde. La nature n’est plus un décor, un réservoir de richesses, une aire de repos ou un terrain de jeu. Avec ces nouvelles ontologies qui ne séparent plus la nature de la culture, les « non-humains » (plantes, animaux, fleuves, etc.) ne sont plus des choses ou des objets, mais des êtres qui importent, et doivent être mieux pris en compte par le politique, comme par le droit.
Le VIVANT pour Baptiste Morizot, c'est un concept, donc une carte pour s’orienter, qui met la focale sur ces entités du monde qui sont concernées par leur existence, l’ensemble des vivants de la biosphère. « La crise écologique actuelle est une crise de nos relations au vivant », assure Baptiste Morizot, qui a donné à cette notion son actuelle dimension. « C’est un concept qui met l’accent sur nos interdépendances, et qui permet de travailler pour le bénéfice de nos relations avec les écosystèmes, sans opposer a priori et toujours les intérêts des humains et ceux de la “nature” », poursuit-il dans un entretien au Monde dont des extraits sont repris ci dessous.
"Ce concept ne sert pas à écarter ou rabaisser l’humain, au contraire, il sert à le penser de manière plus juste, et donc à le défendre mieux. Les mots « biodiversité » ou « environnement » ne nous incluent pas : ce sont des concepts qui réactivent l’extériorité fondatrice de l’humain envers son propre tissage. par sa prise conscience du vivant, il se rend capable de saisir le « tissu » du vivant dans ses interdépendances, et le « fleuve » du vivant dans sa continuité depuis l’apparition de la vie sur Terre. Or ce sont ce tissage et ces dynamiques qui rendent la Terre habitable pour nous et pour les autres, et on comprend par là que ce sont elles qu’il faut défendre, et dont il faut prendre soin, et pas seulement de chaque espèce séparée comme si elle était posée là sur un décor". Baptiste Morizot
"Nous n’avons pas de culture du vivant. Pour ceux qui ont vu le documentaire Le Temps des forêts de François-Xavier Drouet, émerge et se balbutie quelque chose comme une culture de la forêt ; quelque chose comme un œil pour la distinguer d’une plantation de pin des Landes, quelque chose comme une boussole éthique pour déterminer quand on a des égards ajustés envers elle, et quand on n’en a pas, et une pluralité de relations possibles. Un monde dans lequel une forêt, ça existe, ça compte, c’est important, et c’est relié à nous par mille chemins qui eux aussi importent. C’est cela, une culture du vivant".
L’emploi de ce concept nous offre « un nouveau regard sur le monde, auquel nous appartenons aussi », témoigne Laurent Tillon, biologiste et ingénieur forestier à l’Office national des forêts qui, dans Etre un chêne raconte comment les arbres ont une histoire, à travers celle de « Quercus », un chêne sessile âgé de 240 ans qu’il connaît depuis l’adolescence : « Avec le terme vivant, on se sent appartenir à une même communauté. Quand je visite Quercus, je suis autant présent que n’importe quel autre vivant que je côtoie : mon arbre Quercus, le hêtre voisin, le pic dans l’arbre d’à côté, la mésange qui vient par curiosité, et le chevreuil qui s’interroge depuis quelque temps de ma présence si tôt en forêt en ce moment ». Il y a aussi les 9 grands principes du vivant par Marie-Hélène STRAUS (manager depuis 25 ans) et Eric JULIEN (Consultant en entreprise) . (ici)
La question du vivant conduit à la remise en cause de notre architecture mentale dans tous les domaines, la politique, les sciences, la culture, les affectes, l’économie, l’organisation sociale, la métaphysique. S’il faut résumer, ce bouleversement de notre pensée est que nous avons (re)pris conscience que nous sommes vivants parmi les vivants. Ce travail est d’ordre culturel au sens qu’il s’agit de refonder un mode d’être au monde.
La régénération dans les entreprises
C'est un changement de paradigme: la régénération s'oppose à la dégénération. « Vivant » s’oppose à la mort, Dans l’insistance sur le vivant, « il y a une impulsion, sinon une pulsion de vie opposée à la pulsion de mort qui abîme les psychismes (écopsychologique), épuise les ressources humaines (burn-out) et naturelles (extractivisme), dans le mouvement morbide du nécrocapitalisme », analyse le philosophe PIERRON Jean-Philippe.
La force du vivant réside dans sa capacité de régénération: sa faculté de reconstituer par lui-même ses tissus et ses chairs abîmés. Cette capacité de régénération n’est cependant pas sans limite. Elle s’inscrit dans le respect du temps, de la spécificité et des besoins du vivant.
Si mesurer la dégradation des écosystèmes et la limiter / compenser est important, il apparait aussi nécessaire de porter notre attention sur la régénération comme faculté d'un écosystème à se reconstituer. Une régénération qui peut être assistée par des humains cherchant à impacter positivement leur vie et la vie de ceux dans leur environnement proche, autant que les écosystèmes dans leur globalité.
