Que les entreprises mesurent leurs impacts et les communiquent dans un rapport extra financier est essentiel pour parvenir à une croissance durable et inclusive. Pourtant, une législation Omnibus visant à harmoniser et simplifier des réglementations issues du Green Deal européen portant sur la CSRD, la CS3D et la taxonomie verte sera dévoilée le 26 février 2025 par la Commission Européenne. La législation "green claims" n'est pas sur la table alors qu'elle pourrait permettre la bascule vers des modèles d'affaires durables.
Cela fait suite au rapport sur la compétitivité de Mario Draghi qui préconisait une « simplification » des réglementations sociales et environnementales mettant en danger 10% de son potentiel de PIB. Et ceçi mmême si le cap de l'Europe restant "la compétitivité soutenable" avec de nombreux engagements environnementaux et sociaux.
La France a fait une proposition de mesures de simplification réglementaires et administratives dans un climat particulièrement hostile pour les normes environnementales en France et en Europe. Mais aussi de réduction des investissements soutenant la transition écologique, aussi bien environnementale que sociale. A lire ici.
Absente des débats aussi bien en Europe qu'en France, la législation "green claims" aussi issue du green deal. Pourtant elle pourrait permettre aux entreprises les plus responsables de valoriser leurs actions déjà engagées auprès de leurs clients via un affichage sur leurs produits, en se basant sur des faits et impacts certifiés par des tiers. Un coup d'accélérateur pour la RSE et un passage à l'échelle de l'impact dans des modèles économiques viables.
Les prises de position des acteurs les plus engagés
Douze réseaux d’entreprises et de financiers français ont publié une note de position commune sur la CSRD, le 20 janvier. Ils appellent à ne pas « renoncer aux ambitions » du texte. La CSRD « [offre] aux entreprises une base solide pour intégrer les risques environnementaux et sociaux tout en transformant leurs modèles économiques », saluent ces réseaux dans une note de position commune. Elle « constitue un levier stratégique pour renforcer la compétitivité de l’Union européenne », avancent-ils. Parmi eux : le Mouvement Impact France, regroupant 15 000 entreprises engagées ; la Communauté des entreprises à mission, ou encore l’ONG B Lab France, porteuse du label B Corp certifiant les bonnes pratiques des entreprises en matière d’impact social, sociétal et environnemental. source
D’autres organisations se sont mobilisées en défense du texte : le Collège des directeurs du développement durable (C3D), une association regroupant plus de 380 dirigeants chargés de la responsabilité sociétale des entreprises, parmi lesquels on retrouve Amundi, EDF, Carrefour ou encore L’Oréal, ont envoyé une lettre, le 6 janvier dernier, aux commissaires européens, a également écrit à plusieurs commissaires européens. L’organisation estime que « les règles prévues [par la CSRD] fournissent des outils essentiels » pour la transition des entreprises. source
La position de la France est "irresponsable et incompréhensible", écrivent ainsi huit ONG dans un communiqué, parmi lesquelles Oxfam et Reclaim Finance. Les fonds intitulés “Environnement”, “Impact” ou encore “Durable” devront exclure “les entreprises dont une part significative du chiffre d’affaires provient des énergies fossiles”. En revanche, les fonds intitulés “Social” ou “Gouvernance” et même “Transition Climat” n’exigeront aucune exclusion sur les développeurs fossiles. source
Dans une lettre adressée à la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et plusieurs commissaires européens, le 17 janvier, de grandes entreprises, dont Ferrero, L’Occitane ou Primark, expriment aussi leur soutien aux règles de reporting européennes. Elles pointent notamment les « investissements » déjà réalisés pour la préparation des législations de reporting comme la CSRD et la CSDDD. Et demandent de ne pas modifier en profondeur ces textes accouchés dans la douleur après de multiples négociations entre les parties. source
"Trop simplifier, c’est prendre le risque de l’ESG-washing" pour Patrick de Cambourg, président du Sustainability Reporting Board de l'EFRAG qui vient de présenter sa proposition de standards volontaires sur le reporting de durabilité pour guider les PME qui souhaitent prendre l'initiative de présenter un tel rapport, Source
