L'agriculture au prisme des 4 imaginaires écologiques. En savoir plus sur la fresque des imaginaires (ici)
C'est le modèle d'exploitation intensive des terres qui est en crise.
➡️ L'agriculture est le deuxième poste d’émissions de GES de la France (19 % du total national et 85 MtCO2 eq. émis en 2019 (source gouvernementale). Si on prend en compte l'ensemble de la chaine de production et de consommation c'st 33% des gaz à effets de serre proviennent de l’alimentation (source). Les émissions de GES de l’agriculture sont caractéristiques, car majoritairement composées d’autres molécules que le CO2 et issues de processus biologiques. (source) Toutes fois, le secteur agricole est à la fois émetteur et capteur de gaz à effet de serre. Les engrais minéraux sont de gros émetteurs de dioxyde de carbone et de protoxyde d’azote. Une récente étude menée par le FiBL, un des principaux instituts mondiaux de recherche pour l’agriculture biologique, dans le cadre d’une expérimentation en champ visant à comparer sur le long terme les systèmes bio et conventionnels conclut à des émissions de protoxyde d’azote à l’hectare de 40% inférieures dans les systèmes bio (source)
➡️ L'artificialisation des sols. En 70 ans, la France a perdu 12 millions d’hectares de terres agricoles. L’artificialisation croissante des terres agricoles intensifie mécaniquement la pression sur la surface restante de terres consacrées à l’agriculture. D’autant plus que les usages non alimentaires vont croissants (production de biomasse pour les énergies renouvelables, emplacements pour panneaux solaires, exploitation de matières premières, etc.). Cette concurrence participe à la hausse des prix des terrains et favorise l’intensification industrielle des pratiques agricoles sur les terres restantes, avec ses effets délétères sur l’environnement (source) .
➡️ La dégradation des sols rendant ainsi ¼ des terres cultivables arides, c’est-à-dire qu’elles sont tellement abimées et desséchées que plus rien ne peut être cultivé sur ces terres. D’après la FAO, en continuant au rythme d’exploitation actuel, toutes les terres arables auront disparu dans 60 ans. L’utilisation massive de pesticides a pour conséquences la pollution de l’eau et des sols, et la perte de biodiversité. Le sol est relégué par l’agriculture industrielle au rang de support « inerte », dont il est même possible de s’affranchir (cultures hors-sol), alors que le sol est un écosystème à part entière, hébergeant des processus écologiques de grande importance (Lemanceau et al., 2015). Les résidus d'herbicides à base de glyphosate dans le sol ont un effet négatif sur les bacteries bénéfiques pour les plantes (Journal of Applied Microbiology)
➡️ La biodiversité est dans un état de catastrophe avancée. Les insectes se font de plus en plus rares ; quant aux oiseaux, on ne devrait plus constater les espèces disparues, mais remarquer « ceux qui restent ». Les populations d’oiseaux spécialistes des milieux agricoles subissent notamment un déclin alarmant, accusant une baisse de près de 40% en métropole ces trente dernières années (source) L’eau, une ressource sous tension. Dans son Avis de septembre 2021 sur le Varenne agricole–Eau et changement climatique, le conseil scientifique de l’Office français de la biodiversité (OFB) met en garde contre la tension accrue sur les ressources en eau provoquée par le modèle agricole français, qui considère avant tout l’eau comme un moyen de sécuriser la production agricole.
➡️ La perte de densité nutritionnelle des aliments. L’ANSES et l'Agence Nationale de Sécurité Alimentaire ont constaté « en 60 ans, les 70 fruits et légumes les plus consommés par les Français, ont perdu en moyenne 16% de leur calcium, 27% de leur vitamine C et 48% leur fer ». Aux États-Unis, le Dr Donald Davis de l’université du Texas a étudié l’évolution des teneurs de 13 nutriments (protéines, lipides, glucides, fer, thiamine, riboflavine, niacine et l’acide ascorbique…) dans les fruits et légumes entre 1950 et 1993. Le verdict est qu’un déclin significatif entre 1950-1993 a été identifié sur les 43 aliments pour les protéines (-6%), le calcium (-16%), phosphore (-9%) et le fer (-15%), la riboflavine vitamine B2 (-38%) pour les valeurs médianes alors qu’il n’y avait pas de changement significatif pour les autres nutriments.. L’ONG Américaine Bio-Nutrient et Green America pensent que la densité nutritionnelle est la clé de la transition agro-écologique (source) Une hypothèse pour expliquer cette baisse de qualité nutritionnelle des fruits et légumes est l’effet de dilution : une croissance plus forte et plus rapide, assurée par la fertilisation et/ou l’irrigation par intrants externes provoquerait un « effet dilution » des constituants mineurs dans la matière sèche.
