
Pour être populaire l'écologie doit faire sa révolution culturelle en retrouvant ses fondamentaux. Le vivant est sur toutes les lèvres. Une note de réflexion de Jérémy Dumont.
Une révolution culturelle est nécessaire, en renfort de l'écologie politique, pour réussir à transformer la société.
La prise de conscience de la prédation sur la nature et au sein de nos sociétés ayant eu lieu, le temps de la mobilisation collective est venu (lire ma note de réflexion sur les rapports de prédation). Selon de nombreux scientifiques, il s'agit de maintenir le système Terre dans un état habitable pour tous les êtres vivants. Ce qui appelle " l’association nouvelle entre des êtres surprenants qui viennent briser la certitude confortable d’appartenir au même monde commun" comme disait Bruno Latour qui expliquait que la société n’existe pas, elle n'est qu'une somme d'individus qui ne tient pas en raison d’une superstructure. Inspirons nous de son constant pour nous réunir « rien ne se réduit à rien, rien ne se déduit de rien d’autre, tout peut s’allier à tout ».
Mais comment motiver les institutions, entreprises et particuliers à intégrer l'écologie de façon volontaire dans leurs pratiques ? Pas juste faire adopter des changements d'habitudes à la marge souvent par la contrainte et donc vite oubliés une fois la crise passée.
Si les instruments du changement de comportement sont nombreux, dans les politiques publiques, ils relèvent pour la plupart de la carotte ou du bâton. Ainsi les incitations économiques, normes et réglementations reposent sur une vision des individus comme des êtres rationnels : les gens s’engageraient dans un comportement pro-environnemental pour des raisons intéressées (parce que c’est agréable ou que cela leur fait économiser de l’argent) ou pour des raisons normatives (parce que les autres le font).
Pour les scientifiques du comportement, il est clair que la motivation intrinsèque (liée à une satisfaction personnelle qu’on peut trouver à réaliser une activité) est la plus puissante à faire basculer durablement les comportements, par opposition à une motivation plus extrinsèque (liée à la satisfaction que l’on peut avoir à obtenir une récompense provenant de l’extérieur ou aux conséquences de cette récompense pour l’image de soi et les objectifs personnels).
Pour susciter la motivation intrinsèque l'écologie ne doit donc plus apparaitre comme contraignante, une doctrine exigeant par responsabilité de renoncer aux avions, à quelques degrés de chauffage et aux sapins coupés de leurs forêts. Au contraire s'incarner dans un nouveau mode de vie, désirable que l'on adopte avec plaisir. Les « modérés verts » représentent 19 % de la population, ils sont particulièrement sensibles aux propositions relatives aux modes de consommation et à des modes de vie fondés sur la proximité, mais aussi à l’idée qu’une partie importante des décisions politiques soient prises à l’échelle locale avec la participation des citoyens. Encore loin derrière les « modernes » 29 % des Français sont en faveur de l’utopie techno-libérale qui repose pour beaucoup sur leur foi dans la science et la technologie qui va permettre le progrès et plus généralement sur la croissance économique et le pouvoir d’achat, fussent-t-ils inégalitaires d'après cette étude Obsoco. Il s'agit aussi d'oublier la décroissance qui ne sera jamais un projet collectif librement choisi et poser la quête d'une nouvelle prospérité sans croissance, c'est a dire pilotée avec d'autres indicateurs marquant les progrès en terme de qualité de vie, en intégrant la santé des écosytèmes permettant la vie. Les « décroissants radicaux » ne représentent que 4 % de la population.
Pour susciter la motivation extrinsèque, il s'agit de lever les freins de désirabilité sociale associés aux représentations que les gens ont d’un consommateur responsable. Cette étude a permis d’identifier plusieurs figures archétypales négatives du consommateur responsable. Il serait, au choix, intégriste, ermite, rabat-joie ou encore snob. L’analyse de ces différents archétypes négatifs du consommateur responsable fait émerger autant de freins à l’adoption de comportements de consommation responsable. Respectivement, nous identifions ainsi un frein d’intégration en lien avec la peur des conflits induite par une posture perçue comme trop intégriste, « jusqu’au-boutiste » ; un frein de désirabilité avec cette autre forme de marginalité associée à l’ermite et au refus de la modernité ; un frein d’hédonisme, si l’on suit le rabat-joie, incapable de tout plaisir spontané, et rationalisant toute décision de consommation. Enfin, au consommateur responsable « bobo » est associé un frein d’identification et le rejet d’une posture élitiste et condescendante. (ici)
La transition écologique, si nous voulons la mener collectivement, suppose donc de donner véritablement envie à chacun d'adopter volontairement de nouvelles façons d'être au monde, de vivre et d'habiter sur terre et l'adhésion à de nouvelles valeurs ou des valeurs plus profondément ancrées en nous pour réorienter les comportements. Elle nécessite une transformation culturelle portée par des récits et des imaginaires qui agissent sur nos représentions mentales de nous même et les représentations collectives inconscientes pour réussir à mobiliser au delà des écologistes actuellement disposés à contribuer.
Parmi les acteurs qui éclairent et influencent les imaginaires sociaux figurent le monde culturel et artistique, les marques, les médias et les influenceurs. Ils sont les plus à même de pouvoir infuser à court terme des visions revitalisantes. Mais les acteurs culturels sont parfois mal informés sur les enjeux, relayent souvent des archétypes sur l'écologie comme étant peu désirable et nous projettent systématiquement dans des futurs dystopiques. Ce qui est d'autant plus problématique que les récits écologiques sont actuellement minoritaires au sein de la production artistique globale.