Comme les dirigeants Qwetch ou Data Major, plusieurs patrons de PME se sont mis en tête de se plier volontairement à l’exercice, en mettant en avant l'atout pour la communication : « Nous faisons très attention à ce que nous mettons en avant pour ne pas verser dans le greenwashing. Avec les données normées et vérifiées de la CSRD, cela nous met plus en confiance pour communiquer sur nos engagements auprès de nos parties prenantes » source
Il est indéniable que les rapports de durabilité des grandes entreprises CSRD sont d'un meilleur niveau, déjà sur la qualité des informations données, mais aussi la diversité des indicateurs d'impact couverts et l'adéquation des actions aux objectifs, qui favorisent donc la prise de conscience voir la confiance des parties prenantes. Par exemple celui publié par Givaudan. ICI
L'Europe n'est pas en train de renoncer aux ambitions des textes. Les grandes entreprises vont pouvoir continuer à progresser avec la CSRD suivie par les PME alors que des allégements vont être prévus pour les autres. Mais la taxonomie verte ne va pas pouvoir flécher suffisamment de fonds pour alimenter cette transition économique, sociale et environnementale. Alors que le recul (possible mais peu probable) sur le devoir de vigilance envoie des signaux contradicteurs aux entreprises.
La taxonomie verte
La taxonomie verte est une classification des activités économiques dites “durables” visant à orienter les investissements vers des projets et des entreprises qui contribuent de manière significative à la lutte contre le changement climatique et à la protection de l’environnement. Les investisseurs doivent indiquer la part des investissements durables dans leur portefeuille. Mais la taxonomie verte ne concerne pas les fonds intitulés “Social” ou “Gouvernance” qui peuvent suivre d'autres logiques.
La France souhaite modifier la taxonomie, en proposant notamment la refonte du ratio d’actifs verts “Green Asset Ratio” (la mesure utilisée pour évaluer la proportion d'actifs verts détenus par les institutions financières). En moyenne, le Green Asset Ratio des établissements européens est établi à 3 %, selon KPMG. 3 %, c’est peu. C’est pourquoi certaines banques ont choisi de publier un GAR alternatif complémentaire, relève KPMG. La Banque Postale a par exemple communiqué un GAR excluant le critère DNSH et BNP Paribas la proportion d’actifs « alignés » par rapport aux actifs « éligibles ». Leurs GAR alternatifs ressortent respectivement à 7,6 % et 11,6 %. source
La CSRD
La directive européenne CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), entrée en vigueur en janvier 2004 pour les plus grandes entreprises, oblige à publier, suite à une analyse de double matérialité, un rapport de durabilité portant sur des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (les normes ESRS). 12 standards de reporting sont obligatoires pour couvrir l'essentiel des impacts environnementaux tels que le changement climatique, l'eau et la biodiversité, mais aussi les impacts sociétaux comme les conditions de travail jusqu'à la consommation, et enfin la bonne conduite des affaires.
La France souhaite alléger la charge de la CSRD et reporter de deux ans de l’entrée en vigueur des dispositions pour les PME. Pour cela, elle veut réduire drastiquement le nombre d’indicateurs obligatoires en ciblant le reporting sur les objectifs climatiques, élargir aux ETI l’accès à des normes de reporting simplifiées et introduire dans la directive un principe de plafonnement du rapportage pour les sous-traitants dans la chaîne de valeur.
La CSDDD
La CS3D ou CSDDD (Corporate Sustainability Due Diligence Directive, 2024) impose un “devoir de vigilance” aux entreprises oblige les entreprises à identifier, prévenir et réduire les impacts négatifs de leurs activités sur l’environnement, le climat et les droits humains, et ce, sur l'ensemble de leurs chaînes de valeur. Contrairement à la CSRD, la CS3D ne se limite pas à une obligation de reporting sur certaines données puisqu’elle impose aux entreprises d’agir en mettant en place des process d’identification, de prévention et de gestion de leurs impacts.