Économies circulaire, symbiotique, solidaire, sociale… Les modèles économiques émergents ont pour particularité de se définir par opposition à une caractéristique négative de l’économie dominante d'après Aurélien BOUTAUD. Environnementaliste, consultant-chercheur indépendant. Ainsi, l’économie circulaire se comprend assez naturellement comme une alternative à une économie linéaire, fondée sur l’extraction de ressources non renouvelables et leur transformation irrémédiable en déchets. L’économie symbiotique propose quant à elle de sortir du rapport parasitaire que l’économie moderne entretient avec la nature. L’économie sociale et solidaire cherche de son côté à remettre l’humain au cœur du processus économique, pour en faire une finalité première par rapport aux profits financiers.
À ce petit jeu des oppositions, l’économie régénérative peut alors se comprendre de prime abord comme un modèle économique qui vise à lutter contre l’usure, la détérioration ou, plus encore, l’épuisement. Celui de la nature, des êtres vivants comme des ressources naturelles exploitées. Mais aussi l’épuisement des humains, desquels l’économie réclame sans cesse davantage de productivité.
L’économie régénératrice vient inverser le modèle classique de l’homme qui domine la nature en exploitant les ressources naturelles, vers un modèle qui non seulement fonctionne “avec” la nature mais qui va s’attacher à lui rendre plus qu’elle ne lui prend. Thomas Busuttil – Fondateur d’Imagin/able. Replay des travaux d’Imagin/able et Nous Sommes Vivants Elle se distingue de l'économie circulaire par ce qu’on appelle des « externalités positives » : des effets positifs d'une activité économique.
L'entreprise pionnière de l'économie régénératrice toujours d'après Thomas Busuttil –c’est Interface, leader mondial des dalles de moquette, produits par nature très polluants car fabriqués via la pétrochimie. Interface a souhaité devenir une des toutes premières entreprises régénératrices via sa nouvelle stratégie “Climate Take Back”. Dans ses premiers résultats, on peut citer la conception d’un système de production de moquette qui capte plus de carbone qu’il n’en émet (d’où son nom “Love Carbone”) et le lancement d’un programme pilote “Factory As A Forest” (l’usine comme une forêt) qui va permettre à cette future usine de fonctionner de manière totalement écosystémique en rendant des services à la nature en même temps qu’elle produira de la moquette.
Autre piste à l'origine de la construction du concept en France, la permaentreprise. Selon Thomas Breuzard, les entreprises ont besoin de s'inspirer d'un modèle de production positif pour se réinventer. Or, en agriculture, un modèle très préoccupé de la nature et des êtres humains existe : la permaculture. Elle ne remet pas en cause la nécessité d’obtenir une production, mais elle en change radicalement les conditions. Elle se soucie de la permanence des ressources. Elle vise l’efficacité en se basant sur une fine observation de la nature et de ses interactions. Ainsi la permaentreprise respecte conjointement 3 principes éthiques, inspirés de la permaculture : Prendre soin des humains - Préserver la planète - Se fixer des limites et partager les richesses. Et elle utilise comme boussole les 12 principes du vivant https://www.permaentreprise.fr L'entreprise pionnière étant Norsys dirigée par Sylvain Breuzard.
LE BUSINESS MODEL CANVAS DE L'ENTREPRISE REGENERATIVE (V4) …
Notre approche de la régénération, chez nous sommes vivants, est basée sur les pratiques de l'agriculture bio et régénérative (Le business modèle canvas de l'économie régénérative ). L’agriculture régénératrice est fondée sur un triptyque constitué du sol, du monde animal et du monde humain, qui permet de créer des synergies entre les trois écosystèmes. C’est l’équilibre et la diversité des organismes au sein de ce triptyque qui permet de régénérer le vivant.
L'agriculture régénérative rend des services écosystémiques qui visent à restaurer les ressources vitales au vivant dans son habitat, comme par exemple la santé des sols ou la biodiversité. Elle est porteuse de nombreuses promesses, non seulement des promesses environnementales, mais aussi des promesses sociales et des résultats économiques pour les agriculteurs (source)
Elle nécessite un changement de model mental. La régénération émane d'un (re)alignement entre "ce qui est bon pour moi" et "ce qui est bon pour la nature", elle demande aussi un réalignement des parties prenantes au niveau local pour délivrer ensemble des services écosystémiques. Mais aussi un changement de model économique pour passer de la compensation de la dégénération à une régénération portée par les produits et services commercialisés.
Les grands principes économiques de ces services écosystémiques se dessinent dans le marketing des produits issus de l'agriculture régénérative lancés par les grands groupes.
REGENERATIVE BRANDS - PARTS 1,2,3,4 (SHORT VERSION)