J'ai pour ma part envie de voir advenir une écologie populaire qui s'infiltre dans toutes les disciplines artistiques, de la littérature à la danse. Une pensée écologiste portée sur scène par des artistes et non plus uniquement par des politiques. Une écologie qui n'est plus synonyme de lutte des classes (et des sexes) et qui nous rassemble. Une écologie qui ne vise pas un appauvrissement de nos vies mais qui préserve les conditions de vie. Pas contre la juste rémunération des producteurs mais qui porte surtout son attention sur une alimentation non seulement accessible mais saine. Une écologie qui pose la questions des arbitrages nécessaires du mieux vivre tous ensemble. Une écologie du champ à l'assiette, mais surtout dans l'assiette. Une écologie qu'on affiche avec fierté parce qu'on reprend le contrôle de son environnement pour mieux maitriser sa vie.
Une écologie du bien vivre qui parle de pouvoir d'achat et de pouvoir de vivre mais aussi de comment cuisiner. Une écologie qu'on mange, boit, porte, chante et partage tous ensemble. Dans un texte, baptisé « Le vivant ou les cendres », les cadres, élus et adhérents d’Europe Écologie-Les Verts appellent à une refondation du parti en faveur du bien vivre (Marinne Tondelier). Une écologie qui n'est plus réservé à des élites, qui arrive à conquérir tous les quartiers dont les quartiers populaires, qui dépasse ses tensions entre pouvoir d'achat et pouvoir de vivre, parce que les modes de vie qu'elle propose sont populaires. Comme dit Aurélien Taché "Expliquons aux gens qui font de l’économie circulaire, qui font attention à ce qu’ils mangent, recyclent leurs déchets qu’ils font de l’écologie"
Pour Jules Colé, il faut faire évoluer nos imaginaires pour bâtir de nouvelles sociétés viables et plus harmonieuses. Il souligne qu'il est fondamental que les nouveaux récits s’enracinent dans les territoires, notamment à travers des espaces qui incarnent et révèlent de nouveaux imaginaires permettant de se relier à soi, aux humains comme à tout le vivant. Ces espaces, qu’il s’agisse d’écovillages, de recycleries ou de jardins-forêts partagés, sont précieux car ils nous permettent de faire l’expérience de modes de vie plus vertueux. Ils montrent qu’il est possible de vivre mieux, plus sobrement et en harmonie avec le vivant, et que cela est même porteur de sens et d’épanouissement. (ici)
Le mouvement de l'écologie populaire doit renouveler son discours sur la transition
Alain Damasio nous invite à proposer un projet « polytique » à même d’articuler les enjeux environnementaux et sociaux comme l'entends Alain Damasio « Et si l’on battait le capitalisme sur le terrain du désir ? ». Pour Damasio, un « champ de désirs s’est enfin mis à bruisser aux confins des luttes sociales et écologiques. Il a un nom largement pillé et recyclé dans les machines du capital, mais on se doit d’en porter les couleurs sans se soucier des récupérations en cours. Vous l’avez deviné, c’est le vivant ».
Revenons brièvement sur l'histoire de l'écologie politique. Même si l'écologie politique s'est déployée en France avec une approche systémique, les Français réduisent encore souvent l'écologie politique à la protection de environnement. C'est en grande partie dû aux récits de la transition. Les Français retenant surtout ce qu'ils vont perdre dans les changements nécessaires et ne retenant pas les solutions pensées pour les accompagner dans ces transformations.
Si le socialisme, qui vise à améliorer le sort des populations en particulier via la redistribution des richesses et l'égalité sociale, est apparu désirable par les classes ouvrières dès son apparition au 19ème siècle avant d'obtenir l'adhésion d'autres classes sociales par la suite. Ce n'est pas le cas de l'environementalisme qui apparait lui aussi au 19ème siècle sous la forme d'un combat politique en faveur des droits de l'environnement, et parfois contre les droits humains.
Ainsi en 1864, George Perkins Marsh publie L'Homme et la Nature la première analyse systématique de l'impact destructif de l'humanité sur l'environnement, qui devient un travail de référence pour le mouvement environnementaliste. Une pierre majeure a été posée par George Sand qui a été à l’origine de la protection de la forêt de Fontainebleau. Elle a ainsi écrit, en 1872, un texte pionnier sur ce qui est aujourd'hui l'écologie, presque prophétique quant aux possibles ravages de l'Homme sur la nature. Elle annonce que la déforestation assèche la planète, elle pointe (déjà) la surexploitation des ressources, la déforestation en Amazonie... La forêt, à ses yeux, est un bien incessible, propriété de l'humanité, non de l'Etat ou des riches. Elle obtiendra gain de cause au terme de ce combat qui fait d'elle la première des écoféministes nous rappelle Patrick scheyder dans son livre.
Mais l'écologie politique ne se résume pas à la pensée environementaliste ou aux combats des droits à l'environnement. Murray Bookchin, pionnier de l'écologie politique, dans les années 1950-60 fut un des premiers penseurs à intégrer la dimension sociale et politique à la question écologique et à envisager l’écologie comme levier d’opposition au capitalisme. "Dans mon esprit, écologie a toujours signifié écologie sociale : la conviction que l’idée même de dominer la nature découle de la domination de l’humain par l’humain, que ce soit des femmes par les hommes, des jeunes par leurs aînés, d’un groupe ethnique par un autre, de la société par l’État, de l’individu par la bureaucratie, aussi bien que d’une classe économique par une autre ou d’un peuple colonisé par une puissance coloniale. Selon moi, l’écologie sociale doit commencer sa conquête de la liberté non seulement à l’usine, mais aussi au sein de la famille ; non seulement dans l’économie, mais aussi dans le psychisme ; non seulement dans les conditions matérielles de la vie, mais également dans ses conditions spirituelles."
En France, l'écologie politique a fait de René Dumont, candidat à la présidence de la République française en 1974, son premier porte-parole. Il va faire connaître la pensée écologiste en politique à la télévision dans les années 70, avec une pomme et un verre d'eau, pour leur expliquer avec des mots tout simples combien ces ressources sont précieuses et en péril. René Dumont considérait que le développement n'était pas une question d'argent (problème économique), de système social, ni de techniques (engrais, semences), mais plutôt la résultante d'un équilibre entre les trois. Il soutenait même que les relations sociales constituent les bases sur lesquelles reposent une agriculture et un développement industriel de qualité.