➡️ La perte de la valeur ajoutée à l'hectare. Le rapport d’orientation du groupe Safer met en lumière la corrélation entre l’augmentation de la taille des surfaces travaillées et la baisse de la valeur ajoutée par hectare. Ainsi, l’élevage de bovin viande, la culture de céréales, d’oléagineux et de protéagineux ont vu leur productivité baisser de manière importante entre 1990 et 2013 (-21% et -13% respectivement) mais ces productions sont pourtant les seules à s’être étendues sur la période 1990-2013. Inversement, les fermes en polyculture-élevage, bovin lait, aux valeurs ajoutées par hectare plus élevées, voient leur part dans la SAU nationale reculer. Face à la baisse des prix, l’augmentation des volumes de production, couplée à la baisse des actifs agricoles, ont longtemps soutenu le revenu des agriculteurs (source)
➡️ Une production déconnectée des territoires. La France dispose en théorie de la surface nécessaire pour nourrir l’ensemble de ses habitants. Mais les choix actuels sur l’usage des terres rendent en réalité notre alimentation quotidienne dépendante de millions d’hectares cultivés dans des pays voisins (et souvent très lointains), et du transport international de marchandises. La moitié des fruits et légumes consommés en France sont aujourd'hui importés. Pour couvrir les besoins de l’alimentation animale, la France a importé en 2018 autour de 2,8 millions de tonnes de tourteaux de soja, principalement en provenance du Brésil (en augmentation de 60% depuis 2011!). Par contre la France est aujourd’hui le 6e exportateur mondial de produits agroalimentaires en valeur. 45% de sa production de céréales sont exportés, comme c’est le cas de près d’une pomme de terre sur deux produites en France. Selon les professionnels de la filière, quatre litres de lait français sur dix sont exportés. On estime que douze millions d’hectares sont destinés à l’exportation, soit 40% des terres agricoles.(source)
➡️ Une tendance lourde à la concentration au détriment de nouveaux entrants. Les grandes fermes d'une surface moyenne de 136 ha représentent 1 ferme sur 5 et elles couvrent 40% du territoire agricole métropolitain. Le capital immobilisé (matériel, bâtiments et foncier) est passé de 173000€ à 275000€ par ferme entre 2000 et 2020, le double des autres professions. L’agrandissement des fermes est en partie alimenté par la politique agricole commune (PAC), dont l’essentiel des aides est alloué en fonction des surfaces travaillées. Ces mécanismes poussent nombre d’agriculteurs à s’agrandir, pouvant aboutir à des fermes de très grande taille, et favorise ceux déjà en activité. (source)
➡️ Un chômage accru. La France compte 389000 fermes selon le dernier recensement agricole de 2020, soit environ 100000 de moins qu’en 2010, une baisse de 20% en dix ans. Dans le même temps, la taille moyenne des fermes a augmenté de 25% pour atteindre 69 ha. Elle a plus que doublé en 30 ans. En 20 ans, 320000 emplois agricoles (équivalent temps plein) ont été détruits. Les chefs d’exploitations ne représentent plus que 1,5% de la population active. (source) La part du salariat agricole (précaire - CDD, saisonniers, apprentis) a fortement augmenté ces dernières décennies et représente désormais un tiers de l’emploi agricole
➡️ Vieillissement de la population agricole. En 2020, selon les premiers résultats du recensement agricole, un quart des agriculteurs ont 60 ans et plus et devraient partir à la retraite d’ici à 2030. Sur la base des surfaces moyennes connues pour ces classes d’âge en 2016 (le recensement de 2020 n’ayant pas encore fourni ces informations mises à jour), près de cinq millions d’hectares devraient changer de main d’ici à 2030, ce qui représente près d’un cinquième de la surface agricole utile actuelle. En 2019, on compte environ 21000 départs à la retraite d’agriculteurs pour 13400 nouvelles installations, ce qui signifie qu’un agriculteur sur trois partant à la retraite n’est pas remplacé (source).
Ces pratiques agricoles ne sont pas durables en termes de consommation de ressources naturelles, d’impacts sur le climat et la biodiversité ou encore de santé. Poursuivre dans cette voie, c’est hypothéquer définitivement la capacité de la terre à nous nourrir et à faire vivre les espèces animales et végétales qui en dépendent.
Vers des pratiques plus durables dans l'agriculture.
