Le 7 juin 2009 revêt
pour l’écologie politique une double signification. D’une part, il
annonce la fin de trois cycles : celui du projet, de l’organisation et
des alliances ; d’autre part, il appelle à une nécessaire métamorphose.
Le premier cycle – celui du projet – initié en 1974 par René Dumont,
correspondait à l’inscription de l’écologie dans l’agenda culturel et
idéologique.
Désormais, l’écologie est incontournable, pour le meilleur et pour
le pire, elle s’accommode à toutes les sauces, même les moins «vertes»,
et balise le paysage intellectuel. Toutefois l’écologie n’est pas
univoque et la confrontation des idées sur le projet sera lourde de
conséquence. Elle se jouera entre une transformation radicale de la
société, de ses modes de productions et de consommation, de ses
structures comme de son imaginaire et une «croissance verte», autrement
dit une «écologie productive». Cet avatar du capitalisme traduit
l’ultime soubresaut d’un modèle de civilisations productivistes tenant
la croissance pour horizon indépassable. Elles éludent les
problématiques vitales de la finitude des ressources naturelles, de la
crise climatique, de l’extinction des espèces, des inégalités Nord Sud,
de l’ébranlement des valeurs de solidarité collective, en gardant tel
quel un système fondé sur la seule recherche du profit pour le profit.
Loin de nous satisfaire d’un keynésianisme vert, nous devons refonder
le modèle même du «développement» humain et redonner un sens au Progrès.
Ainsi, considérons-nous qu’il ne peut y avoir de justices sociale et
environnementale sans «démarchandisation» du monde. Notre projet repose
sur un programme de reconversion écologique de l’économie et de la
société charpentée autour de trois piliers : la planification
écologique des territoires, les biens communs, la relocalisation des
activités. Il s’appuie sur les principes de prévention, de précaution
et de préservation qui doivent guider toute politique publique.
Ces fondements constituent la carte d’identité collective d’Europe-Ecologie.
Le deuxième cycle, relatif à l’organisation, a été ouvert avec la fondation des Verts en 1984.
Le parti vert a joué historiquement son rôle de tremplin de
l’écologie politique en transformant le mouvement environnementaliste
en un petit parti politique. Il a créé de toutes pièces l’écologie
publique, en maillant le territoire d’un réseau d’élus locaux efficaces
appliquant des politiques publiques durables.
En fait, il a transformé en programme les principes généraux de
l’écologie des pères fondateurs. Mais les évolutions de la société lui
imposent de dépasser le cadre initial de son périmètre. Il s’agit
désormais de revisiter la «charte d’Amiens» et ses frontières étanches
entre syndicalisme, associations et construction partidaire. La
participation aux élections n’est qu’une des fonctions d’un parti
politique. Toutes les autres, telles que l’éducation populaire, la
représentation et la médiation des mouvements sociaux, le débat et la
production d’idées sont indispensables à la crédibilité de toute
formation moderne.
Nous devons inventer un «trade-unionisme» écologique qui se pense
comme une coalition à géométrie variable de la transformation sociale,
rassemblant tous les «éco-acteurs» qui ne se sentent plus représentés
dans le cadre du système politique partidaire actuel et qui s’accordent
sur une priorité de l’impératif écologique et social. Pour exister
durablement, notre réseau-mouvement devra préalablement faire société.
L’histoire nous l’a enseigné, on ne construit pas un grand mouvement
politique sans regrouper l’ensemble de sa famille. C’est en son sein
que les divergences doivent être discutées et tranchées, surtout
lorsque le débat d’orientation se déroule dans une dynamique de
victoire plutôt que dans la frustration des défaites. Nous sommes ici
dans un processus similaire à la naissance du Parti socialiste en 1905,
lorsqu’il réunissait Jaurès, Guesde, Allemane, Vaillant le blanquiste
et de nombreux syndicalistes : nous devons construire Europe-Ecologie
comme une fédération souple d’individus, de groupes et de cultures,
avant de pouvoir donner une forme définitive à cet «Objet politique non
identifié», né il y a plus d’une année et encouragé par le résultat
électoral du 7 juin.
Le troisième cycle qui se referme, celui des alliances, est illustré
par l’entrée des Verts dans le gouvernement de la gauche plurielle en
1997.
Le débat entre «gauche plurielle» et «ni droite ni gauche» est
historiquement dépassé, la crise systémique ayant rendu cette
confrontation obsolète.
Les écologistes ne peuvent ni ne veulent plus se voir en supplétifs
d’une gauche qui les considèrent comme un simple objet de marketing
politique avec pour vocation de verdir quelques notables socialistes.
Pour autant, l’écologie n’est pas à marier avec une droite, dont les
pratiques économiques, sociales et politiques sont à l’exact opposé de
nos principes et de nos valeurs.
L’écologie doit être le pivot d’un rassemblement à vocation
majoritaire qui s’organisera autour de son projet et de son leadership.
Si nous voulons que le 7 juin soit plus qu’un feu de paille, nos
ambitions doivent être à la hauteur de notre projet. La reconversion
écologique de la société doit être portée par un bloc social historique
nouveau ; il ne peut se limiter à l’électorat des centres villes, mais
doit réunir les groupes sociaux issus de la crise : le précariat, la
paysannerie, le salariat qui aspire à vivre autrement, les classes
moyennes de la société cognitive, la jeunesse en formation, le parti de
ceux qui veulent vieillir dans la dignité, la jeunesse des quartiers
populaires en proie aux discriminations.
Cette politique de civilisation «postmatérialiste» recherchée
désespérément par la secrétaire nationale du PS, les écologistes l’ont
trouvée depuis leur naissance, car leur combat ne s’est jamais résumé à
la confrontation capital-travail. Ils savent depuis longtemps que la
bonne vieille lutte des classes n’est qu’un des éléments structurants
du changement social. L’autonomisation de la société, la mondialisation
des droits contre l’apartheid planétaire et le pillage des ressources
naturelles, la sauvegarde de la biodiversité, la lutte contre le culte
de la consommation et l’idéologie de la croissance, sont tout aussi
décisifs.
Bien sûr, les réalités électorales et l’injustice du mode de scrutin
majoritaire sont là. Nous savons que nous devrons passer des accords
politiques lors des seconds tours et négocier des contrats de majorité
pour pouvoir gérer des territoires, mais cela se fera sur le fondement
de notre projet, entre partenaires égaux, loin des marchandages de
couloirs et de la vassalisation de la dernière décennie.
Le 7 juin, nous avons occupé temporairement un espace politique. Il
s’agit maintenant de lui donner un contenu pérenne tourné vers
l’avenir. Ne laissons pas à d’autres le soin de la faire, car la
politique, comme la nature, a horreur du vide.
* Par Pascal Durand, directeur de la campagne 2009
d’Europe-Ecologie, et Patrick Farbiaz, co-rédacteur du programme
d’Europe-Ecologie. Paru dans Libération du 17 août 2009
SOURCE : ecolosphre
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