Faith in Nature est devenue la première entreprise à donner un siège à la nature au sein de son conseil d’administration, en tant que directeur non-exécutif.
L'entreprise britannique Faith in nature, spécialisée dans les cosmétiques a nommé un administrateur pour représenter la nature au sein de son conseil d’administration, en tant que directeur non-exécutif.
« La nature peut-elle réellement être le décideur ? » Tel était le défi que Simeon Rose, directeur de création au sein de l’entreprise de beauté britannique Faith in Nature, a lancé, l’été dernier, aux avocats du Earth Law Center, association américaine de défense des « droits de la nature ». Autrement dit, comment faire en sorte que la nature soit partie prenante de la compagnie, afin que les décisions de cette dernière soient plus respectueuses de l’environnement ? L’organisation a étudié la question, en lien avec les avocats de Lawyers for Nature et du cabinet international Shearman & Sterling. S’il est vite apparu que la nature ne pouvait prendre la place du directeur au sein de l’entreprise, les juristes ont néanmoins proposé cette solution. A chaque discussion, le conseil d’administration est invité à se glisser dans la peau de la nature pour agir en son nom. Pour ce faire, l’une des clauses qui prévoient la présence de la nature au sein du CA préconise la création d’un comité d’experts afin de soutenir le travail des représentants de la nature. Celui-ci devrait se composer de toute personne possédant des savoirs et des perspectives dans le domaine, non seulement des scientifiques et des juristes, mais aussi des économistes et des agriculteurs (source)
L’entreprise, pionnière sur le sujet, a dû modifier ses statuts afin de préciser qu'en plus de bénéficier aux actionnaires, l’entreprise fera de son mieux pour "avoir un impact positif sur la nature dans son ensemble" et "minimiser la perspective de tout impact négatif de ses activités commerciales sur la nature". "Donner à la nature un droit de vote et une voix au sein d'une structure d'entreprise, c'est reconnaître les droits de la nature et faire un grand pas vers le rééquilibrage des relations entre les entreprises et le monde naturel. Mais cela ne devient vraiment puissant que lorsque de très nombreuses entreprises font comme nous", a déclaré Simeon Rose, directeur de création au sein de Faith in Nature.
Une association – Notre affaire à tous – cherche depuis lors à inciter des entreprises françaises à faire de même. La responsable du projet au sein de l’ONG a déclaré au journal Les Échos : « Nous attendons que le modèle de gouvernance des entreprises se transforme pour intégrer le vivant dans leur modèle économique ». La nature deviendrait ainsi un « acteur décisionnel » de l’entreprise. Un anthropologue, Frantz Gault, interrogé aussi par Les Échos, s’est réjoui de cette initiative : « Nous arrêtons enfin de traiter la nature comme un objet, comme un esclave. Aujourd’hui, nous sommes prêts à traiter les non-humains comme des êtres vivants ayant une volonté et des intérêts ». Il souhaite que l’on donne des actions aux « non-humains qui travaillent ou contribuent au succès de l’entreprise ». Il ne s’agirait pas forcément de leur donner la majorité des actions, mais de leur en donner suffisamment pour qu’ils aient « un pouvoir de vote significatif, voire un pouvoir de veto sur les sujets environnementaux ».
Pour Marine Yzquierdo, avocate et responsable plaidoyer au sein de Notre Affaire à Tous, “une telle méthode va contribuer à la mise en place d’une nouvelle forme de gouvernance d’entreprise dans laquelle la Nature bénéficiera d’une voix lors du processus de prise de décision. Cela impactera positivement la stratégie d’entreprise, renforçant par la même occasion leur politique RSE ainsi que la raison d’être des sociétés à mission et des B Corp, tout en rendant les administrateurs responsables de leurs décisions à cet égard" (source)
L'initiative de Faith in Nature n’est pas sans rappeler le geste d’Yvon Chouinard, fondateur de la société californienne de vêtements techniques Patagonia. En septembre 2022, ce patron avait annoncé céder la totalité de ses actions à un trust et à une ONG qui percevra les dividendes annuels du groupe pour les investir dans des causes environnementales.
L’attribution de droits légaux à des entités non-humaines est un concept qui fait son chemin depuis quelques années.