Si on fait un premier pas vers des pratiques durables selon les principes du développement durable, alors l’agriculture de demain se doit de diminuer sa dépendance aux intrants non renouvelables, intégrer les processus biologiques et écologiques, impliquer les acteurs locaux et favoriser des actions collectives (Pretty, 2008). Ces préoccupations agroécologiques poussent aujourd’hui des producteurs, de plus en plus nombreux, à réinventer les systèmes agricoles pour les rendre à la fois rentables, résilients et cohérents avec leur environnement. C'est ce qui a amené à la création de la certification Haute Qualité Environnementale. L'argument étant : des pratiques agricoles de précision qui utilisent la juste quantité de pesticides, engrais et eau grâce à la mesure précise des besoins. C'est une certification de l'exploitation agricole qui ne répond pas aux enjeux de valorisation des pratiques agricoles au niveau des consommateurs finaux, on la retrouve pourtant sur certains produits.
Aller plus loin c'est adopter les principes du développement durable fort qui refuse la substitution entre le capital économique et le capital naturel. Il est à cet égard inenvisageable de compenser une perte de biodiversité ou la dégradation d’un service écosystémique par un surplus de valeur économique ou un nouveau dispositif technologique. Les éléments qui constituent l’environnement naturel ne doivent pas être dégradés afin d’être transmis en l’état aux générations futures. Dans cette perspective, les pratiques et les ambitions en matière de durabilité agricole ne sont plus les mêmes. Il ne s’agit plus de trouver le meilleur compromis entre les enjeux économiques, sociaux et environnementaux, mais bien de s’assurer que les pratiques agricoles n’ont pas d’impacts négatifs sur les différentes composantes de l’environnement naturel : l’eau, l’air, le sol et la biodiversité. Des labels se développent pour signifier aux consommateurs le respect de la biodiversité, la prise en compte de la souffrance animale, la juste rémunération des agriculteurs, la préférence locale, la réduction des distances de transport et le planet score qui fait son apparition aux cotés du nutrition score (ou à la place de celui ci). Le label Planet Score développé par les agriculteurs bio et soutenu par des ONG peut aussi indiquer aux consommateurs des pratiques agricoles responsables afin de financer la conversion au bio puisque les pesticides font partie des 3 indicateurs avec l'impact sur biodiversité et le changement climatique. Le Planet score, développé par les agriculteurs bio et soutenu par des ONG, s’affiche déjà en magasin sur des produits alimentaires et dans leurs spots publicitaires à la TV. source
Mais le développement durable fort ne prend pas en compte les limites sociales alors que les enjeux socio économiques mettent en tension toute la chaine depuis les agriculteurs jusqu'aux consommateurs en passant par les distributeurs. Si la réduction des impacts négatifs va de paire avec la décroissance de l'usage des pesticides et des achats, elle va aussi de paire avec la réduction des revenus des agriculteurs. Or si la réduction des intrants pétrochimiques fait sens, la réduction de la production de pain bio - proteines végétales de substitution - d'oeufs de poules élevées en plein air sans maïs - ne fait pas sens tant ces produits de substitution sont vertueux.
Concilier le développement durable fort et les enjeux sociaux liés à une juste rémunération c'est possible. Le label bio a permis de financer la reconversion des agriculteurs même si les ventes ont chuté de 10% en deux ans. Une étude menée par des scientifiques du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), dresse le scénario d’un système agro-alimentaire biologique et durable d’ici 2050. Il permettrait de nourrir la population européenne attendue dans 30 ans, et surtout de réduire largement la pollution des eaux et les émissions de gaz à effet de serre provoquées par l’agriculture. « Remodeler le système agro-alimentaire européen et fermer son cycle d’azote : le potentiel de combiner changement de régime alimentaire, agroécologie et circularité«. Le scénario envisagé repose sur trois leviers combinés. Le premier tient dans le changement de notre régime alimentaire vers un régime plus sain et frugal. Le second levier concerne la généralisation des pratiques d’agroécologie avec notamment la réduction des émissions d’azote. Le dernier appelle à une plus grande circularité entre les cultures et l’élevage. « C’est l’action synergique de ces trois leviers qui permet d’avoir un scénario harmonieux« , précise Gilles Billen, le chercheur du CNRS qui a dirigé l’étude.

source
L'agriculture bio et régénérative comme solution d'avenir.
Le 23 septembre 2019, lors du Sommet Action Climat des Nations Unies à New York, la coalition One Planet Business for Biodiversity (OP2B) est officiellement fondée. Menée par Emmanuel Faber, PDG du groupe Danone, celle-ci réunit plusieurs des plus importantes firmes agroalimentaires mondiales, notamment Nestlé, Mars, Unilever et Yara. Cette coalition se dit déterminée à conduire une transformation systémique afin de protéger et restaurer la biodiversité à l’échelle mondiale.
