Démêler le vrai du faux, déconstruire les pièges de la communication politique, identifier la source d’une actualité… Jamais l’obsession de la transparence dans la circulation d’une information n’a autant marqué les médias, parfois bernés par les usurpateurs patentés et les adeptes du “fake”. Comme si leur notoriété dépendait du contrôle qu’ils effectuent sur eux-mêmes et sur la parole de ceux qu’ils accueillent. Dans la foulée d’une tendance forte sur le net – le “fact checking” -, les télés et radios se mettent au parfum de cet air de la vérification en créant des rubriques ad hoc.
Tous les jours, Laurent Guimier se prête à l’exercice du Vrai/faux de l’info sur Europe 1, à 8 h 15, à l’instar de Gérald Roux et de Gilles Halais dans Le Vrai du faux sur France Info, à 5 h 50, 7 h 20 et 12 h 25, ou comme Cédric Mathiot, Sarah Bosquet et Catherine Petillon dans l’excellent Désintox, rubrique du journal Libération qu’ils déclinent sur Arte dans l’émission 28 minutes…
La rigueur supposée des journalistes ne suffit plus, comme s’est évaporée la confiance dans la parole des professionnels de la politique ou des affaires : les mots, soumis aux règles du régime médiatique, ne valent plus rien en dehors de processus de validation permanents. Si l’on peut considérer ce nouveau règne du fact checking comme une résistance du journalisme vertueux, il traduit aussi un trait de notre époque : la perte de confiance, comme un nouveau mal du XXIe siècle, tel que l’analysait la philosophe Michela Marzano dans Le Contrat de défiance (Grasset, 2010). Le sentiment d’être abusé par tout ce qui nous entoure, le fait de ne croire plus rien ni personne, sont le signe d’une fébrilité généralisée dont les médias, en entretenant une paranoïa constante, restent les porte-voix (et porte-flingues) privilégiés.