- En 2008, lors du procès du naufrage du pétrolier Erika, l’entreprise Total avait été désignée comme responsable d’une pollution maritime de très grande envergure. Le tribunal reconnaissait par la même occasion l’existence d’un préjudice écologique résultant de l’atteinte portée à l’environnement. «C’est la preuve que la nature commence à apparaître comme un sujet de droit, y compris dans les tribunaux français», explique Frantz Gault.
- La loi Pacte (plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) de 2019, par exemple, a renforcé la responsabilité sociale des entreprises (RSE) en spécifiant que leur finalité doit prendre en compte les intérêts sociaux et l’environnement.
- Le « say on climate » de 2020 est une résolution à l’agenda des assemblées générales. Elle peut être déposée par l’entreprise elle-même ou par ses actionnaires, afin de faire voter les actionnaires chaque année sur la politique climat des entreprises cotées et assurer dès lors un dialogue permanent sur les questions environnementales. C’est le fonds activiste The Children Investment Fund (TCI) qui, le premier, a popularisé cette pratique, avec une première résolution votée en 2020 lors de l’assemblée générale d’Aena, société espagnole de gestion d’aéroports. Les principales sociétés visées à l’heure actuelle par ce type de demande sont des sociétés exerçant dans les secteurs d’activité les plus polluants.
- La directive européenne NFRD (Non Financial Reporting Directive) qui encadre aujourd’hui les déclarations de performance extra-financière des sociétés européennes sera bientôt remplacée par une nouvelle directive, plus ambitieuse : la directive (UE) 2022/2464, dite « CSRD » (Corporate Sustainability Reporting Directive) s’appliquera progressivement à compter du 1er janvier 2024.
Orienter la société dans des choix et dans trajectoires plus respectueuses de l'environnement présente de nombreux avantages, l'image de la société est valorisée, la confiance de la Place ou plus largement des parties prenantes est renforcée, mais également, de manière plus pragmatique, c'est l'accès au crédit ou encore à l'assurance qui serait renforcé. Et l'objectif de décarbonation, obligeant l'entreprise à se réinventer, laisse entrevoir la possible conquête de nouveaux marchés. Placer la Nature au cœur de cet organe décisionnel serait peut-être en définitive plus un atout qu'un risque, dans la mesure où les sociétés empruntant ce chemin anticiperaient, la très forte transition à venir, et bénéficierait ainsi d'un avantage concurrentiel certain. Confier un siège à la Nature au sein du conseil d’administration, un atout ou un risque pour la société ? Sabrina Dupouy
Un siège vacant pour incarner les générations futures dans les hôtels de ville et bientôt les entreprises ?
La question climatique doit bien être pensée en termes de considération vis-à-vis des générations futures, car ce sont elles qui sont mises en danger par cette crise. De fait, les évolutions potentiellement catastrophiques du climat se distinguent par l’échelle de grandeur spatiale et temporelle qui laisse penser que c’est toute l’humanité, dans l’espace et dans le temps, qui peut être atteinte.
L’idée est née à Québec, quand le maire Bruno Marchand a entamé son mandat à la fin de 2021. Son chef de cabinet, Clément Laberge, souhaitait un symbole rappelant aux décideurs de la Ville leur obligation de penser aux générations futures. Une chaise vide, décorée par les élèves de l’école Sacré-Coeur, a donc été installée de façon permanente dans la salle du conseil exécutif pour rappeler à ses membres leur engagement de gouverner pour l’avenir. «Ça nous rappelle constamment qu’on fait cette mission d’élu non pas pour soi, mais pour quelque chose de plus grand, pour la communauté et les citoyens, y compris ceux qui ne viennent pas à l’hôtel de ville parce qu’ils sont à l’école. C’est pour eux qu’on doit prendre des décisions courageuses même s’ils ne sont pas là autour de la table pour nous le rappeler», illustre le maire Marchand en entrevue avec La Presse Canadienne. (source)
A Paris, la Mairie a créé le Conseil des générations futures : « La présence de jeunes générations dans les organes de gouvernance peut contribuer à mieux intégrer dans la gouvernance les enjeux environnementaux et des générations futures. » recommande Jean Jouzel, Vice-président du GIEC.