Plusieurs signes indiquent que l’agriculture régénérative est en voie de connaître un développement majeur dans les années à venir. On peut par exemple citer la présence du livre Dirt to Soil de Gabe Brown en première position des ventes d’Amazon dans les sections agriculture, agronomie et sciences du sol ; l’implication de plusieurs firmes d’influence mondiale telles que General Mills et Danone dans des programmes de promotion de l’agriculture régénératrice ; ou encore la floraison d’une multitude d’ASBL dédiées à la diffusion du concept comme Regeneration International, Kiss the Ground, Terra Genesis International, la Soil Health Academy et le Savory Institute. Toutesfois le concept d’agriculture régénératrice possède un faible socle scientifique propre mais mobilise néanmoins des savoirs scientifiques développés dans le cadre d’autres disciplines tels que les sciences du sols, l’agronomie et l’écologie. source
Il n'y a pas de consensus sur une définition de l'agriculture régénérative et pas de certification / label unique :
-Certaines définitions sont basées sur des processus pour définir une agriculture singulière (comme l'agriculture biologique).
-D’autres définitions sont basées sur les résultats pour définir quels types d'agriculture sont régénératifs (comme l'impact climat)
Les risques de confusions sont élevés. Pour exemple, Danone décrit sur son site internet l’agriculture régénératrice selon une vision correspondant uniquement à l’agriculture biologique régénératrice du Rodale Institute. Sur le site de General Mills en revanche, l’agriculture régénératrice est décrite d’une façon correspondant à l’agriculture de conservation régénératrice développée par Gabe Brown. Les deux modèles de production que les entreprises s’engagent à promouvoir sont donc sensiblement différents.
Trois significations ont été identifiées au terme "regenerative agriculture". La première fait référence à la faculté de régénération des écosystèmes à l’état naturel. L’agriculture régénérative est alors une agriculture cherchant à imiter les mécanismes de développement de la végétation des milieux sauvages. La seconde signification correspond à une capacité d’auto-entretien, l’indépendance par rapport aux intrants extérieurs. L’agriculture régénérative est vue comme une agriculture non extractive. Enfin, la troisième indique une ambition d’amélioration des ressources utilisées, presque toujours présentée comme une élévation de l’ambition de durabilité. L’agriculture régénérative est alors une agriculture restauratrice. Le principe fondamental de l'agriculture régnérative (au sens de régénératrice) qui est à l’oeuvre c’est le pouvoir magique qu’a le vivant de s’auto-régénérer…Comme seul le vivant peut se régénérer, les actions régénératives augmentent les capacités du vivant à atteindre son plein potentiel dans un environnement. source
Les principes de cette approche régénératrice du vivant remontent aux travaux de Bill Mollison sur la permaculture en 1978 (Mang, P., & Haggard, B., Regenesis, 2016). L’écologiste australien a modifié le modèle agricole conventionnel, en s’inspirant des relations et procédés naturels des écosystèmes. Cette agriculture dite « permanente » génère les récoltes nécessaires pour la société tout en produisant un surplus de ressources, (ré)générant ainsi le sol. Une approche régénératrice permet aux humains de co-évoluer avec les systèmes naturels qui les entourent et d’inverser les systèmes dégénératifs (Mang & Reed, 2013). (source). L’agriculture régénératrice sera nommée régénérative par la suite mais c'est le sens régénérateur qui est essentiel pour nous sommes vivants.
L’agriculture régénérative peut être considérée comme une sous-division de l’agriculture biologique qui va plus loin en augmentant la teneur en matières organiques des sols, en améliorant leur structure et leur potentiel de stockage de carbone. L'agriculture biologique régénératrice est un modèle de production mis au point par le Rodale Institute. Il propose initialement une version combinée de l’agriculture biologique et de l’agriculture de conservation. Il intègre par la suite des dimensions de commerce équitable et de bien-être animal. L’agriculture régénérative est par nature bio pour nous sommes vivants.

source
Le nom "agriculture régénérative" est apparu dans les années 80 (lire ici, graph ci dessus) mais il n'existe pas de consensus sur les pratiques agricoles entre agriculture de conservation des sols (pas de labour mais glyphosate) et agriculture biologique (labour mais pas d'intrants chimiques). La référence scientifique souvent utilisée est « Qu'est-ce que l'agriculture régénérative ? Newton https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fsufs.2020.577723/full. Et dans les articles de recherche collectés ces dernières années et analysées, les pratiques les plus fréquemment mentionnés comme définissant l'agriculture régénérative étaient : l'absence ou la faible quantité d'intrants externes et l'utilité des intrants à la ferme (26 % des publications), l'intégration de l'élevage (19 %), la non-utilisation d'engrais synthétiques (12 % ) ou pesticides (12 %) et réduction ou suppression du travail du sol (12 %) (source).
L'agriculture régénérative apparait comme une alternative pour produire des aliments avec des impacts environnementaux inférieurs, voire nets positifs (Rhodes, 2017). Une série d'affirmations ont été faites sur le potentiel de l'agriculture régénérative pour contribuer à la durabilité de la production alimentaire, y compris sur la possibilité que l'agriculture régénérative puisse faire partie d'une stratégie d'atténuation du changement climatique et plus résiliente aux effets de celui ci.