50 ans plus tard le discours est toujours le même, celui d'un développement dans les limites planétaires. Ainsi le mouvement pour le climat s’est coalisé autour du slogan « changeons le système, pas le climat ». Le mouvement continue ainsi de poser que le capitalisme est le principal obstacle à la résolution de la crise climatique et environnementale.
L'échec électoral de l'écologie politique au delà des classes aisées et des grandes villes est à attribuer à la difficulté des classes populaires à se saisir de l’écologie telle qu’elle se présente a eux et telle qu’elle est médiatisée par les politiques et les élus. Ainsi, la notion de « changement de système » reste parfois vague sur la manière dont les systèmes changent et en quoi l'écologie les nous impacte positivement dans notre quotidien, au delà de la préservation de l'environnement pour les générations futures.
Fin du monde et fin du mois apparaissent comme des sujets de préoccupation de deux groupes sociaux différents, sans lien. Ainsi 56% des Français sont préoccupations au sujet des hausses de températures et des catastrophes naturelles et 32% anticipent de façon négative les conséquences sur la vie quotidienne, en particulier l'alimentation, l’augmentation du coût de la vie (alimentation, assurances...) et l'obligation de changer ses habitudes. Mais ils ne sont que 14% à voir de lien entre la crise écologique et leur santé. (Etude IPSOS pour nous sommes vivants).
La prise de décision – c’est-à-dire l’évaluation des risques - est communément considérée comme deux systèmes travaillant en parallèle. L’un bosse de façon analytique, pèse le pour et le contre, les coûts et les bénéfices de telle décision. L’autre, plus instinctif, envisage le risque comme un sentiment: une réaction primitive et urgente au danger, basée sur l’expérience personnelle. Le problème du système analytique, c’est qu’il considère que le bénéfice au court terme est préférable au bénéfice à long terme (a compléter avec les analyses de Alizée Lopez-persem et Mehdi Khamassi https://lnkd.in/eRjWd6gf)
L'échec de l'écologie politique c'est de confondre l'activisme (ce contre quoi on se bat) et la politique (ce pourquoi on vote). L'écologie ne rate pas sa cible. Ils retiennent tous les alarmes écologiques sur l’imminence de la fin du monde. Ainsi « le respect de la nature et des limites de la planète» est retenu par 44 % des Français et c'est davantage le cas chez les jeunes, les élèves et étudiants en particulier (56 %) étude Obsoco.
Lire ce document ci dessous pour en savoir plus sur les imaginaires de l'écologie.
Les solutions ne sont audibles que par ceux qui ont déjà le sentiment de pouvoir faire quelque chose de socialement sensé. Le vote est fonction de la capacité d'agir. L'écologie restant au stade de grands principes qui ne se concrétisent pas dans le quotidien des Français échoue ainsi à mobiliser le plus grand nombre.
Les jeunes par exemple devraient pouvoir ressentir non seulement une efficacité personnelle (liée à l’action), mais également un pouvoir agir (qui est lié aux deux formes de libertés : de bien-être et d’opportunités ainsi que de processus et de réalisation). Si d'un coté 2/3 des jeunes de 18 à 30 ans (65%) se disent prêts à renoncer à postuler dans une entreprise qui ne prendrait pas suffisamment en compte les enjeux environnementaux (Harris interactive pour réveil écologique). De l'autre la transition écologique (en particulier les énergétique) va créer 1 million d'emplois en particulier dans les énergie renouvelables. Mais la France est en retard sur le déploiement des énergies renouvelables électriques. (baromètre Observ’ER - Ademe).
Les travaux d’Elke Weber montrent que nous avons un quota d’inquiétudes au-delà duquel on interchange les problèmes. Nous sommes incapables de maintenir notre peur du changement climatique lorsque d’autres problèmes surviennent comme l’effondrement des marchés, une urgence personnelle, … Ajoutez à cela l’incapacité du système politique à miser sur le long terme, la tendance du journalisme scientifique à se concentrer sur ce qui est incertain plutôt que sur ce qui est sûr et flippant, et vous obtenez un cocktail détonnant d’attentisme.
Les Français sont disposés à changer motivés par ” le sens des responsabilités de chacun et le respect de l’intérêt général” (40%). De façon générale, la tendance est à consommer moins : 26% Limiter ses dépenses à l'essentiel pour consommer moins et 23% Privilégier les produits de seconde main, plutôt que d’acheter du neuf. Les chiffres sont peut être décevants mais le premier geste écologiste c'est de recycler et ils ne sont que 40% recycler régulièrement.
De leur point de vue, les freins majeurs aux changements de comportements sont de la responsabilité des entreprises : 34% des Français estiment que « des alternatives de consommation écologiques accessibles à tous sont le plus susceptibles de faire évoluer durablement les comportements. Ce qui est le plus susceptible de faire évoluer durablement les comportements humains c'est une meilleure connaissance de l’environnement et des enjeux climatiques (43%). En creusant leurs attentes en matière d'éducation ils attendent surtout d’être accompagnés dans l'évolution de leurs comportements dans 6 domaines de la vie quotidienne. (Etude IPSOS pour nous sommes vivants).
La sortie du capitalisme et la décroissance ne seront jamais un projet collectif librement choisi. Il s'agit de proposer une nouvelle prospérité sans croissance, c'est a dire pilotées avec d'autres indicateurs marquant les progrès. Et de montrer comment l’écologie peut dénouer très concrètement la vie des gens. Bref, innover pour proposer des alternatives aux collaborateurs comme aux consommateurs.
