
Le sexe a toujours fait vendre, mais il semble qu'il opère un changement de visage dans nos sociétés occidentales. Il est à la fois de plus en plus exploité par les courants mainstream, et notamment par les marques, mais également révélateur d'une nouvelle féminité.
Une des icônes de la jeune génération est une ex-porn star. Clara Morgane, 25 ans, est depuis quelques années une habituée des plateaux de télévision. Ni déjantée ni trash, mais totalement réfléchie, Clara Morgane se pose en vraie femme d'affaire : ligne de lingerie, logos et sonneries pour portables (record de téléchargements d'images sur téléphone portable: jusqu'à 10 000 par jour) et partenariats records (Maximal, dont elle est l'ambassadrice, a ainsi augmenté ses ventes de 23 % entre 2002 et 2004). Un vrai business qui ne fait que commencer.
Nous assistons peut-être à un tournant lorsqu'une ligne de vêtements encore inconnue (Shaï Wear) utilise les codes du porno pour faire sa promo. La marque vient de lancer un catalogue vidéo interactif assez novateur et pour le moins original avec l'aide de Marc Dorcel, le célèbre réalisateur de films pour adultes. Au final, un catalogue interactif interdit aux mineurs sous forme de 3 vidéos X mais chics (hommes-hommes, hommes-femmes, femmes-femmes) à télécharger au format vidéo ou iPod, dans lequel les modèles s'effeuillent en s'activant avec leur partenaire. L'originalité est que l'internaute peut cliquer sur chaque vêtement enlevé et obtenir son prix ou des informations à son sujet pendant l'action. Un coup marketing unique au monde et assez osé qui devrait, en tout cas, permettre à la marque de sortir de l'anonymat.
Mais au-delà du sex-business, il semble que tout ce bouillonnement sexy traduise un retour en grâce de la figure de l'amazone.
Sur l'inévitable myspace.com, parangon de la hype et détenteur des nouvelles tendances, les espaces qui fonctionnent le mieux sont sans doute ceux où la chair est la plus présente, toujours sur le même modèle: nymphettes punk goth, poses artistiques, attitude résolument rock, tatouages et piercings de rigueur.
Les Suicide Girls est un phénomène online convoité par toutes les grandes marques de sportwear et que s'arrachent pour leurs clips des stars comme Dave Grohl, Courtney Love ou l'un de leurs parrains l'ex-Red Hot Chili Pepper, Dave Navarro. Réunies dans la SG Army, plus de 200 filles américaines, australiennes, russes et même françaises choisissent elles-mêmes la façon dont elles se présentent sur le site. Chaque semaine, elles sont plus de 300 à poser leur candidature pour tenir leur journal et chatter en direct avec les internautes. Une des SG les plus connues est la française Petite Etoile, qui développe sa propre communauté et sa ligne de fringues.
500 000 internautes connectés et 24 millions de pages visitées chaque semaine : en deux ans d'existence, les Suicide Girls sont devenues les pin-up de la génération alternative. Pour beaucoup de filles hors-normes c'est une façon de s'afficher sans complexe. (NB : les SG sont déjà parodiées sur myspace par les « Suicide Groupes Moches », qui imitent les codes des SG sur leur page myspace. Ca vaut le détour ).
Mais au-delà, il semble que nos sociétés occidentales soient de plus en plus parsemées des « figures de l'excès ». Pour le sociologue Olivier Sirost, il est clair qu'elles ingèrent des « symboles de régénération des imaginaires sociaux, ceux mêmes qui prônent l'intensité de la dépense, le dépassement des limites physiologiques et psychiques ».
Nous sommes très certainement entrés dans une nouvelle ère et une nouvelle sexualité, beaucoup plus assumée et libre, qui traduit une vraie volonté de jouissance et d'exposition de son intimité.
thomas jamet