Le respect des sols est un axe particulièrement intéressant de l'agriculture régénérative. En augmentant de 0,4 % par an la teneur en carbone de tous les sols du monde, on fixerait l’équivalent du CO2 produit annuellement par l’humanité. (source) La régénération des sols passe d'un coté par éliminer les intrants et de l'autre par préserver la vie des sols pour augmenter sa fertilité et donc la qualité nutritionnelle des aliments. Avec la régénération des sols c'est aussi la biodiversité qui est préservée, l’eau qui est économisée et le dérèglement climat qui est atténué en capturant le CO2.
La fertilité du sol est augmentée de façon biologique dans les systèmes agricoles régénérateurs par la mise en place des cultures de couverture et intercalaires, la rotation des cultures, l’application de compost et de fumiers. Ces méthodes restaurent le microbiome des plantes et du sol en favorisant la libération, le transfert et le recyclage des nutriments essentiels du sol. Les fertilisants de synthèse créent un déséquilibre dans la composition et le fonctionnement des communautés microbiennes des sols. Ils court-circuitent le processus naturel biologique d’absorption des nutriments par les plantes. Ils engendrent un agro écosystème dépendant des intrants, affaiblissent les plantes et rendent ces dernières moins résilientes. Des études scientifiques ont observé que l’application de fertilisants minéraux de synthèse chimique contribue au changement climatique de plusieurs façons : (i) l’énergie fossile requise et les coûts de production et de transport des fertilisants; (ii) La décomposition et la migration des composés chimiques vers l’hydrosphère et l’atmosphère (iii) la modification de la microflore du sol incluant la diminution des microbes intercepteurs du méthane; (iv) La décomposition accélérée de la matière organique du sol. (source)
À l'inverse, la présence d'engrais synthétiques décourage les plantes de puiser dans l'air le carbone dont elles ont besoin. Ce bel échange entre la racine et les microbes est rompu et la composition du sol se détériore. Le labour des champs fait des dégâts supplémentaires. Lorsque le sol perd du carbone, il devient dur et compact, et sa capacité à absorber et à retenir l'eau est considérablement affectée. Vous ne pouvez pas obtenir d'aliments riches en nutriments à partir d'un sol pauvre en nutriments (source)
La plante est un acteur essentiel d’un sol vivant. Comme tout être vivant, la santé de la plante peut s'améliorer si les conditions du milieu s'améliorent. La progression vers une meilleure santé rétablie les capacités naturelles et biologiques du système sol-plante. Pendant ce processus, la plante montre une immunité grandissante envers les pathogènes du sol et aériens, une meilleure résistance face aux insectes, une production supérieure de lipides menant à des membranes cellulaires plus fortes et des fruits plus savoureux avec une plus longue durée de vie. Une plante saine est moins susceptible aux maladies / ravageurs, a des rendements supérieurs et une meilleure qualité des graines / fruits. Elle conduit plus de sucres dans la rhizosphère, stimule plus la vie microbienne, ce qui participe au stockage du carbone et améliore la santé du sol. Les 4 niveaux de la pyramide de santé du végétal Triangle de John Kempf Dans le « Triangle de John Kempf » : Pour 1 et 2, la plante peut faire du hors sol et fabriquer sucres et protéines, mais pour 3 et 4, (lipides, vitamines et antioxydants), elle a besoin de la microbiologie du sol. Des différences de valeurs nutritives entre pratiques agricoles sont mesurables : Vitamine C, Beta Carotène, Antioxydants totaux pour la partie 4 chez fruits et racines et Omega 3 pour la partie 3 chez les légumes feuilles. Au final, on a de belles différences : de + 20% à + 70% pour vitamines et antioxydants en sols vivants avec lombrics, nourriture du sol par les feuilles/tiges et bois ramifié + lombriculture et ferments lactiques avec zéro agrochimie.
Conclusion
La régénération des écosystèmes agricoles est le bon niveau d'intervention pour cheminer vers une agriculture responsable, viable, désirable. Le paradigme repose sur les services rendus aussi bien au niveau environnemental que social. Par exemple, la santé des sols est ainsi mise au même niveau que la santé des agriculteurs et des consommateurs. La santé des sols est étroitement liée à la santé humaine. Prendre soin des organismes vivants dans le sol c'est prendre soin de nous.
Il convient d'être vigilant sur les fondements et motivations de l'agriculture régénérative dont l'ambition pourrait être réduite au seul sujet de la séquestration carbone. L'approche bio et régénérative est écosystèmique, donc au delà du carbone.