Pour renouveler son discours sur la transition écologique le mouvement de l'écologie populaire doit parler de bascule culturelle et changement de modèle mentaux. La transition vers un objectif bien ou mal définit crée de l'anxiété, on sait ce qu'on quitte mais pas ce qu'on va trouver. Il s'agit donc d'inciter chacun à faire des petits pas et d'expérimenter avant de basculer. Les leviers du changement de modèles mentaux sont le décentrage : vers les autres, dans le temps, dans l'espace. Lire mon rapport sur la transformation des modèles mentaux pour mobiliser collectivement (ici).
L'écologie populaire comme philosophie de vie
Dérèglement climatique, la destruction du vivant, les perspectives de pénuries atteignent de tels niveaux que l’on perd de vue ce que pourrait être le bien vivre, perçu comme un confort indécent au moment de faire des efforts de sobriété. Il n’y a pas à « sauver » le climat, il ne craint rien : ce sont les vivants qui doivent être protégés des dérèglements du climat, humains compris, puisque nous sommes interdépendants.
Être conscient d’être vivant parmi les vivants c’est prendre conscience que l’habitabilité du monde est rendue possible par des soins portés à la continuité de l’ensemble des êtres vivants qui engendre le monde. Gloser sur l’importance du vivant comme soutien de notre propre existence n’est pas suffisant. Il est urgent de renouer avec le sens profond de l'écologie. L'écologie porte aussi bien sur les écosystèmes sociaux, urbains, familiaux que ceux de la biosphère. Comprendre ce qui nous lie au territoire, aux autres humains et non humains nous met en capacité non pas seulement de lutter "contre les effets dévastateurs" mais nous mobiliser "pour une vie meilleure".
La pensée écologique remonte bien plus loin qu’on ne l’imagine. Certains diront depuis que les humains sont devenus des chasseurs cueilleurs, d'autres depuis qu'ils ont commencé à cultiver les champs et élever du bétail, bref depuis que nous avons besoin de comprendre la nature et le vivant.
Mais l’affaire semble entendue autrement pour les historiens des sciences : le terme « écologie » désigne une science. C'est une discipline de la biologie qui étudie les interactions entre les organismes et leur environnement. Pour être exact, elle a pour objet l'étude des relations des êtres vivants entre eux au sein de leur habitat et donc aussi en interaction avec l’environnement dans son ensemble. Le tout formant différents écosystèmes, au sein desquelles les échanges d'énergie, de matière et d'information permettent le maintien et le développement de la vie. La notion d'écosystème est inclusive des activités humaines soit comme agents écosystémiques ou comme formant un écosystème à part.
Et s’il est une prémisse de cette pensée scientifique au XIXe siècle, elle se trouve à n’en pas douter dans "L’Origine des espèces" de Darwin et dans cette économie de la nature, pensée fondatrice de l’écologie qui entérine l’interdépendance des êtres vivants et l’évolution des espèces dans le temps long au gré de l’hérédité et des conditions de vie.
L’expression «économie de la nature» a surgi dans le vocabulaire des sciences au XVIIIe siècle bien avant que le néologisme «écologie» ne s’impose à nous, plus d’un siècle et demi plus tard. Chez Carl von Linné, Gilbert White ou Charles Darwin, l’économie de la nature désigne l’organisation des relations entre les espèces au vu du climat, du territoire et de leur évolution. Cette économie pense l’imbrication des espèces, y compris les êtres humains, dans un réseau d’interactions incommensurables et impondérables.
Vers les années 1880, le biologiste Patrick Geddes, Patrick Geddes est le premier à avoir mis en évidence la nécessité de préserver autour des villes des ceintures vertes, à la fois maraîchères et d’agrément, notion qui va considérablement influencer le mouvement des cités-jardins fondé par Ebenezer Howard, préconisant entre autres de limiter la taille des villes afin de maintenir des échanges vivants entre la cité, les terres agricoles et les espaces naturels alentour.
Aldo Leopold (1887-1948) est la grande figure de l’écologie américaine qui amena la préservation d’espaces de « nature sauvage » (wilderness). Aldo Leopold est considéré comme l’un des pères de la gestion de la protection de l’environnement aux États-Unis. Leopold contribue à l’obtention de la gestion de Gila en tant qu’espace naturel, grâce à quoi, la forêt nationale de Gila devient en 1924 le premier espace naturel officialisé par le gouvernement américain. On considère souvent la création de la forêt nationale de Gila et de l’espace naturel Aldo Leopold comme ayant été à l’origine du mouvement moderne de conservation des espaces naturels aux États-Unis.
L’idée, sans doute, n’était pas complètement neuve, et le souci qui l’inspirait n’était pas inédit. On peut faire remonter au xixe siècle une attention portée à la nature qui est inséparable des transformations rapides de l’environnement consécutives à l’industrialisation. Ce sont les sociétés industrielles, et elles seules, qui ont formulé et donné sens à un projet de protection de la nature, destiné à mettre des espaces à l’abri du développement économique et industriel. Le 1er mars 1872 est établi, aux États-Unis, le premier parc national, le Yellowstone, alors qu’en France, à partir de 1853, les « séries artistiques » de Fontainebleau font l’objet de mesures de protection. Les éthiques environnementales. Catherine Larrère
En 1973, un philosophe australien, Richard Routley (qui allait ensuite se faire appeler Richard Sylvan), présentait, à un congrès international de philosophie à Sofia, en Bulgarie, une communication qui allait renouveler la réflexion morale en faisant entrer la nature dans le domaine de la moralité. L’idée était qu’il y a de bonnes et de mauvaises façons de se conduire dans la nature, que nos rapports avec celle-ci ont d’autres limites que celles de notre puissance technique, que nous avons à son égard des devoirs, qu’elle a peut-être des droits, que la nature, donc, a une valeur morale (Routley, 1973). Sa démarche repose sur une conversion de l'attention, pour trouver les voies de l'attention aux êtres vivants, humains ou autres. Attention que l'on retrouve de nos jours avec par exemple l'historienne Marielle Macé qui publie en 2019 "Nos Cabanes", où elle demande un élargissement du politique « aux bêtes, aux fleuves, aux landes, aux océans, qui peuvent eux aussi porter plainte, se faire entendre, donner leurs idées ».
