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Rédigé le 30 avril 2013 dans 03 Avant-Garde : économie, société, environnement (écologie) | Lien permanent | 0 Comments | TrackBack (0)
À l’heure où s’estompent les frontières entre la TV et la vidéo numérique, les contenus premium et non premium, où les usages multi-plateformes sont de plus en plus répandues, ComScore fait le point sur le TV digitale en une infographie.
Une tendance de fond s’impose: on regarde maintenant sur la TV des contenus qui était jusqu’alors réservés aux ordinateurs et smartphones et inversement.
Cette ubiquité de la télévision, déjà importante, ne cesse de croître, quoique la TV reste leader des usages. En outre, c’est toujours elle qui recueille le plus de fonds publicitaires toutefois la publicité vidéo sur Internet est en hausse constante. Et si c’était le prochain territoire à développer sérieusement ?
Rédigé le 29 avril 2013 dans 03 Avant-Garde : économie, société, environnement (écologie) | Lien permanent | 0 Comments | TrackBack (0)
Les affichettes que l’on aperçoit chez les commerçants pour rechercher un chat ou un chien perdu posent un intéressant problème théorique. Au moment de la réalisation de l’annonce, l’animal étant par définition absent, il faut puiser dans l’archive familiale pour y trouver une photo, qui va changer d’usage. L’image privée devient publique, et son sens se modifie: alors que sa finalité reposait jusque-là dans la réflexivité du portrait, elle est mobilisée dans un but utilitaire d’identification (on peut évidemment appliquer le même raisonnement aux personnes disparues). En d’autres termes, la photo subit une opération de décontextualisation, puis de recontextualisation. Quoiqu’il s’agisse du même contenu, sa lecture est modifiée par le dispositif.
La décontextualisation est le principal ressort des mèmes visuels sur internet. Du Martine Cover Generator permettant d’associer des titres fantaisistes aux historiettes sages de Gilbert Delahaye et Marcel Marlier aux nombreux Tumblr de type “Quand je…”, où des extraits de films, de séries ou d’émissions télévisées servent d’illustration à des situations types, en passant par les remixes de La Chute ou de Batman donnant une claque à Robin, tous ces jeux visuels reposent sur l’effet comique produit par la recontextualisation forcée, par le biais d’une légende ou d’une bande-son remaniée, de contenus supposés connus (voir ci-dessous, cliquer pour agrandir).
8-9. Deux exemples de décontextualisation de "La Chute" (Hirschbiegel, 2004), copies d'écran. 10. Générateur de mèmes (copie d'écran).
La manipulation du contexte ne s’arrête pas aux usages satiriques. Elle concerne également une partie significative de l’illustration photojournalistique, lorsqu’une intention narrative préside au choix iconographique1. Gisèle Freund décrit longuement ces opérations de requalification de l’image: «Avant-guerre, la vente et les achats de titres à la Bourse de Paris se passaient encore en plein air sous les arcades. Un jour, j’y faisais tout un ensemble de photos, prenant comme cible un agent de change. Tantôt souriant, tantôt la mine angoissée, épongeant son visage rond, il exhortait les gens à grand gestes. J’envoyais ces photos à divers illustrés européens sous le titre anodin: “Instantanés de la Bourse de Paris”. Quelques temps plus tard, je reçus des coupures d’un journal belge, et quel ne fut pas mon étonnement de découvrir mes photos sous une manchette qui portait: “Hausse de la Bourse de Paris, des actions atteignent un prix fabuleux”. Grâce aux sous-titres ingénieux, mon innocent petit reportage prenant le sens d’un évènement financier. Mon étonnement frisa la suffocation quand je trouvai quelques jours plus tard les mêmes photos dans un journal allemand sous le titre, cette fois, de “Panique à la Bourse de Paris, des fortunes s’effondrent, des milliers de personnes ruinées”. Mes images illustraient parfaitement le désespoir du vendeur et le désarroi du spéculateur en train de se ruiner. Il était évident que chaque publication avait donné à mes photos un sens diamétralement opposé, correspondant à ses intentions politiques. L’objectivité de l’image n’est qu’une illusion. Les légendes qui la commentent peuvent en changer la signification du tout au tout”.2»
Héritière de la tradition graphique, la pratique illustrative voudrait associer à chaque information une image expressive, qui en serait la traduction visuelle. Mais les événements qui se prêtent à ce schéma sont peu nombreux. Pour les autres, il faut fabriquer de toutes pièces des associations entre texte et image, qui reposent le plus souvent sur la décontextualisation.
12. LeMonde.fr: Silvio Berlusconi, 15/02/2011 (Paolo Cito/AFP). 13. L'Express: couverture du 03/11/2010, Nicolas Sarkozy (Eric Feferberg/AFP).
Pour illustrer la comparution immédiate de Sylvio Berlusconi, accusé d’abus de relations sexuelles avec une prostituée mineure, LeMonde.fr choisit une photo prise quelques jours plus tôt d’un début de bâillement, sans rapport avec la situation. La recontextualisation effectuée par le titre, qui suggère un visage souffrant, comme si le président du conseil avait été touché par un coup, est une pure construction narrative. De manière similaire, L’Express, qui retient en 2011 une photographie de Nicolas Sarkozy assis dans un fauteuil de style Louis XVI pour sa couverture, omet d’informer son lectorat que cette image censée illustrer la “cour” du président français n’a pas été exécutée à l’Elysée, mais lors d’un voyage à Brazzaville, l’année précédente (voir ci-dessus).
