Comment ne pas être partagé et embarrassé face à la situation de la
FNAC ? Je lis ici l’enthousiasme de son Président (en photo, source AFP
qui annonce son plan « 100% client » et le désarroi
de ses salariés qui partagent le «sentiment croissant de travailler
dans une entreprise comme les autres » (source l’Humanité) et appellent
à la grève pendant la présentation du plan stratégique aux 900 cadres.
Je
viens juste de renouveler ma carte d’adhérent pour trois ans, comme
depuis 22 ans maintenant. Pour la première fois de ma vie d’adhérent,
je me pose la question de l’amortissement de mon adhésion à 30 euros
pour trois ans.
A titre professionnel, j’ai toujours été sensible
aux concepts de distribution (j’ai travaillé deux ans à la CAMIF et
cinq ans à la SERAP) et j’ai vu ces trois concepts « à accès réservé »
s’ouvrir et souffrir. Le concept de la FNAC (Fédération Nationale pour
l’Achat des Cadres) est au départ celui de la boite de nuit. On filtre
à la porte les bienheureux qui vont fièrement entrer sur la piste de
danse et consommer jusqu’à l’aube, les autres (ceux dont l’entrée est
refusée, ceux qui ne font pas partie du club) rentrent chez eux et
rêvent de cet univers fantastique et du jour où ils y « auront droit ».
Il a fallut 50 à la CAMIF pour ouvrir son catalogue au grand public et
30 ans à la SERAP pour laisser le tout-venant pénétrer dans les
magasins, tuant ainsi deux beaux concepts en oubliant la promesse de
base. La FNAC n’a pas attendu longtemps pour s’ouvrir dans les années
1950 et a bâti une fabuleuse enseigne de distribution (4,4 milliards
d’euros de Chiffre d’affaire) qui a gardé le meilleur de son
positionnement : aspiration culturelle et équipement technique pour les
loisirs. Aujourd’hui, sous les coups de butoir d’Internet qui rend la
FNAC plus chère, la dématérialisation des disques qui met au chômage
les vendeurs au gilet vert et moutarde, le marché du DVD qui recule et
la Loi Lang qui met au même prix le livre vendu chez Leclerc et à la
libraire du coin, la FNAC souffre. En guise d’agitation culturelle, on
a le droit aux bonne veilles têtes de gondole et aux prix vert. Que PPR
veuille s’en séparer pour cause de faible ratio de rentabilité, cela
semble logique de leur point de vue.
La FNAC va connaître les
malheurs de la CAMIF dans les années 80 : je fais mon choix et je
m’informe sur le catalogue, j’achète chez DARTY. Remplacez CAMIF par
FNAC et DARTY par le site CDISCOUNT et vous avez le cocktail cruel et
explosif.
Arrive donc le projet majeur et incontournable :
réorganisation et polyvalence des vendeurs pour suivre les mutations du
marché (le disque pour la réduction et le high tech pour
l’accroissement).
Que signifie cette appellation « 100% client » ?
Denis Olivenne y met trois points (source Le Figaro) :
1) nouveaux magasins (France, étranger)
2) nouveaux services dans les domaines des produits techniques
3)
« libérer les énergies, d'inciter les salariés à prendre plus
d'initiatives en rémunérant mieux l'engagement, l'initiative et la
performance». Selon le Président de la FNAC, « nous devons centrer la
Fnac sur ses clients. Ils reconnaissent notre expertise et notre
déontologie commerciale. En même temps, ils nous disent : attention à
ne pas être trop techniques, trop froids. Nous sommes irréguliers sur
la relation avec le client. ». L’heure des choix a sonné pour la FNAC.
Si elle continue à ressembler à une enseigne comme les autres, sans
offrir une vraie et sensible différence, on aura beau décréter le plan
« 100% client », rien n’y fera. Le sens du client sans contenu, c’est
la mort.
T. Spencer