Les grands groupes de communication empilent des filiales et des activités qui génèrent de la marge brute dans le but de maintenir les ratios de rentabilité exigés par leurs actionnaires, qu'ils soient retraités californiens/floridiens pour les réseaux US, ou qu'ils soient "philosophe fille de" pour Publicis, etc.
Pour empiler un maximum de marge brute, il faut de gros clients qui font de la publicité (achat d'espace) et qui soient internationaux (fees de coordination). Et pour attirer de gros clients, il faut une "belle" agence (réputation), de beaux locaux et des figures de divas, qu'elles soient "créatives", "charismatiques" ou "stratégiques".
D'où le fait que très régulièrement, les patrons d'agence passent indifféremment d'un agence à une autre et les teams de créatifs sont "débauchés" par la concurrence. Comme si "acheter" des créatifs, c'était s'ancrer durablement dans une posture de créativité, et comme si avoir un patron médiatique permettait de se prémunir contre les erreurs de stratégie ou de gestion... C'est ça le "mercato" des agences, des transferts toute l'année avec à chaque foisle même discours : "j'étais pas bien là où j'étais mais maintenant on m'a donné les moyens de travailler donc vous allez voir ce que vous allez voir"
Il y a quelques temps, le mercato a connu un transfert retentissant : Christophe Lambert est passé de CLM/BBDO à Publicis, et a été rejoins là bas par un team créatif très en vue dans le petit sérail : Fred et Farid. Si l'empreinte créative de Publicis n'a pas changé d'un iota car on ne change pas une tradition de mormons aux ramifications économico-politiques fortes en "freestyle hype happy people" du jour au lendemain, on a appris cette semaine que Christophe Lambert et Fred&Farid quittaient Publicis pour monter leur propre agence avec Bolloré.
Alors là on a envie de se dire 2 choses :
- on avale pas la
version "officielle" : ils n'ont pas eu les moyens de travailler comme
ils l'auraient voulu, un grand groupe possède des contraintes fortes et
leurs personnalités iconoclastes n'ont pas pu s'exprimer à plein
-
ce qui est beaucoup plus plausible : "trop de contraintes pour pas
assez d'argent donc fait chier on change de crémerie" : comme Eric Tong
Cuong qui passe d'EURO RSCG BETC à EMI puis à La Chose, Lambert et ses
concors créatifs passent de CLM à Marcel et montent FFL (modestement
composée des initiales de leurs prénoms/nom)
Ca change rien pour les juniors et les fidèles historiques qui sacrifient leurs vies privées pour améliorer la marge brute puisqu'on ne parle pas plus d'eux, et puis cette people-isation du conseil en communication, à l'instar de ce qui se passe en politique, évite de parler du fond...
C'est génial..