Ainsi, quelle place l’humain occupe / doit occuper dans la nature ? La plus part des approches reconnaissent une valeur en soi aux êtres vivants autres que l'homme, excluant les humains ou les intégrant de façon holiste à un tout. Il n’est pas seulement question de l’émerveillement béat mais bien de l’implication de l’homme dans son environnement. Les propos de Jean Giono (1895-1970) sont prophétiques « L’homme doit accepter sa condition d’homme s’il ne veut pas courir à sa perte, et sa condition est humble : il fait partie du tout, auquel il lui faut contribuer à la juste échelle, et non avec la démesure absurde dans laquelle il s’est engagé. ». Giono se révèle écologiste avant l’heure.
Apparue dans les années 1970, l’écologie profonde (deep ecology) vise à transformer le rapport de l’homme à la nature, à lui donner accès à une relation profonde avec elle, au-delà d’une simple réparation et de la limitation des dégâts écologiques. Elle cherche à dépasser les deux autres grands courants autour desquels s’est construite la conscience écologique contemporaine : la préservation d’espaces de « nature sauvage » (wilderness), avec la naissance des parcs nationaux, tant aux États-Unis à partir des années 1870 qu’en Europe à partir des années 1910, et la lutte contre les graves dommages écologiques provoqués par les produits chimiques à partir des années 1950-1970, notamment à la suite de la dénonciation des effets des pesticides par la biologiste américaine Rachel Carson.
L’écosophie est un concept forgé par le philosophe Arne Næss à l'université d'Oslo en 1960, au début du mouvement de l'écologie dite « écologie profonde », qui invite à un renversement de la perspective anthropocentriste : « L’homme ne se situe pas au sommet de la hiérarchie du vivant, mais s’inscrit au contraire dans l’écosphère comme une partie qui s’insère dans le tout. » — Arne Næss, Écologie, communauté et style de vie.
La philosophie de la vie, l’attitude existentielle fondamentale de Næss est son « écosophie T ». Le « T » étant l’initiale de Tvergastein, la cabane-refuge qu’il a fait construire en Norvège et dans laquelle il a passé environ dix années, souvent en alternance avec ses cours à l’université. La spiritualité de Næss, marquée par sa pratique de la montagne, est celle d’un Soi (avec un « s » majuscule) se réalisant : un processus d’ouverture jamais achevé du moi à l’ensemble de l’écosphère. Ce mouvement d’ouverture passe par l’apprentissage de la vie sociale, de la mise en relation de ses désirs avec ceux d’autrui, par le développement de la capacité à comprendre autrui jusqu’à se comprendre soi-même comme faisant partie de l’aventure de la vie, de la biosphère, de l’écosphère. Écologie profonde : une nouvelle spiritualité ? Eric Charmetant
Arne Næss, pose des principes pour « une exubérance de la nature qui soit écologiquement éthique et responsable ». Source
- Respect pour toute vie. Respect pour les paysages. Elimination du plaisir de chasse sauf gestion économique justifiée de la vie sauvage. Passer dans la vie sauvage sans traces.
- Eduquer en plein air aux signes de l'identification avec la vie.
- Contrainte minimum à l'encontre de la nature et autonomie maximum.
- Style de vie naturel.
- Temps d'ajustement. L'ordinaire du citoyen est assez souvent une vie stressante et agressive, savoir (pour ne pas renoncer ?) qu'une transformation en profondeur dans nos esprits vers la nature, ne se fait pas en cinq minutes.
Le philosophe et psychanalyste français Félix Guattari développe la notion d'« écosophie » dans son ouvrage "Les Trois Écologies" : l'écologie environnementale pour les rapports à la nature et à l'environnement, l'écologie sociale pour les rapports aux réalités économiques et sociales, l'écologie mentale pour les rapports à la psyché, la question de la production de la subjectivité humaine.
L’idée principale de l'écologie mentale c'est qu’à côté de l’écologie environnementale et de l’écologie sociale, existe une écologie mentale qui concerne la psyché, les imaginaires, les subjectivités. On peut retrouver là l’idée, présente chez beaucoup de penseurs écologistes, qu’il faut s’intéresser aux changements mentaux – imaginaires, subjectivités, problématiques… – qui ont conduit au rapport prédateur des sociétés humaines à la nature; quels changements mentaux il serait nécessaire d’opérer pour qu’il en soit autrement (pour obtenir une convivialité, un nouvel habiter ensemble pour reprendre les termes d’André Dumas) mais aussi comment nos mentaux (imaginaires, subjectivités, problématiques) et plus profondément nos psychés ou fantasmes sont aussi victimes (comme les rapports sociaux et la nature) d’une attitude prédatrice du productivisme et du capitalisme. "L’écologie mentale: subjectivation et conversion" Stéphane Lavignotte
Dans son prolongement, Joana Macy invite non seulement à cesser de refouler les douleurs que nous ressentons pour le monde mais propose des rituels "avec le travail qui relie" pour se transformer soi-même en lien avec les transformations nécessaires du monde. Autre signe de cette place grandissante de l’écologie mentale, l’apparition du terme d’éco-anxiété et de celui de solastalgie, qui désigne une forme de détresse psychique ou existentielle causée par les changements environnementaux, inventé en 2003 par le philosophe australien de l’environnement Glenn Albrecht.
Ci dessous un rapport sur les facteurs de changement / non changement de comportements : les émotions, biais, représentations, croyances....
Une bascule culturelle, sous forme de renversement de la perspective anthropocentriste
Tandis que l'environnementalisme repose sur le paradigme de la satisfaction des besoins humains comme finalité (anthropocentrisme), l’écologie profonde réinscrit les finalités humaines dans une perspective plus large, celle du vivant afin de prendre en compte les besoins de l’ensemble de la biosphère, notamment des espèces avec lesquelles la lignée humaine coévolue depuis des milliers d’années.
