Puisque chacun déplore la vacuité des considérations égotistes au sein du Parti socialiste et que c’est le fond qui manque le plus, essayons d’analyser ce mot nouveau.
Que peut-on entendre par «postmatérialisme» ?
Je suppose qu’il ne s’agit pas de déclarer dépassés les nombreux courants philosophiques, d’ailleurs composites, qui, depuis Démocrite, s’opposent à toutes les formes de l’idéalisme philosophique. Ce serait un long débat dont je ne suis pas sûr qu’il puisse susciter un consensus chez les socialistes. Je suis sûr, en revanche, que nous aurions tort de récuser l’apport de tous ceux qui, au XIXe et XXe siècles, ont exposé que la vie des hommes et des femmes, mais aussi leur idéologie, leurs représentations, leur rapport au pouvoir étaient, pour une part non négligeable, déterminés par les conditions concrètes de leur existence matérielle.
Et cela même si nous n’ignorons rien des désastres théoriques et pratiques engendrés par les théories qui reposaient sur la croyance en un déterminisme absolu entre les conditions matérielles de l’existence et les choix individuels et collectifs des hommes et des femmes. Les conceptions mécanistes de ces relations sont antinomiques de l’idée même de liberté.
Nous avons donc toutes les raisons de pourfendre ces conceptions et tous leurs avatars, et il faut assurément être postmatérialiste si l’on vise ce matérialisme-là. Une remarquable illustration nous en a été donnée par les tentatives récentes de mise en pièce de la psychanalyse au profit des thérapies cognitivo-comportementales et d’une instrumentalisation des neurosciences. La vague de scientisme, de comportementalisme et d’hygiénisme à laquelle nous avons assisté n’était finalement pas éloignée des conceptions de ceux qui considéraient jadis que le cerveau produisait la pensée comme le foie produit la bile. Défendre la psychanalyse, c’était, en l’espèce, défendre l’idée que le conscient et l’inconscient ne se réduisaient pas à être les produits de causalités physiques et biologiques.
On peut aussi définir le postmatérialisme comme un modèle social qui dépassera l’actuelle société de consommation. Martine Aubry s’y réfère explicitement dans son interview lorsqu’elle propose «une société qui s’intéresse au bien-être et au bien vivre ensemble, et pas seulement au bien avoir», renvoyant ainsi à la distinction entre «l’être» et «l’avoir» qui fut chère aux penseurs qui se réclamaient du personnalisme.
Nous savons bien sûr que nombre d’êtres humains sont aujourd’hui exclus de cette société de consommation. Le fait, pour tous ceux-là, d’accéder a davantage d’«avoir» n’est pas indifférent, et est même une condition, pour «mieux être», ce qui renvoie au combat pour la justice sans lequel les socialistes n’ont pas de raison d’être.
Cela étant dit, comment ne pas voir, en effet, les ravages que produit la marchandisation croissante de notre temps et notre espace.
Le temps : avec la loi étendant l’obligation de travailler le dimanche, c’est la société du caddy qui triomphe.
L’espace : il suffit pour en être convaincu de constater l’un des principaux sinistres urbanistiques des cinq dernières décennies, à savoir la réalité de nos entrées de ville qui sont devenues partout une accumulation d’objets, toujours les mêmes, juxtaposés dans l’espace. Ici, l’architecture est devenue l’enseigne. La loi de la marque s’impose. Et lorsqu’on parcourt ces kilomètres de zones commerciales qui mènent à nos villes, on assiste à l’exacte réalisation de la prédiction de Karl Marx - un auteur un peu délaissé - pour qui le temps viendrait où le règne et la loi de la marchandise façonneraient et structureraient l’espace physique réel. Nous y sommes.
Alors oui au postmatérialisme dès qu’il s’agit de combattre l’injustice et, du même mouvement, repenser l’usage social et sociétal du temps et de l’espace. S’il serait absurde et délétère de rompre avec les idéaux des XVIIIe et XIXe siècles qui fondent les notions de progrès et de l’émancipation de tout être humain, on voit bien qu’on ne construira pas la société progressiste du XXIe siècle, celle de l’après chute du Mur, sur tout ce qui a péri au XXe siècle. Revenir aux fondamentaux, c’est justement indispensable pour rompre avec les vieilles lunes, les habitudes, la non-pensée et les prêts-à-penser.
Voici donc le temps de la philosophie et du travail humble. Jean Jaurès a écrit une thèse de 430 pages qui s’intitule De la réalité du monde sensible - un sujet qui n’est pas sans rapport avec l’objet qui nous occupe - dans laquelle on lit cette phrase qui dénonce si justement la tentation égotiste : «Il n’est peut-être pas de philosophe, si convaincu qu’il soit que le monde n’existe que par la liaison harmonieuse de toutes ses parties, qui ne soit tenté bien souvent, en se séparant de tout, de se réduire lui-même à une sorte de néant.»
SOURCE : LIBERATION
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