Publié par Guillaume Main dans le dossier Analyse | 9 mai 2012
Sur le plan des données chiffrées, chaque second tour d'élection présidentielle dessine sa propre physionomie. Plusieurs paramètres peuvent être pris en compte : le nombre d'inscrits, de votants, d'exprimés et, bien entendu, les suffrages des candidats en lice. Il est dès lors facile d'en déduire le taux d'abstention ainsi que le nombre de votes blancs ou nuls. Toutes ces données concourent à faire du vainqueur un président plutôt "bien" ou "mal" élu.
En d'autres termes, c'est la question de la légitimité conférée par la répartition des voix qui se posent à l'échelle de la France toute entière. Lorsque le site Atlantico titre sur le taux très élevé de votes blancs et nuls lors du second tour des présidentielles 2012, il évoque sans le dire la fragile légitimité des présidents élus par moins de la moitié des votants. Cependant, dans cet article (apparemment sans auteur), il est indiqué que "c'est la première fois dans l'histoire de la 5ème république que le nombre de bulletins blancs et nuls est aussi élevé". Or, cette affirmation est fausse !
À l'issue du scrutin du second tour, aucun record n'a été battu en 2012
Comme après chaque scrutin présidentiel, l'heure est au bilan et aux comparaisons. Pour commencer, bien que le nombre d'inscrits soit en progression constante depuis 1965, il apparaît que ce n'est pas le cas du nombre de votants aux scrutins présidentiels du second tour dont l'évolution indique des baisses en 1969, 1995 et 2012 : elles s'expliquent par une progression plus forte du nombre d'abstentionnistes que du nombre d'inscrits. Ainsi, en 2012, malgré une augmentation du nombre d'inscrits (simple reflet de la croissance démographique), on n'enregistre pas pour autant un nombre de votants, d'abstentionnistes ou d'exprimés record.
En proportion, même constatation : sur les 9 scrutins de second tour des élections présidentielles de la 5ème République, le taux d'abstention de 2012 se classe à la 6ème place (devant 1969, 1995 et 2002), et le taux de votes blancs ou nuls, qualifié de "record" par Atlantico, à la 7ème place (devant 1969, 1995, et assez proche de 2002). On retiendra que ces scores figurent tout de même parmi les plus élevés (le taux d'abstention de 2012 est notamment 3.62 points au dessus du précédent, en 2007).
Au regard de cette première série d'observations, on peut dire que François Hollande n'a, en tout cas, pas été plus "mal élu" que Georges Pompidou (1969) ou Jacques Chirac (1995). Bien que l'analyse soit basée essentiellement sur des chiffres de scrutins comparables entre eux, il convient de rappeler que les élections ont toutes des spécificités liées au contexte social ou aux partis politiques en lice : par exemple, en 1969 et 2002, le second tour opposait deux partis de droite (dont un parti de centre droit en 1969 et un parti d'extrême droite en 2002), tandis qu'en 2007, le faible taux d'abstention était justement la conséquence de 2002.
De l'importance du taux de votes blanc et du taux d'abstention
La part des suffrages des deux candidats s'opposant au second tour est calculée sur la base de l'ensemble des suffrages exprimés : ça, c'est le système retenu en France pour établir les scores du second tour et déterminer le nouveau Président de la République. Mais supposons maintenant que la part des suffrages soit calculée non pas sur les "exprimés" mais sur les "votants" (en incluant les votes blancs ou nuls) ou les "inscrits" (en incluant les abstentionnistes).
Calculés sur la base des exprimés, les suffrages de l'ensemble des élus à l'issue du second tour correspondent aux chiffres officiels, ceux traditionnellement communiqués. Bien que les 82.11% de Jacques Chirac (2002) et les 58.21% (1969) de Georges Pompidou constituent des cas particuliers (compte tenu des candidats qualifiés au second tour représentant à chaque fois deux partis de droite), toutes les autres élections présidentielles voient son vainqueur récolter entre 50.81% (1974) et 55.20% (1965) des suffrages.
En revanche, calculés sur la base des votants, les résultats montrent tout l'impact des votes blancs ou nuls. Ainsi, seules deux élections consacrent des Présidents de la République n'obtenant pas la majorité absolue dans ce contexte : Jacques Chirac en 1995 (49.50%) et François Hollande en 2012 (48.64%). Évidemment, ce constat constitue un argument central pour les défenseurs du vote blanc qui souhaitent, d'une part, que la distinction soit faite entre le vote blanc et le vote nul, et d'autre part, que le vote blanc puisse être comptabilisé dans le total des "exprimés".
Enfin, calculée sur la base des inscrits, seule l'élection de Jacques Chirac en 2002 consacre un président avec plus de 50% des suffrages (62.00%). En revanche, trois élections consacrent un président avec moins de 40% des suffrages : François Hollande en 2012 (39.07%), Jacques Chirac en 1995 (39.43%) et Georges Pompidou en 1965 (37.51%).
François Hollande, un président parmi les "moins bien élus"
Bien qu'il s'agisse d'un cas particulier, la réélection de Jacques Chirac en 2002 consacre, et de loin, le Président de la République le "mieux élu" de la 5ème République (82.21% des suffrages exprimés, 77.78% des votants, 62.00% des inscrits). Inversement, du fait du très fort taux d'abstention (31.15%) enregistré en 1969, Georges Pompidou est le Président de la République le "moins bien élu" par rapport au nombre d'inscrits (37.51%). Enfin, François Hollande est le Président de la République le "moins bien élu" par rapport au nombre de votants (48.64%).
Toutes ces considérations sont naturellement virtuelles et bassement mathématiques, puisque seuls les résultats calculés sur la base des suffrages exprimés comptent. Car pour appréhender l'ampleur de la légitimité de l'élection de François Hollande, il faudra vraisemblablement observer l'issue des élections législatives et les rapports de force installés au sein de l'hémicycle à compter de juin 2012.
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Diplômé d'un DUT en Statistique et Informatique Décisionnelle, j'occupe le poste de chargé de traitement statistique en institut de sondage pendant 8 ans. En 2010, j'entame une expérience de consultant Webanalytics au sein de Résonéo. Depuis 2009, j'édite le site Statosphere.fr consacré à ma veille dédiée à l'actualité des statistiques.
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