Les autorités françaises sont favorables à un report sine die (ie une suspension indéfinie) de l’entrée en vigueur de la directive” sur le devoir de vigilance jusqu’au jour où “elle sera simplifiée”. La France propose de réduire le champ d’application du texte et que seules les entreprises dépassant le seuil de 5 000 salariés et 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires. Ces nombreuses modifications entraîneraient une exclusion de près de 70 % des entreprises concernées, alors même que seules 3 400 des 32 millions d’entreprises européennes (soit moins de 0,1%) étaient couvertes sous les seuils précédents selon l’ONG SOMO. source
La directive "green claims"
L'un des derniers dossiers hérités du Green Deal, la directive sur l'affichage environnemental fait l'objet de négociations au niveau Européen alors que 76 % des produits sur le marché de l’UE portent une allégation verte implicite ou explicite et qu'une étude de la Commission européenne de 2020 a révélé que plus de la moitié des produits portant des allégations environnementales trompent les consommateurs en particulier dans le textile, les cosmétiques source
Exiger une vérification indépendante de toutes les allégations avant leur entrée sur le marché éliminerait d’emblée le greenwashing. Mais les États membres s'efforcent d'affaiblir le processus de vérification et d’autoriser les allégations écologiques fondées sur la compensation des impacts environnementaux, ce qui pourrait ouvrir la porte à davantage d’écoblanchiment.
Une lettre ouverte envoyée fin janvier par les associations professionnelles, les entreprises et la société civile aux co-législateurs les appelle à garantir « une procédure de vérification significative par un organisme tiers » et de permettre aux entreprises de faire connaitre leurs contributions positives sur le climat ou la biodiversité au sein même de leur chaîne de valeur plutôt que de faire part de leurs efforts de compensation d'impacts négatifs sans repenser leurs activités économiques. source
Relier la directive sur l'affichage environnemental aux ambitions en particulier portées par la CSRD permettrait aux entreprises de valoriser leurs actions en faveur de la transition écologique non seulement dans leurs rapports extra financiers mais sur l'étiquette de leurs produits, en toute transparence, avec des informations certifiées.
Un affichage multi critères serait le mieux à même de communiquer sur les réduction d'impacts sur lesquels l'entreprise et ses parties prenantes évoluent dans le cadre de la CSRD (les 12 standards de reporting, avec des critères prioritaires par secteurs d'activité.
La CSRD invite a sortir du tunnel climat pour adopter une vision plus systémique. En effet, les interactions au sein du monde vivant et de celui ci avec l’environnement physique sont nombreuses, et de diverses natures. Il en est de même pour les consommateurs qui souhaitent avoir une vision globale des externalités induites par leurs achats. C'est le succès du planet-score dans l'alimentaire porté par 300 entreprises en France.
Enfin pouvoir faire connaitre leurs contributions positives sur le climat ou la biodiversité permettrait aux entreprises les plus engagées de réaliser plus de ventes et aux bonnes pratiques initiées au sein des chaînes de valeur de ces produits de passer à l'échelle. C'est le succès du seul affichage positif Regenerative Organic Certified, qui porte aussi bien sur les sols, que les animaux, ou les producteurs.
Aligner toutes les directives telles que la CSRD avec l'affichage socio environnemental permettrait ainsi la bascule vers des modèles économiques durables. D'un coté en récompensant les entreprises les plus engagées dans la transition de leurs modèles d'affaires, de l'autre, si l'affichage produit est imposé pour toutes les entreprises, en pénalisant celles ci directement sur les ventes de produits non responsables.
Toutes fois, le groupe de travail sur l'écoconception qui se réunit le 19 février se focalise sur l'économie circulaire qui n'intègre pas correctement la biodiversité et encore moins le social sans prendre en compte les aspects contributifs. L’éco conception regenerative reste à être posée. ici
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