Une idée qui a inspiré la maison Dandoy en Belgique qui suite à la labelisation B Corp met en place un "Regeneration Board" avec Corporate ReGeneration. Bernard Helson a travaillé durant 37 ans dans la biscuiterie et l'a dirigée durant une partie de ce bail, avant de céder le relais à ses deux fils, Alexandre et Antoine. Entrés dans l'entreprise il y a une dizaine d'années, Alexandre et Antoine, qui représentent donc la 7e génération, en sont devenus co-CEO il y a un an. "Notre philosophie est de rester belge, bruxellois, familial et de perpétuer l'entreprise pour les deux cents prochaines années", souligne Alexandre Helson, qu'on sent gonflé à bloc. "Nous avons une vision à très long terme, des ambitions et des valeurs bien définies. Nous voulons devenir un des leaders dans la régénération des matières premières en mettant notamment l'accent sur l'agroécologie." source
Selon la Fabrique Écologique, il faut ouvrir les instances de gouvernance de l’entreprise à l’environnement et à la société civile, notamment dans le cas où personne n’a un niveau de compétence environnementale suffisamment élevé au sein de l’entreprise. "Nous recommandons qu’une personne qualifiée extérieure soit intégrée à ces instances pour être garante de la bonne prise en compte de l’environnement dans les décisions. Elle assumerait le rôle de « Représentant de la Nature et des Générations Futures » et participerait au Conseil d’Administration". source Quelle voix pour l’environnement dans l’entreprise ?
Si cette mission semble avant tout constituer un « droit de regard » extérieur sur l’administration d’une structure, on peut aisément imaginer qu’elle vienne très vite à représenter un véritable atout pour l’entreprise.
- D’une part, parce que l’introduction d’une personne extérieure et de thématiques généralement étrangères aux préoccupations du Conseil d’Administration constitue un excellent moyen d’induire une réflexion collective sur la production de biens et services d’une structure mais aussi sur les valeurs qu’elle véhicule, et plus largement sur sa raison d’être, sur son business model, sur son rôle dans la société.
- D’autre part, parce que ce droit de regard peut contribuer à fomenter le dialogue et apaiser les tensions autour de certains secteurs d’activités perçus comme ou étant particulièrement polluants ou gourmands en termes de ressources. Enfin, parce qu’on peut imaginer que les résultats de ces réflexions collectives soient, dans certains cas, suffisamment intéressants pour être valorisés à l’extérieur de l’entreprise, auprès d’autres structures, contribuant ainsi de manière plus efficace à la transition écologique. (source : la Fabrique Écologique)
Changer de business models pour mieux respecter la nature et les générations futures
Il est temps d’assumer nos responsabilités et d'agir pour la régénération de la planète. Face à l'érosion du vivant, il nous faut nous engager dans une démarche régénératrice au sein de nos entreprises : aider la nature à se régénérer et transmettre ce capital aux générations futures.
L’agriculture régénérative rend des services écosystémiques qui visent à restaurer les ressources vitales au vivant dans son habitat, comme par exemple la santé des sols ou la biodiversité. Elle est porteuse de nombreuses promesses, non seulement des promesses environnementales, mais aussi des promesses sociales et des résultats économiques pour les agriculteur
La régénération nécessite un changement de model mental qui doit s’opérer dans les entreprises. La régénération émane d’un (re)alignement entre « ce qui est bon pour moi » et « ce qui est bon pour la nature ».
Mais aussi un changement de modèle économique pour passer de la compensation de la dégénération à une régénération portée par les produits et services commercialisés.
Elle demande enfin un ré-alignement des parties prenantes au niveau local pour délivrer ensemble des services écosystémiques et un changement de gouvernance pour donner une voix à la nature et aux générations futures dans le long terme.
👉 Notre Business Model Canvas de l'entreprise régénérative - (REGEN)BMC - permet d’identifier les potentiels de régénération des activités économiques des entreprises en 5 ateliers dont un qui porte sur la gouvernance.
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LE BUSINESS MODEL CANVAS DE L'ENTREPRISE REGENERATIVE (V4) …
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