A partir de 1890 les Français défilent dans les rues en portant à leur boutonnière un triangle rouge qui symbolise la division de la journée en trois parties : le sommeil, le travail et les loisirs. Aujourd’hui, c’est le travail comme lien social mais aussi comme lien politique et démocratique qui est mis en danger car les individus trournent le dos aux gouvernments impuissants à renverser une tendance dramatique.
Globalement, le travail est facteur d’épanouissement personnel, d’opportunités de relations pour les français.
Du
moins c’est ce qui ressort d’une étude menée pour la presse quotidienne
sur les français et le travail en avril 2005. Ainsi, 41% des actifs
considèrent que leur travail compte autant que leur vie privée.
Mais
alors que le travail reste une demande individuelle et sociale,
l’économie a de moins en moins besoin du travail pour produire de la
richesse.
Les actifs attendent avant tout une amélioration de leurs conditions de rémunération (63%) pour pouvoir consommer plus.
Pour
les chômeurs, travailler est synonyme d’utilité sociale, de
reconnaissance, de construction de son identité, d’autonomie, et va de
pair avec une protection sociale.
Du côté des entreprises, le travail n’a pas de rôle social mais une réalité économique :
- les travailleurs sont comptabilisés dans les charges d’exploitation
- la compétitivité passe par une réduction des coûts de production, donc salariaux
Du
côté des actionnaires, les travailleurs comme les biens et les services
effectivement produits comptent moins que les bénéfices dégagés au
final : c’est l’argent qui travaille.
Si
les masses de chômeurs sont les grands exclus, les actifs se mettent
aussi en marge d’un système qui ne fonctionne plus avec eux et pour eux
mais pour des actionnaires.
"On ne sait s'il est risible ou
bien sinistre, lors d'une perpétuelle, indéracinable et croissante
pénurie d'emplois, d'imposer à chacun des chômeurs chaque jour ouvrable
la recherche effective et permanente de ce travail qu'il n'y a pas. "
(Viviane Forrester – 1996 – Fayard)
Selon IPSOS le nombre de français à s’estimer heureux au travail est passé de 49% à 40% de 2004 à 2005 et il sont également 45% à déclarer vouloir changer d’entreprise.
En
période de stagnation économique, les actifs jugeant qu’ils ne sont pas
payés à hauteur de leurs compétences, s’impliquent moins dans leur
travail : lire ses mails, chatter sur Msn, réserver ses billets d’avion
ou ses places de ciné, se servir dans le pot à crayons, consulter les
offres d’emploi sont devenus des pratiques courantes au boulot.
Les entreprises ont moins confiance dans la « motivation professionnelle » de leurs employés et se reposent plutôt sur les équipes dirigeantes pour atteindre leurs objectifs.
Elles recrutent à hauteur de 70% en CDD ou en intérim et la moitié des
CDD sont signés pour une durée inférieure à un mois. Le CNE met les
nouvelles recrues « sous pression » pendant deux ans. Si les salaires
des travailleurs sont comparés aux salaires des pays émergeants, les
salaires des équipes dirigeantes sont calculés sur la base des salaires
américains.
Les actionnaires spéculent : pour 1 dollar de marchandise échangé, il y a près de 65 dollars d’actifs financiers qui circulent.
Aujourd’hui les fortunes ne se créent plus par le travail mais par la spéculation :
-
l’entreprise est devenue une machine à fabriquer du profit pour les
actionnaires mais qui dit plus de profit redistribué aux actionnaires
dit baisse des investissements et donc absence de projets à long
terme...
- l’entreprise est devenu un objet de spéculation « en soi
» : si elle ne rapporte pas assez d’argent (ou en rapporte trop) elle
est vendue, fusionnée, cédée
Si
l’Etat cherche à sécuriser les parcours professionnels et à apporter
plus de flexibilité au marché de l’emploi, il ne traite pas les
questions en profondeur.
Les individus cherchent de nouvelles
façons de s’organiser qui revalorisent leur travail et qui mettent plus
l’homme au centre des préoccupations.
De nombreux individus créent leur entreprise (+20% en 2005) :
- en freelance pour être à son compte
- en société pour maîtriser les outils/les modes de fabrication
Les personnes et les entreprises s’organisent entre elles au-delà des schémas compétitifs :
-
ils se regroupent en collectifs tout en restant indépendants : voir les
collectifs de créatifs qui se regroupent comme Creative Syndicate, ou
les labels de musique électronique réunis dans un même immeuble dans le
2Oeme arrondissement de Paris.
- ils s’associent
ponctuellement par intérêt : qu’une entreprise en rachète une autre
semble être démodé, les coopérations ponctuelles sont à la mode
(Ariane, pôles de compétitivité, …)
De nouvelles formes économiques sont explorées.
- la taxation des flux financiers : "taxe Tobin", soutenue par 154 députés français de gauche et même de l’UDF
-
la décroissance : les Verts militent pour une société fondée sur la
qualité plutôt que sur la quantité, sur la coopération plutôt que la
compétition, une humanité libérée de l’économisme se donnant la justice
sociale comme objectif.
- le sociétalisme se pose en vraie
alternative du libéralisme : "mouvement" d'idées qui préconise la
répartition des enrichissements collectifs nationaux sous forme de
dividendes distribués équitablement à chaque citoyen
jeremy