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L. de Brabandère part 1: Créativité et innovation
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Pourquoi intituler votre ouvrage sur la créativité en entreprise (1), écrit avec Anne Mikolajczak, "le Plaisir des idées" ?
Tout au long des centaines de séminaires que nous avons animés, nous avons compris que le secret de la créativité était bien là, dans le plaisir de brasser des idées. Un séminaire de créativité est réussi et fécond lorsque les participants partagent le plaisir d'être ensembles, de chahuter les concepts, de rire aux situations cocasses qui surviennent.
La créativité est-elle aujourd'hui plus indispensable que jamais ?
Survivre dans les affaires requiert de rester compétitif et de distancer ses concurrents. Une entreprise ne peut y parvenir qu'à la condition d'être capable d'établir une différence avec les autres et de la préserver. Or avec la généralisation des méthodes standardisées et automatisées de management des ressources traditionnelles, seules les nouvelles idées peuvent faire la différence. Elles sont l'ingrédient du progrès, le combustible de la valeur ajoutée et de l'avantage concurrentiel. Dans cette course à la différence, les ordinateurs et des réseaux, grâce à leur puissance phénoménale procurent une aide certaine, mais il ne faut pas croire qu'ils priveront l'homme de son monopole de créativité. Les technologies de l'information et de la communication sont autant facteur de diversité que d'uniformité. Seule la créativité permettra d'échapper à cet immense " copier-coller " induit en grande partie par la mondialisation.
On dit souvent qu'il faut réfléchir avant d'agir. Quels processus se produisent avant l'action ?
C'est schématique, bien sûr, mais avant d'agir nous passons par trois stades : la perception d'une situation, l'évaluation des possibilités et le " calcul " de la meilleure décision à prendre. Pendant longtemps, on a cru que cette troisième étape était plus importante que les deux autres. Or, tout ou presque se joue dans la première. Alors que " percevoir " pourrait être quelque chose de bien simple - on regarde ce qui se passe -, cette démarche se révèle en fait le siège d'une construction de sens qui influence et façonne même les deux étapes suivantes.
C'est là qu'interviennent les fameux " biais cognitifs " ?
Dans cette opération de construction subjective de la réalité, nous recourons de manière inconsciente à des règles de pensée empiriques et intuitives, appelées heuristiques. Elles sont indispensables, souvent efficaces même, mais ne sont pas sans risque ni inconvénient. Ces " raccourcis " mentaux peuvent en effet se transformer en " courts-circuits ", altérer raisonnement et jugement, avoir des effets négatifs sur la créativité Ainsi, quand un diagnostic se révèle erroné, quand une décision prise s'avère mauvaise, quand la solution à un problème est boiteuse, il apparaît souvent a posteriori que la cause n'est pas à chercher du côté des informations rassemblées, mais plutôt dans la manière dont le cerveau les a traitées, qu'il les ait sous-estimées ou au contraire surestimées. Le coupable est alors ce qu'on appelle un " biais cognitif ", une forme d'impôt sur l'efficacité.
Vous qualifiez la " méthode des scénarios " de plus bel outil de créativité pour affronter l'incertitude. En quoi consiste-t-elle ?
Quand on ignore ce qui va se passer, il faut envisager " des futurs ". Il ne faut plus chercher dans le passé l'explication de l'avenir mais percevoir l'avenir comme la raison d'être du présent. Etre créatif, c'est être facilement capable, en toute liberté, de voir autrement le monde. Etre prospectif, c'est se poser la question, en toute responsabilité, de l'avenir du monde. Ces deux qualités, mieux comprises dans leur différence et réunies dans une rigueur méthodologique, peuvent constituer un binôme puissant et une aide précieuse à la réflexion stratégique.
La méthode des scénarios est à la prospective ce que le brainstorming est à la créativité : quatre futurs plausibles mais improbables sont construits pour élargir la perception. Un scénario peut alors être défini comme une " mémoire d'un futur possible ".
(1) Le Plaisir des idées, Luc de Brabandere et Anne Mikolajczak, Dunod, 228 pages, 29 euros.