Selon l'échelle de permanence de Yeomans l'atténuation du changement climatique est un objectif long terme, prendre soin du sol est l'action a mener en premier. https://smallfarms.cornell.edu/2016/04/scale-of-permanence/

Les deux processus intellectuels centraux. Le code graphique utilisé dans cette figure est réutilisé sur la frise chronologique de la figure plus haut source
La démarche régénérative doit impliquer l’ensemble de son fonctionnement en passant par exemple par sa capacité à créer du lien dans son territoire quelque soit son niveau d’action (local, national ou international). La régénération passe aussi par la valorisation des actions de tous les partenaires impliqués dans la démarche de régénération. Les services rendus et les impacts positifs doivent être valorisés pour permettre aux agriculteurs d’obtenir une rémunération juste et durable et ainsi poursuivre le travail qu’ils réalisent quotidiennement. Ce qui est aussi vrai pour tous les autres acteurs de la chaine. On parle de services écosystémiques que les parties prenantes étendues rendent, d'échanges symbiotiques et d'équité entre les partenaires (voir : le business modele canvas de l'économie régénérative).
LES MARQUES REGENERATIVES EN FRANCE #NOUSSOMMESVIVANTS
Les produits issus de l'agriculture régénérative
Depuis 2013, l’association américaine Kiss The Ground milite pour une agriculture régénératrice et sensibilise sur l’importance des sols vivants aux USA. Le documentaire éponyme, produit par Netflix, a été diffusé sur la plateforme en octobre 2020. Il sensibilise sur les enjeux que représentent les sols et les diverses solutions existantes avec beaucoup d’éléments scientifiques sans pour autant démoraliser ni culpabiliser. Malgré une bonne audience, l’agriculture régénératrice reste peu connue du grand public.
Les pionniers sont Patagonia et Dr Bronner, rejoints par d’autres entreprises BCORP pour remonter le niveau d’ambition de la bio. Les grandes entreprises de l’agroalimentaire investissent dans l’agriculture régénératrice : General Mills, PepsiCo, Nestle Whole Foods Danone, Coca Cola, Patagonia… Suivent les géants de la mode Gucci, North Face, Eileen Fisher, Vans, Patagonia, Timberland, Stella McCartney … Sommés de réduire les gaz à effets de serre de leur approvisionnement agricole (autour de 70% de leurs émissions), les grands groupes se lancent dans le déploiement de programmes d’agriculture régénératrice avec le double enjeu de mobiliser les agriculteurs et les consommateurs.
Danone France a investi plus de 40 millions d’euros dans la transition agroécologique depuis 2016 et 60% de leurs agriculteurs partenaires français seront engagés dans la transition vers l’agriculture régénératrice d’ici fin 2023 avec un objectif de 100% en 2025. L‘entreprise a ainsi participé au renforcement de la filière de la poire Williams française via sa marque blédina avec une revalorisation de la rémunération des producteurs (+ 20% en moyenne) et la signature de contrats long terme (jusqu’à 15 ans).
En mars 2021, Nestlé a annoncé vouloir investir 1,1 milliard d'euros au cours des cinq prochaines années dans l'agriculture régénératrice dans l'agriculture régénératrice pour remettre le sol au coeur de l'activité agricole. On notera aussi des initiatives du côté du trio Unilever/Axa/Tikehau (fonds d’investissement) qui ont annoncé un fonds de soutien en mai 2022 avec un apport de 100 millions d’euros chacun au service de la régénération des terres. Plus récemment, et plus en amont, la coopérative Axéréal a annoncé un partenariat avec la jeune société Intact pour lancer, dans le Loiret, une initiative à 50 millions d’euros autour de la filière légumineuses en mettant en œuvre les pratiques de l’agriculture régénérative.
L’avenir du secteur de la mode est inextricablement lié à celui de l’agriculture avec le coton, la laine, le cuir pour le groupe Kering à la tête du Fonds Régénératif pour la Nature cofondé en janvier 2021 avec Conservation International. L'Oréal a lancé le Fonds L'Oréal pour la Régénération de la Nature. Ce fond, doté de 50 millions d'euros, a été conçu selon une approche innovante : celle d'un fonds d'investissement à impact, destiné à allier retour sur investissement et création de valeur environnementale et sociale positive. En favorisant la biodiversité, ces projets visent à capturer naturellement le CO2, atténuant ainsi les effets du changement climatique
Omie & Cie, la marque alimentaire régénérative Française vient de lever 15M€ en Série A et passe à la TV avec un spot TV qui la positionne comme solution pour préserver la biodiversité et le climat https://lnkd.in/e7Hy-5Z6 mais elle reste encore une exception.
La marque leader de la régénération au niveau international c'est Patagonia et son objectif est clair : développer des pratiques agricoles régénératives durables dans l'industrie textile et dans alimentaire avec sa marque d'épicerie Patagonia Provisions.
