La conférence Adetem/IAB de ce matin sur "Les nouvelles voies de développement de l'image de marque sur internet" me donne l'occasion de revenir sur un sujet primordial, la performance éditoriale du brand content. Lorsqu'on étudie le contenu d'une marque, il est capital de mesurer la réception de ce contenu. On ne peut pas se limiter aux effets sur la marque de l'opération.
Lors de nos différentes interventions sur l'efficacité du contenu de marque, nous avons toujours indiqué qu'il y avait au moins deux familles d'outils de mesure du brand content :
- des outils de mesure de la performance éditoriale : durée d'écoute ou temps passé, adéquation aux requêtes, satisfaction à l'égard du contenu, pertinence, valeur d'usage de l'information, originalité perçue, entraînement de l'écoute ou rebond, partage avec ses proches, bouche à oreille, recommandations, etc
- des outils d'évaluation des effets sur la marque : notoriété, émergence, proximité, confiance, préférence, attachement, modernité, expertise, émotion positive, relation, intention d'achat, etc
Habitués à évaluer la publicité sur des critères d'image, les marques doivent aujourd'hui apprendre à analyser les performances du contenu lui-même. C'est la réussite du contenu qui rejaillira positivement sur la marque. Toute la panoplie des études utilisée traditionnellement par les médias peut être exploitée par les marques : vu-lu, test de concept, de pilote ou de programme, étude de tranche horaire, contrat de lecture, analyse d'audience, mesure des usages, veille éditoriale, étude de format, etc
En tant que bien culturel, le contenu se doit de susciter l'enthousiasme du public, qui ne peut se contenter d'une appréciation moyenne. Cela est d'autant plus vrai pour les marques, nouvelles arrivantes dans le domaine des contenus, dont la légitimité éditoriale peut être confortée ou fragilisée selon le degré de qualité.
Parmi les critères d'appréciation des contenus de marque, il y en a qui résume bien l'enjeu, le rapport qualité/temps. Voir à ce sujet le détail l'intervention sur le nouveau rapport au temps de la communication des marques de Matthieu Guével qui montre que dans un contexte où les contenus sont très abondants et gratuits, c'est le critère du bénéfice sur temps passé qui prime.
Voici quelques réflexions sur l'appréciation des contenus culturels. On verra que le contenu culturel obéit a des règles marketing très différentes de la grande consommation ; d'où la nécessité d'adapter les instruments.
La recherche universitaire a mis en évidence les spécificités du marketing culturel depuis le début des années 80. L’article intitulé « Le comportement de consommation culturelle : état de l’art » de Yves Evrard, Dominique Bourgeon et Christine Petr, publié lors du Congrès de l’AFM en mai 2000 fait très clairement le point sur le sujet. Les caractéristiques des biens culturels par rapport aux produits de consommation courante sont les suivantes :
• Ils nécessitent une allocation de temps ; ce qui donne une place centrale à l’expérience de consommation.
• Le produit culturel est un prototype et il représente un risque pour le producteur et le consommateur.
• La consommation culturelle est associée à la notion de plaisir esthétique et à des motivations intrinsèques ; une oeuvre d’art est appréciée pour elle-même et non pour ses seules fonctions utilitaires.
• L’objet culturel en tant qu’expression singulière d’un artiste se caractérise par une incomparabilité et une incommensurabilité ; il fait l’objet d’un double système d’évaluation, en amont par les pairs ou les critiques et en aval par le public.
• L’oeuvre d’art se caractérise par sa durabilité ; sa valeur peut fluctuer au cours du temps, au gré de l’évolution des goûts et des modes.
• Le modèle de la distinction de Bourdieu met en évidence l’interdépendance entre le capital scolaire et socio-économique des individus et leur goût pour les produits culturels. Il montre que les produits culturels existent en tant que symboles et émettent des signes, qui peuvent aboutir à la constitution d’un code social. Les études de O Donnat montrent dans « Les pratiques culturelles des français » que l’éducation joue un rôle clef car elle légitime les attitudes.
• Différentes études montrent l’influence des expériences accumulées sur la consommation actuelle de produits culturels.
• L’expérience de consommation culturelle est chargée émotionnellement et est particulièrement impliquante. Elle est marquée par une recherche de nouveauté, de variété, de sensation, d’excitation, de stimuli multi-sensoriels, …
• L’expérience culturelle est une expérience partagée et un vecteur de sociabilité et de convivialité. • L’expérience culturelle est vécue dans une oscillation entre réflexion et émotion. L’objet culturel est à la fois un outil de connaissance et un moyen de vivre par procuration des émotions et des pulsions. On fait vivre au spectateur une expérience, auquel il est contraint de donner du sens.
L'institut d'études QualiQuanti que je dirige depuis 20 ans a testé plusieurs centaines d'émissions de télévision, de magazines, de chaînes thématiques ou de sites web. Cette expertise peut aujourd'hui être très utile aux marques qui se lancent dans l'éditorial.
http://testconso.typepad.com/brandcontent/2010/01/performance-editoriale.html