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Marion raconte sa vie sur son blog depuis 2007. (Stephan Gladieu/Le Figaro Magazine)
Vous ignorez leurs noms et leurs visages. Pourtant, ils règnent sur internet et influent sur votre quotidien. Les voici.


Nul, le bar à ongles de Sephora! Il aura suffi d'un message sur un forum féminin très fréquenté pour faire trembler le groupe de cosmétiques. Le billet est assassin. Acide et dépité, comme on peut l'être après une expérience désastreuse. Qui n'a jamais rêvé d'agonir un vendeur ou une marque après une mésaventure... Non seulement internet le permet, mais il donne du souffle à la vengeance! La direction de Sephora panique, «se demandant presque si le nouveau concept n'allait pas capoter», raconte anonymement un consultant internet. Elle envisage d'amadouer la critique, également blogueuse, en lui proposant des produits, avant de réaliser que c'est une militante, pressée de rompre avec le discours lisse des magazines féminins. Fina lement, la direction choisit de lui écrire «personnellement un mot d'excuse, en expliquant qu'elle allait tenter de remédier au problème».La bateleuse aux ongles acérés a reporté sa rage contre la manucure... laissant le bénéfice du doute à la marque.
Ces bras de fer d'anonymes David contre d'imposants Goliath participent de la légende du net. Avec son cas d'école, celui que tous les spécialistes du marketing connaissent: l'affaire des cadenas Kryptonite. Un client réalise un jour qu'il peut l'ouvrir avec un simple Bic. Il tente de s'en plaindre au service après-vente, rappelle désespérément. Las d'être ignoré, il publie alors sur YouTube une vidéo montrant les failles du cadenas Kryptonite. Elle fait le tour de la toile, attire des milliers de spectateurs qui, à leur tour, se filment alors qu'ils forcent le cadenas avec un stylo. «L'information est finalement relayée par les grands médias et, en dix jours top chrono, la société était par terre et devait rembourser plus de 10 millions de dollars de cadenas», raconte Olivier Bouchez, spécialiste du marketing sur le net.

Aujourd'hui, les grandes marques, tout comme les politiques, redoutent le pouvoir du web et tentent de cerner ces nouveaux héros pour mieux les séduire. Car certains sont devenus de véritables gourous. Korben partage ses états d'âme informatiques, ses coups de coeur, ses conseils avec 50.000 lecteurs chaque jour sur son blog, l'un des plus fréquentés de France. Tout comme son twitter. En octobre, Korben avait à peine évoqué le tout nouveau site internet du conseil général d'Auvergne que celui-ci explosait devant le déferlement de requêtes ! «Je parle à des masses», raconte ce consultant informatique qui a monté son blog en 2004 avec une recette classique: des commentaires sur des logiciels, des conseils sur internet et un brin d'humour. Avec les années, ses contributions régulières, tout comme ses réponses, l'ont rendu incontournable. Et c'est sur son site que l'on a trouvé les pages piratées par le hacker auvergnat qui s'était introduit sur le twitter du président Barack Obama ! Car son public lui fait confiance. «Si je recommande un produit, ils seront influencés, c'est sûr. Mais si je me suis trompé, ils me crucifient», assure Korben, de son vrai nom Manuel Dorne.
La France compterait plusieurs milliers d'«influenceurs»
C'est la loi du net: les stars sont reconduites par la base dans un plébiscite quotidien. Parmi les dix blogs les plus lus, ou les twittos (ceux qui écrivent des tweets) les plus prisés, beaucoup sont des précurseurs du net. Ils ont vu leur audience croître avec le réseau. Ils étaient à l'aube des blogs, sur Twitter quand personne n'en avait entendu parler ou sur le réseau social Facebook avant la version française. Les plus assidus ont émergé dans les premières heures et sont restés des figures de référence lorsque les masses sont arrivées.

Romain Colin. (Stephan Gladieu/Le Figaro Magazine)
On compterait quelques milliers d'influenceurs en France, selon les spécialistes. La plupart sont comme des collectionneurs, passionnés et obsessionnels, barbants parfois au quotidien, mais vedettes sur la toile, où celui qui produit, alimente, propose et répond aux lecteurs, creuse un sillon profond et durable. «C'est l'empire des hobbys, des spécialistes», explique Benoît Thieulin, de l'agence La Netscouade. Certains, comme Romain Colin, parlent à des centaines de milliers de personnes. A 25 ans, il revendique un million de visiteurs par mois sur son blog Fubiz, sorte de galerie virtuelle où le design côtoie la photo et les campagnes de pub les plus stylées. Des visiteurs du monde entier s'y pressent, empruntent les oeuvres, clichés, posters pour les disséminer dans le monde, de mail en tweet. On trouve la signature Fubiz jusqu'au Japon.

Jean-Luc Raymond. (Stephan Gladieu/Le Figaro Magazine)
Dans un net en libre service, chacun se sert d'images, de mots, d'idées, mais rend hommage au créateur, au galeriste. Celui qui dégaine le premier la bonne info, la belle image, la vidéo la plus hilarante, a gagné de la notoriété; on le repère, puis on le «suit»; sur son twitter, on lit «sa revue de presse»... Celle de Jean-Luc Raymond, par exemple, est lue par pas moins de 213.000 followers (abonnés) ! Ce consultant en nouveaux médias, qui poste une sélection quotidienne d'articles sur le web et son économie, est devenu la locomotive du twitter français. Derrière lui, beaucoup de professionnels du web se bousculent.
Vincent Glad, journaliste à Slate.fr, un journal en ligne, s'est bâti un nom avec ses messages incisifs en 140 caractères (le maximum pour un tweet). Il livre des infos et des liens vers des articles intéressants puisés dans les profondeurs de la toile. Souvent sur le numérique. Mais il a, le premier, twitté les photos du Facebook de Zahia, la blonde qui a fait trembler les Bleus. Comme des milliers de personnes le lisent, ses mots agissent comme une alerte. Lorsque la cloche sonne au centre, l'écho se propage par cercles concentriques et voilà la nouvelle qui court la toile.
Si les noms de ces gourous ne vous disent rien, ne tremblez pas. Seuls les fans connaissent. Car internet juxtapose les confréries, multiplie les univers étanches. Un blog ne séduit que son public naturel. Il n'est pas taillé tel un média pour parler à tous et s'adresse à une personne à la fois. Si vous n'êtes pas sa cible, il vous paraîtra souvent insignifiant, voire idiot ! Des mères de famille se taillent un immense succès, comme Isabelle avec son «blog de maman». Les copines de Scrapidées connaissent aussi la gloire avec leur blog en forme descrapbook (album), qui mêle papiers colorés, petits boutons et cartons pour habiller des photos.
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