L'agriculture régénérative est apparue comme une évidence pour les dirigeants de Patagonia, eux-mêmes convaincus que l'agriculture régénérative n'est que la suite logique de leur engagement écologique. « Si nous tuons tous les sols, c’est fini pour nous ». Ce sont avec ces paroles qu’Yvon Chouinard, fondateur de Patagonia, pose le décor de son deuxième film WhyRO part 2 paru en juillet 2020. "Nous espérons que l'amélioration de la santé des sols aidera les agriculteurs à être plus résistants au dérèglements climatiques"
La collection « Cotton in Conversion » de Patagonia a été lancée au même moment, printemps 2020. Cette collection utilise uniquement le coton qui n’a pas encore la certification ROC provenant de producteurs qui ont pris le pari de se lancer dans l’agriculture régénérative. Une bonne façon d'impliquer les consommateurs alors que 1% du coton est Bio est en cours de certification ROC. Et surtout dans le temps. Régénérer la vitalité des sols prend du temps - 5 ans peut être 3 ans si elle était déjà en bio. (source)
Actuellement, plus de 250 fermes font partie de du programme très exigeant de Patagonia Certifié ROC. La certification ROC - Regenerative Organic Certification est pilotée depuis maintenant 2 ans par Patagonia. Phil Grave figure d’ailleurs parmi les membres du conseil de la ROC. Directeur du fonds de capital-risque de Patagonia Tin Shed, il est responsable des recettes allouées à l’agriculture régénératrice (qui s’élèvent à 75 millions de dollars) et supervise l’implication de la marque au sein de la ROC.
REGENERATIVE BRANDS Part 1 : THE CLIMATE SOIL STORY #NOUSSO…
L'économie régénérative
La finalité de l'entreprise régénérative c'est de permettre à son collectif de parties prenantes étendues de contribuer à un service écosystémique pour assister la nature dans sa capacité à se régénèrer.
Plusieurs économistes environnementaux utilisent l'économie régénérative dans leur discours. Les principes de cette approche remontent aux travaux de Bill Mollison sur la permaculture en 1978 (Mang, P., & Haggard, B., Regenesis, 2016). L’écologiste australien a modifié le modèle agricole conventionnel, en s’inspirant des relations et procédés naturels des écosystèmes. Cette agriculture dite « permanente » génère les récoltes nécessaires pour la société tout en produisant un surplus de ressources, régénérant ainsi le sol. Bill Mollison définit alors le principe de régénération comme étant : « la génération d’un surplus d’énergie et de ressources, pouvant être réinvesti afin de faire évoluer les écosystèmes naturels et humains, de façon intégrée. » (Mang, P., & Haggard, B., Regenesis, 2016). Une approche régénérative permet aux humains de co-évoluer avec les systèmes naturels qui les entourent et d’inverser les systèmes dégénératifs (Mang & Reed, 2013). (source)
John Fullerton définit la vision de l’économie actuelle comme étant une « vision mécanique des systèmes ». Maintenir un système défectueux ne fait qu’entretenir les externalités négatives. Seule une vision au-delà de la durabilité peut modifier le système actuel et éliminer les externalités. Générer du profit par l’extraction de richesses vivantes et fondamentales à la vie telles que nos terres et nos eaux n'est plus acceptable. Cette prédation doit cesser.

La vision de l'économie de prédation sur l'environnement et la société doit être inversée pour que l'économique s'inscrire dans l'environnemental et sociétal. Pour ce faire, la société doit modifier globalement ses cultures idéologiques afin d’observer les problèmes de façon holistique, en s’inspirant de la nature.
- L'économie régénérative inclue aussi bien les enjeux environnementaux que sociaux. Le schéma circulaire« Donut d’OXFAM » de Kate Raworth permet de lier les enjeux environnementaux aux problématiques sociales.
- Pour John Fullerton, il n’est pas suffisant pour une entreprise de baser sa stratégie d’affaires sur la régénération des écosystèmes il faut aussi respecter les 8 principes fondamentaux inspirés de la nature source
- Les entreprises ont besoin d’un nouveau modèle pour interpréter notre monde, un nouveau processus de conception holistique et de prise de décisions. Les 8 formes de capitaux issues de la permacomptabilité sont ce modèle. Source: Entreprise Régénérative Par Ethan Roland et Gregory Landua.