Ce qui est en jeu pour nourrir de nouveaux imaginaires désirables c'est de dépasser l’Anthropocène pour reformer des liens entre êtres vivants sur terre, sans exclure les humains. Entendons nous bien, il s'agit bien de prendre conscience de notre vision du monde autocentrée selon laquelle l’humain est l'entité la plus significative sur terre, et d'accueillir les émotions fortes que peut provoquer la pleine conscience de notre impact irrémédiable et dévastateur sur le climat et le vivant. Mais l'antropocène, réduit les activités humaines à leurs impacts négatifs sur le climat ou les espèces animales ce qui ne nous permet pas en tant qu'espèce d'améliorer les condition des vies des générations futures et d'améliorer l'habitabilité de la terre (au delà de la réduction de nos impacts négatifs).
Il s'agit d'ouvrir une nouvelle aire des être vivants sur terre pour donner de l'air à nos imaginaires. Les deux courants principaux des éthiques non-anthropocentriques sont rassemblées sous les termes de biocentrisme et d’écocentrisme (L’EXTINCTION D'ESPÈCE Histoire d'un concept & enjeux éthiques Julien Delord).
Le biocentrisme, Le biocentrisme est une théorie morale, du courant de l'éthique environnementale, qui affirme que tout être vivant mérite le respect moral. D'après Paul Taylor, tout être vivant est un "centre téléologique de vie", les organismes vivants ont leur finalité, ils possèdent un bien qui leur est propre, l’accomplissement de leurs fonctions biologiques, qu’ils poursuivent par leurs propres moyens. Selon l’égalitarisme biocentrique, tous les êtres vivants ont la même valeur, et cette valeur nous impose le respect. Cette théorie va se traduire essentiellement par des interdictions. Philosophie de la biodiversité de Virginie Maris. En faisant de l'homme le destinataire d'une injonction morale : le respect de la nature, il entend l’altérité comme une extériorité et perpétue la logique dualiste nature/culture qui fonde l’anthropologie depuis le xix eme siècle. La défense des « intérêts moraux » des êtres sensibles de Palmer, restent, en dépit des intentions altruistes de leurs auteurs, « anthropocentrées ». Notre manière même de concevoir l’ordre, en général et dans la nature, est humaine, tout comme nos façons de raisonner, de modéliser et de théoriser, nos langages et nos langues dites « naturelles ».
L’écocentrisme met l’accent sur l’interconnexion des formes de vie au sein d’un tout complexe et harmonieux. Contrairement a l'anthropocentrisme et biocentrisme qui sont individualistes, c'est une approche holiste. La prise de conscience des écosystèmes a beaucoup progressé depuis James Lovelock, d'après l'auteur de "La Terre est un être vivant - L’hypothèse Gaïa " (1993). En effet, un écosystème est un ensemble d'être vivants qui vivent au sein d'un milieu. Il est détruit lorsque la dégradation ou le dommage supprime toute vie. Ce sont les vivants qui fabriquent leurs propres conditions d’existence. Ainsi, l'atmosphère n’est pas donnée mais produite par tous les êtres qui peuplent la Terre. Les entités “naturelles” aussi bien que les entités anthropogènes sont inclues dans l'analyse des écosystèmes d'après le botaniste anglais A.G. Tansley à l'origine du concept d’écosystème en 1935. Dans cette perspective, l’étude des écosystèmes est confrontée à deux défis majeurs. Le premier est celui du choix des échelles de temps et d’espace (et des relations entre ces échelles) pour faire face aux transformations en cours à l’échelle de la biosphère. Le second est celui de l’articulation entre la science des écosystèmes et d’autres sciences, notamment concernant les êtres humains, pour imaginer des solutions aux problèmes posés par ces transformations. Norton se positionne en fervent anti-écocentrique : le holisme moniste de l’écocentrisme conduirait à ne valoriser les individus humains que dans la mesure où ceux-ci contribueraient au fonctionnement harmonieux de l’écosystème.
Comment nous situer dans le monde, dans un contexte dont nous faisons partie, mais au centre duquel nous ne sommes pas nécessairement situés, et où nous découvrons la multiplicité des réseaux d’interdépendance qui lient humains et non-humains ? Le terme de « vivant » est inclusif et englobant. Il permet de rompre avec « l’environnement », « le sauvage » ou « la nature » dont l’usage suppose une extériorité de l’homme par rapport à son écosystème.
Pour beaucoup, il serait également moins anthropocentrique que le terme de « non-humains » – qui suppose à nouveau une séparation entre deux entités. Penser avec cette idée de « vivant » n’oppose plus nature et culture, puisque la culture est une manifestation du vivant dans l’humain, une faculté façonnée par l’évolution du vivant. Ce concept permet, par la force de la langue elle-même, de ne plus opposer humain et nature, puisque par définition, nous en sommes, des « vivants », nous sommes embarqués avec tout le vivant pensé comme aventure biotique, nous sommes tramés aux vivants d’un point de vue écologique. C’est pourquoi il est en train de prendre de l’ampleur dans le monde des idées. Berthomeau
« Vivant » permet de sortir du dualisme entre la nature et la culture. Pour les lecteurs de l’anthropologue Philippe Descola et du philosophe Bruno Latour, c’est désormais un acquis : nous sommes sortis du grand partage entre l’homme et le monde. La nature n’est plus un décor, un réservoir de richesses, une aire de repos ou un terrain de jeu. Avec ces nouvelles ontologies qui ne séparent plus la nature de la culture, les « non-humains » (plantes, animaux, fleuves, etc.) ne sont plus des choses ou des objets, mais des êtres qui importent, et doivent être mieux pris en compte par le politique, comme par le droit.
La question du vivant conduit à la remise en cause de notre architecture mentale dans tous les domaines, la politique, les sciences, la culture, les affectes, l’économie, l’organisation sociale, la métaphysique. S’il faut résumer, ce bouleversement de notre pensée est que nous avons (re)pris conscience que nous sommes vivants parmi les vivants. Ce travail est d’ordre culturel au sens qu’il s’agit de refonder un mode d’être au monde.
