Jacques Perrin dans son livre "peut on changer notre vision du monde" nous rappelle que bien avant les Trente Glorieuses, déjà dans les années 20, le concept de "consommateur souverain" va accompagner l'essor du capitalisme en étant au coeur d'une société de marché essentiellement individualiste, mais bien ordonnée, efficace et démocratique. Et que dans cette même période une autre vision de l'individualisme va s'estomper, un individualisme relationnel qui selon Simondon pense l'individu comme inséparable de son environnement social et de la nature.
Dans les années 50, des économistes tels que Hayek et Von Mises valorisent le capitalisme dans sa forme néolibérale en cherchant à démontrer qu'il apporte l'abondance, la meilleure garantie d’améliorer son niveau de vie. Le capitalisme permet de mettre sur le marché des biens, services à bas prix. Ces bas prix étant possibles grâce à l'exploitation des ressources humaines et naturelles, elles mêmes perçues comme abondantes à ce moment là. Le monde moderne, grâce au capitalisme, nous permet de vivre dans un monde d’abondance.
Dans un ouvrage intitulé « The Sovereign Consumer, A New Intellectual History of Neoliberalism, Nika Olsen, historien de l'Université de Copenhague, montre qu'à partir de la notion de « consommateur souverain » le néolibéralisme a transformé notre conception de la démocratie. Dans l'économie politique néolibérale, le politique est au service de l'économique. Le néolibéralisme aura eu pour conséquence de défaire la démocratie en la transformant en marché.
Désormais, le consommateur souverain est la figure démocratique centrale dans la mesure où il « vote» constamment par ses choix. Le marché est dès lors réinventé comme le forum démocratique par excellence. Il précise qu'il ne faut cependant pas envisager le consommateur souverain comme un individu réel ou comme un concept fixe, mais comme un terme générique qui désigne une série d'idées affirmant que le libre choix du consommateur est la caractéristique essentielle de l'économie de marché.
Cette conclusion rejoint en partie les propos, de l'économiste américain Paul Krugman, qui dans son livre « Amérique que nous voulons » proposait en 2008 un bilan de l'ère néolibérale dans lequel il symbolisait le cours suivi par la société américaine, par le passage d'un modèle symbolisé par « Général Motors » à un autre modèle représenté par « Walmart ». Alors que General Motors, le premier constructeur automobile américain, avec ses hauts salaires, son niveau élevé de couverture maladie, son fort taux de syndicalisation, incarne le fordisme des années 1960 et 1970, Walmart, la chaîne de grande distribution devenue la plus puissante entreprise américaine et mondiale en termes de chiffre d'affaire, grâce notamment à l'importation de biens de consommation bas de gamme produits en Chine, illustre, avec ses bas salaires et sa politique anti-syndicale, la réalité de la situation d'une partie du salariat et révèle un changement important dans le processus d'accumulation du capital.
Bien sûr le grand avantage de la société de consommation est de nous offrir le choix. Et tous les choix n’ont pas la même valeur. Faire des choix c’est se montrer responsable de ses actes. C’est à nous de choisir notre façon de consommer, en fonction de nos valeurs voire même la valeur qu’on se donne à nous-même et plus globalement à l'humanité.
Même si la vision du monde prônée par le néolibéralisme est actuellement la vision du monde dominante au niveau international, et même si tout est fait pour qu'elle s'impose avec plus de force, une observation de la réalité permet de découvrir que s'expérimentent et se mettent en œuvre de nouvelles pratiques de production et d'échange, de nouvelles pratiques démocratiques, ...qui traduisent toutes le désir de vivre une autre manière d'être au monde.
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