- L’entreprise régénérative devra apprendre à s’auto-limiter. « L’économie régénérative et l’entreprise régénérative se posent pour ambition d’avoir des impacts positifs nets sur les écosystèmes naturels, partage Romain Cristofini, dirigeant et fondateur de la Communauté des Leaders éclairés. Concrètement, l’entreprise va séquestrer plus de carbone qu’elle n’en extrait ou dégage par ses activités. Le fondement de cette entreprise s’appuie sur un pouvoir magique qu’a le vivant : le pouvoir de s’auto-régénérer… Elle va aussi essayer d’augmenter les revenus des populations avec qui elle est en contact. »
L’écosystème est un tout auquel l’humanité fait partie, tout comme l’économie (Capra, 2017). Les différentes sphères du développement durable doivent ainsi être observées comme un seul système, liant les différentes sphères par symbiose (Fullerton, 2015). Comme la relation de mutualisme entre le poissonclown et l’anémone le démontre, les symbioses permettent d’accroître le développement et réduisent considérablement les risques (Litsios, 2014).
L'économie régénérative va plus loin que l'économie de la fonctionnalité et l'économie circulaire qui ne régénèrent pas les écosystèmes. D’après Guilbert del Marmol (2014a), « le futur de l’économie circulaire sera vivant, reconnecté avec la nature certes ; mais avant tout, il sera humain » (comprendre : les humains ne seront plus exclus de la nature et intégrés aux écosystèmes en tant qu'êtres vivants comme les autres- The Systems View of Life, Capra et Luisi)
Mais comment allier les enjeux de justice sociale aux enjeux environnementaux, dans les limites planétaire, tout en ayant un impact net positif ?
Les recherches sur le sujet font ressortir cinq principes fondamentaux de l’ER : l’économie naturelle, la vision de la richesse, les égalités sociales, l’économie locale, puis l’économie circulaire (EC). source Un guide "Future Fit Business Benchmark" permet de cadrer la démarche ici

L'approche régénérative a pour but de développer les capacités uniques du vivant à poursuivre son évolution au bénéfice de tous les êtres vivants : humains -social et/ou environnement - nature. En effet, seuls les systèmes vivants se régénèrent. Leur résilience demande des capacités spécifiques pour entretenir leur potentiel de vitalité, de vie.
Ainsi, L'économie régénérative se base sur les principes du vivant (Hutchins & Storm, 2019)
1) Les déchets sont de la nourriture. C'est la pensée Cradle-to-cradle « déchets = nourriture
2) Formes et structures « vivantes » plus intelligentes. Pour identifier des modèles dans la nature et qui ont fait leurs preuves
3) Matériaux régénératifs. Pour recourir à des matériaux et produits qui sont régénératifs dans leur conception.
4) Design biophilique. Pour permettre aux gens de se reconnecter avec la nature en eux et autour d'eux..
5) Pensée de conception écosystémique. Pour comprendre l’impact écosystémique global des parties prenantes et forger les meilleures collaborations.
Le management des organisations de demain sera aussi construit sur un leadership régénératif grâce auquel les organisations s'épanouissent dans leur environnement. Le management régénératif vise à renforcer la santé, la vitalité et la créativité des collaborateurs en mettant l’accent sur leurs forces et leurs passions, plutôt que sur leurs faiblesses.
Les entreprises adoptent une approche centrée sur le bien-être au travail, la mise. jour des emplois et des compétences, et de l’expérience global collaborateur sous le chapeau de la qualité de vie au travail. Elle privilégie le développement de l’autonomie et de la responsabilisation pour aider leurs salariés à passer au statut de collaborateur.

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Cette approche managériale encourage les collaborateurs à développer leur potentiel et leur créativité, dans une recherche continue de réduction du stress et de l’épuisement. Le collaborateur est au centre de la stratégie d’engagement de l’entreprise. La volonté de donner du sens à son travail, d’être épanoui dans son quotidien professionnel est indispensable. Les ressources humaines concentrent leurs efforts sur le bien-être au travail, favorisant la fidélisation des talents, la motivation de leurs équipes et l’attractivité des jeunes générations. De plus en plus de sections spécialement dédiées à l’engagement des collaborateurs font leur apparition au sein des entreprises.
Consommateurs et collaborateurs ne sont plus uniquement simples destinataires. Véritablement engagés, ils contribuent désormais pleinement aux choix des entreprises. Dans le livre « Respect ! Des patrons inspirants pour un monde meilleur » publié par la maison d’édition Flammarion, Anne Génin, et Clémence Blanc recueillent 10 témoignages de chefs d’entreprises françaises. Nicolas Chabanne, fondateur de C’est qui le Patron ?!, une « Marque du Consommateur » spécialisée dans le secteur de l’agroalimentaire, a été interviewé par les deux autrices. Les producteurs de lait perdent de l’argent en vendant leur lait. L’innovation de Nicolas Chabane consiste à laisser le consommateur écrire le cahier des charges grâce à un sondage. Ce sondage a permis de définir le prix d’achat au litre à 43 centimes, le double de ce que gagnaient les producteurs à l’époque.
