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MANIFESTE DU 6 DÉCEMBRE 2010 « PENSÉE ET POLITIQUE »
Il est temps de parler à nouveau d’espérance. Il nous faut réinterroger le futur, de façon à la fois crédible et positive. Nous voulons rompre avec cette tendance à considérer que tout ce qui est crédible est négatif et que tout ce qui est positif relève du boniment. Nous pouvons contribuer à faire renaître l’espérance en nouant des alliances entre les générations et en désenclavant le politique pour qu’il retrouve l’audace de la pensée et l’engagement dans l’action.
Au Forum d’Action Modernités, nous voulons nouer des alliances entre générations car l’immense secousse de la fin des années 60 est loin derrière nous et que nous sommes arrivés au bout du long replat qui l’a suivie. Notre vision du monde reste pourtant marquée par les années 80 et par le triple enfouissement qu’elles ont incarné : fin des espoirs dans l’Etat-Providence, effondrement des mythes du système socialiste, dénigrement doctrinaire de la « pensée 68 ». Il s’agissait moins de rupture et de dépassement que de superposition et d’amnésie. La vague libérale avait jeté Keynes aux oubliettes. A l’encontre de la Révolution française, François Furet avait ouvert une recherche en paternité du totalitarisme. Quant à Foucault, Althusser et Lacan, Luc Ferry et Alain Renaut avaient su en disqualifier l’héritage...
Rien de ceci n’a de sens pour les plus jeunes. Le présent voit au contraire un resurgissement de ce qui avait été enfoui et qui n’a cessé d’enfler de façon souterraine. Après la crise des subprimes, on voit réapparaître des appels à la régulation et à l’affirmation du rôle des Etats. La mondialité est en proie à des enjeux planétaires, pauvreté, climat, identité. Les conflits sur la diversité renvoient dos à dos l’universalisme positiviste et le relativisme culturel ; ils conduisent à revaloriser à la fois la laïcité et le sentiment religieux. Au-delà du déploiement d’Internet, s’expriment une attirance pour les questions de réseau, de métissage, de rhizome et la prise de conscience de destins interdépendants. Les rapports entre économie et société sont questionnés, la démocratie économique, les dynamiques responsables et solidaires dans les entreprises ouvrent d’autres possibles. La question de l’heure est d’éviter que ces résurgences débouchent sur de l’idéologie. Nous devons nous garder d’un retour aux caricatures d’idéologies étatistes, aux illusions des idéologies techniciennes, aux fantasmes des idéologies progressistes. C’est ce que nous attendons d’un dialogue exigeant entre les générations.
Nous voulons également que la politique innove dans ses façons de se ressourcer. L’action des thinks-tanks est utile, mais ceux-ci ne sont que des machines à propositions. L’enjeu d’aujourd’hui va au-delà. Si l’on veut retrouver l’audace, il faut éviter de penser à partir d’un clivage gauche/droite qui serait synonyme de clivage entre l’utopie et le réalisme. Il faut des pensées qui incitent à ne pas dissocier les projets et l’action, en commençant par le fait de renouveler le débat en opposant des grilles de lecture du présent.
Aussi voulons-nous aller au-delà des cercles destinés à produire des programmes. Au-delà des laboratoires et des agences qui façonnent des histoires aptes à capter l’attention, à défaut de pouvoir écrire des grands récits. Au-delà du modernisme qui voudrait aligner le politique sur des comportements que l’on irait chercher ailleurs, dans le monde de l’entreprise ou dans celui de la technologie.
Pour ré-ouvrir l’avenir, nous voulons apprendre à lire autrement le présent. L’heure est aux échanges entre politiques, penseurs, militants, entrepreneurs et artistes. Aussi faut-il libérer la politique du seul cadre des partis, même si ceux-ci concourent à la formation de l’opinion. Il faut y adjoindre d’autres lieux orientés vers la rencontre, le butinage et l’échange, à la manière de ces coopératives politiques qui se pensent comment des ruches. En sortant la politique de ses codes, de ses institutions et de ses habitudes, il ne s’agit en rien de la déprécier. Il est urgent au contraire de revaloriser la politique comme un domaine-clé de la société d’aujourd’hui, celui où peuvent s’articuler la connaissance, l’action et l’espoir.
A quoi pensent les politiques?De l'influence de la pensée sur le politique
Une soirée animée par Philippe Lemoine, avec la complicité artistique de Jean-Michel Ribes
Podcasts du débat
Introduction de Philippe Lemoine
1er temps : Que puis-je connaître?
2e temps : Que dois-je faire?
3e temps: Que puis-je espérer?
Conclusion
A quoi pensent les politiques ? par Philippe Lemoine
La politique peut-elle se passer de la pensée ? Le climat actuel de scepticisme par rapport à l’action politique tient-il en partie à une insuffisance du travail intellectuel sur lequel se fonde la réflexion politique ? Que faudrait-il faire pour favoriser un échange plus vif et plus fécond entre les politiques et les penseurs ? Lire la suite
Les intervenants
Avec Daniel Cohn-Bendit, député européen, Hervé Gaymard, député UMP, Lord Anthony Giddens, sociologue britannique, ex-conseiller de Tony Blair, Daniel Innerarity, philosophe politique espagnol, Vincent Peillon, député européen, Myriam Revault d'Allonnes, philosophe, Dominique Wolton, sociologue. Avec la participation d'Alain Caillé, sociologue, fondateur de la revue du MAUSS.