Explorer les imaginaires pour repenser notre rapport à soi, aux autres et au vivant, c'est l'objet de cette fresque des imaginaires en cours de conception.

Le VIVANT pour Baptiste Morizot, c'est un concept, donc une carte pour s’orienter, qui met la focale sur ces entités du monde qui sont concernées par leur existence, l’ensemble des vivants de la biosphère. « La crise écologique actuelle est une crise de nos relations au vivant », assure Baptiste Morizot, qui a donné à cette notion son actuelle dimension. « C’est un concept qui met l’accent sur nos interdépendances, et qui permet de travailler pour le bénéfice de nos relations avec les écosystèmes, sans opposer a priori et toujours les intérêts des humains et ceux de la “nature” », poursuit-il dans un entretien au Monde dont des extraits sont repris ci dessous.
"Ce concept ne sert pas à écarter ou rabaisser l’humain, au contraire, il sert à le penser de manière plus juste, et donc à le défendre mieux. Les mots « biodiversité » ou « environnement » ne nous incluent pas : ce sont des concepts qui réactivent l’extériorité fondatrice de l’humain envers son propre tissage. par sa prise conscience du vivant, il se rend capable de saisir le « tissu » du vivant dans ses interdépendances, et le « fleuve » du vivant dans sa continuité depuis l’apparition de la vie sur Terre. Or ce sont ce tissage et ces dynamiques qui rendent la Terre habitable pour nous et pour les autres, et on comprend par là que ce sont elles qu’il faut défendre, et dont il faut prendre soin, et pas seulement de chaque espèce séparée comme si elle était posée là sur un décor".
"Nous n’avons pas de culture du vivant. C’est elle qu’il nous faut vivifier et inventer aujourd’hui pour lui donner de l'importance dans l’espace collectif. Une forêt férale, un essaim d’abeilles, un balbuzard migrateur au-dessus de Paris, la faune cosmopolite des sols agricoles, et les phytoplanctons des océans : créer une culture du vivant, c’est faire exister tout ce monde dans le champ de notre attention collective, en reconnaissant qu’ils habitent le monde et le rendent habitable. Pour cela, il s’agit de pluridimensionnaliser ce qu’on sait d’eux, comprendre que ce sont des manières d’être vivant, qu’ils incarnent une inventivité extraordinaire, c’est-à-dire que la forme de chaque feuille est le produit d’une invention inégalable de sa lignée. Que tout est du comportement dans le vivant. Et s’il y a comportement, il y a un être, il y a un point de vue sur le monde : une plante sauvage a une perspective sur le monde, elle a son point de vue. Elle le revendique en vivant. Tous ceux qui ont lu Le Champignon de la fin du monde d’Anna Tsing, ont pénétré le temps d’un livre dans un monde où existe et palpite une culture du champignon, non pas au sens gastronomique faible, mais au sens d’un autre monde, dans lequel les relations entre humains et champignons sont tout aussi décisives sur la fabrique de nos existences que l’économie et la géopolitique. Pour ceux qui ont vu le documentaire Le Temps des forêts de François-Xavier Drouet, émerge et se balbutie quelque chose comme une culture de la forêt ; quelque chose comme un œil pour la distinguer d’une plantation de pin des Landes, quelque chose comme une boussole éthique pour déterminer quand on a des égards ajustés envers elle, et quand on n’en a pas, et une pluralité de relations possibles. Un monde dans lequel une forêt, ça existe, ça compte, c’est important, et c’est relié à nous par mille chemins qui eux aussi importent. C’est cela, une culture du vivant".
L’emploi de ce concept nous offre « un nouveau regard sur le monde, auquel nous appartenons aussi », témoigne Laurent Tillon, biologiste et ingénieur forestier à l’Office national des forêts qui, dans Etre un chêne raconte comment les arbres ont une histoire, à travers celle de « Quercus », un chêne sessile âgé de 240 ans qu’il connaît depuis l’adolescence : « Avec le terme vivant, on se sent appartenir à une même communauté. Quand je visite Quercus, je suis autant présent que n’importe quel autre vivant que je côtoie : mon arbre Quercus, le hêtre voisin, le pic dans l’arbre d’à côté, la mésange qui vient par curiosité, et le chevreuil qui s’interroge depuis quelque temps de ma présence si tôt en forêt en ce moment ».
La régénération dans les institutions et entreprises
C'est la raison d'être du collectif Nous Sommes Vivants qui porte l'écologie dans les entreprises via l'innovation & la transformation dont voici le manifeste et qui compte prêt de 300 membres (innovation : désigners et transformation : coachs et consultants en accompagnement au changement).
« Vivant » s’oppose à la mort, Dans l’insistance sur le vivant, « il y a une impulsion, sinon une pulsion de vie opposée à la pulsion de mort qui abîme les psychismes (écopsychologique), épuise les ressources humaines (burn-out) et naturelles (extractivisme), dans le mouvement morbide du nécrocapitalisme », analyse le philosophe PIERRON Jean-Philippe.
Si mesurer et s'alarmer sur la dégradation des écosystèmes est important, il apparait aussi nécessaire de porter notre attention sur la régénération comme faculté d'un écosystème à se reconstituer. Une régénération qui peut être assistée par des humains cherchant aussi à impacter positivement leur vie et la vie de ceux dans leur environnement proche, que les écosystèmes dans leur globalité.
La force du vivant réside dans sa capacité de régénération: sa faculté de reconstituer par lui-même ses tissus et ses chairs abîmés. Cette capacité de régénération n’est cependant pas sans limite. Elle s’inscrit dans le respect du temps, de la spécificité et des besoins du vivant. Elle nécessite de prendre soin de l’environnement comme de notre santé.
La régénération porte en elle la réparation, la force inhérente de la vie et la possibilité d’imaginer l’avenir. Régénérer c’est restaurer, c’est renaître, c’est réinventer.
La régénération pour les entreprises c'est un nouveau modèle basé sur l'intégration des dimensions de l'écologie et des parties prenantes afin de générer de la valeur partagée en créant plus de valeur économique, sociale et environnementale que sans intégration.

En savoir plus
Économies circulaire, symbiotique, solidaire, sociale… Les modèles économiques émergents ont pour particularité de se définir par opposition à une caractéristique négative de l’économie dominante. Ainsi, l’économie circulaire se comprend assez naturellement comme une alternative à une économie linéaire, fondée sur l’extraction de ressources non renouvelables et leur transformation irrémédiable en déchets. L’économie symbiotique propose quant à elle de sortir du rapport parasitaire que l’économie moderne entretient avec la nature. L’économie sociale et solidaire chercherait de son côté à remettre l’humain au cœur du processus économique, pour en faire une finalité première par rapport aux profits financiers. Aurélien BOUTAUD Environnementaliste, consultant-chercheur indépendant
À ce petit jeu des oppositions, l’économie régénérative peut alors se comprendre de prime abord comme un modèle économique qui viserait à lutter contre l’usure, la détérioration ou, plus encore, l’épuisement. Celui de la nature et des ressources naturelles, bien entendu. Mais peut-être aussi l’épuisement des humains, desquels l’économie réclame sans cesse davantage de productivité.
L’économie régénératrice vient inverser le modèle classique de l’homme qui domine la nature en exploitant les ressources naturelles, vers un modèle qui non seulement fonctionne “avec” la nature mais qui va s’attacher à lui rendre plus qu’elle ne lui prend. Thomas Busuttil – Fondateur d’Imagin/able. Replay des travaux d’Imagin/able et Nous Sommes Vivants Elle se distingue de l'économie circulaire par ce qu’on appelle des « externalités positives » : une meilleure qualité de l’eau ou des sols, la protection de la santé des agriculteurs, ... (ici).
L'entreprise pionnière de l'économie régénératrice toujours d'après Thomas Busuttil –c’est Interface, leader mondial des dalles de moquette, produits par nature très polluants car fabriqués via la pétrochimie. Ayant pris conscience des conséquences majeures de son activité sur l’environnement, Ray Anderson, le fondateur visionnaire d’Interface, a lancé dès 1996 sa stratégie “Mission Zéro” avec l’ambition, assez folle à l’époque, de neutraliser l’ensemble de ses impacts d’ici 2020. Ayant quasiment réussi son pari, Interface a revu son ambition pour devenir l’une des toutes premières entreprises régénératrices via sa nouvelle stratégie “Climate Take Back”. Dans ses premiers résultats, on peut citer la conception d’un système de production de moquette qui capte plus de carbone qu’il n’en émet (d’où son nom “Love Carbone”) et le lancement d’un programme pilote “Factory As A Forest” (l’usine comme une forêt) qui va permettre à cette future usine de fonctionner de manière totalement écosystémique en rendant des services à la nature en même temps qu’elle produira de la moquette.
L'entreprise régénératrice est similaire à la permaentreprise qui respecte conjointement 3 principes éthiques, inspirés de la permaculture : Prendre soin des humains, Préserver la planète Se fixer des limites et partager les richesses. Et qui utilise comme bousole les 12 principes du vivant https://www.permaentreprise.fr L'entreprise pionnière étant Norsys dirigée par Sylvain Breuzard et un jour son fils Thomas Breuzard.
Avec la régénération en perspective, les villes peuvent aussi être le théâtre de renaissances spectaculaires. À Tottenville, près de New York, des gens motivés comme Linda Cutler Hauck ont remis en mouvement les habitants. Elle s’appuie sur le think tank américain Capital Institute, fondé en 2010 par John Fullerton, qui promeut le capitalisme régénératif. https://www.regeneratingtottenville.org/
Autre exemple, Sols Vivants est un programme conduit à l’échelle des territoires qui vise à développer la fertilité naturelle des sols en partenariat avec les agriculteurs et les filières dans les territoires. Un sol fertile apporte aux plantes, non seulement, tout ce dont elles ont besoin pour se développer et améliorer la productivité des cultures, il joue aussi un rôle déterminant pour le cycle de l’eau, la biodiversité. Aussi, le sol agit comme un véritable puits de carbone, remplissant un rôle de régulateur climatique en captant le CO2 de l’atmosphère.https://www.solsvivants.org/
En mai 2019, le réseau ReGenFriends qui rassemble les marques qui s’engagent à préserver la biosphère, publiait une étude dont les résultats laissent songeur : huit consommateurs américains sur dix préfèrent les marques « régénératrices » aux marques « durables » (The Emerging ReGen Customers, ReGenFriends, 2019). Le cofondateur de ReGenFriends, Nils-Michael Langenborg, tentait d’expliquer le phénomène : « Les jeunes veulent que les entreprises aillent bien au-delà du développement durable. Ils trouvent le terme "durable" trop "passif" ». Des adeptes de la permaécologie aux fans de biomimetisme, ils sont aujourd’hui nombreux à s’inscrire dans cette nouvelle manière de produire. (ADN)
L'économie régénératrice est donc une piste d'avenir.
C'est un changement de modèle mental : la régénération s'oppose à la dégénération.

Source https://squalean.fr/lentreprise-regenerative/?cn-reloaded=1
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Nous nous rassemblons dans un archipel d'où nous bâtissons le monde de demain en harmonie avec le vivant.
Le vrai progrès c'est prospérer ensemble. Ce qui demande un changement de modèle mental.
La transition écologique sera réussie quand les entreprises se relieront dans des coalitions de parties prenantes agissant dans le sens du bien commun. C’est à dire au sein d'une économie, société et d'une nature prospères.
Nous sommes optimistes et audacieux. Nous essayons. Échouons. Réussissons.
Nous laisserons une trace positive de notre passage sur cette terre.

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