Un autre cas de recontextualisation est fourni par les usages documentaires de l’image. Lorsque Mediapart publie en 2011 une collection privée de photos de vacances, datées de l’été 2003, celles-ci deviennent autant d’accusations à l’encontre des relations du sulfureux Ziad Takieddine. Les usages scientifiques ou analytiques extraient couramment des pièces de leur contexte d’origine, comme dans le cas de cette publicité pour une camera Eumig, épinglée par L’Internationale situationniste en 1969 comme preuve de la “domination du spectacle sur la vie” (voir ci-dessous).
14. Jean-François Copé dans la piscine de la villa de Ziad Takieddine, photographie privée d'août 2003, publiée par Mediapart le 23/09/2011. 15. "La domination du spectacle sur la vie", publicité Eumig commentée dans l'Internationale situationniste, 1969.
L’opération de recontextualisation peut être apparente ou non. Dans la recontextualisation documentaire, l’écart entre contexte d’origine et contexte d’arrivée est manifeste. Dans la recontextualisation forcée de l’illustration de presse, il est au contraire dissimulé. Dans la recontextualisation satirique, l’écart est volontairement accentué.
L’absence d’indications relatives au contexte d’origine dans l’image facilite sa décontextualisation. C’est la raison pour laquelle la photographie d’illustration, qui produit des images censées s’adapter à des usages variés, réduit l’information présente dans le cadre, en employant par exemple des fonds blancs. Le photojournalisme peut recourir à un effet similaire en utilisant des images peu situées, comme la fameuse photographie générique de gendarmes, réalisée en 2005, et qui a été repérée pour ses multiples recontextualisations3.
19-21. Divers usages, dans L'Express (2010), MSN Actualités (2011) ou L'Alsace (2013) de la photo de gendarmes (Mychele Daniau, AFP, 2005).
L’importance du contexte dans l’interprétation d’une image ne fait pas partie des problèmes habituellement discutés dans le cadre des théories photographiques. La particularité des pronoms (“je”, “tu”) ou de certains adverbes (“ici”, “hier”) de désigner, non pas des choses, mais des relations, et dont le sens ne s’établit qu’en contexte, a de longue date intrigué linguistes et philosophes. Un célèbre article de Roman Jakobson popularise en 1957 le terme de “shifter“, ou embrayeur, pour nommer cette catégorie4. En 1977, Rosalind Krauss s’appuie sur cette notion, associée à celle d’”index”, empruntée à Peirce, pour souligner le caractère référentiel de l’enregistrement photographique5.
Mais la notion d’index, qui postule une relation impérative du signe à son référent (comme celle qui unit l’empreinte à l’animal, ou la fumée au feu), enferme la réflexion dans le déterminisme sémiotique, qui ne décrit qu’une partie du processus d’interprétation. La perception culturelle de l’opération photographique comme empreinte est une composante importante de sa lecture, mais de nombreux autres éléments participent à l’élaboration du sens. Au-delà des liaisons phénoménales ou sémiotiques, strictement déterminées, la relation de l’image à son contexte est un lien sémantique construit, contingent et variable, qui détermine de manière beaucoup plus forte la compréhension d’une photographie (ou de toute représentation à caractère descriptif).
Si la variabilité du contexte n’intéresse pas les théoriciens de la photo, elle apparaît en revanche dans les travaux qui prennent en compte la réception des images. Dans Un art moyen, Pierre Bourdieu enregistre les tentatives interprétatives de sujets confrontés à un lot d’images non contextualisées: «Une mèche de cheveux, une chevelure, elle est jolie, celle-là aussi; elle est loupée, c’est fait exprès; il a joué sur les défauts pour ne laisser voir que les cheveux. Un tour de force, ça! C’est un artiste qui a fait ça?» «Une chose qui manque, c’est d’avoir fait de la photo. On ne peut pas savoir ce qui est loupé»6.
Selon Bourdieu, «la lisibilité de l’image elle-même est fonction de la lisibilité de son intention (ou de sa fonction)». En observant que «l’attente du titre ou de légende qui déclare l’intention signifiante» est le seul critère permettant «de juger si la réalisation est conforme à l’ambition explicite», le sociologue porte un regard sévère sur cette esthétique populaire, incapable de s’élever vers une perception non strictement fonctionnelle.
Mais ces réactions de spectateurs montrent clairement que la signification d’une image n’est pas toute entière livrée par l’examen de son contenu. D’autres éléments d’information sont nécessaires pour comprendre l’objet soumis au regard. L’identification de l’intention de l’auteur est une manière de tenter de reconstituer le contexte natif de l’image, et de produire une évaluation adaptée à la proposition. Lire une image descriptive, c’est la relier à un contexte.
Alors que le lien sémiotique de l’index est fermement déterminé par la réalité phénoménologique de l’enregistrement, on ne peut qu’être frappé de la fragilité et de l’arbitraire de la relation contextuelle, qui n’a aucun fondement dans l’image et qui relève de la construction narrative. Or, c’est ce second lien qui participe à l’établissement du sens. Comme la fumée qui désigne le feu, la liaison indicielle ne livre qu’une information: ça a été. Mais cette information n’est interprétable qu’a partir d’une connaissance du contexte7. En photographie, tout l’art consiste a renverser cette corrélation, et à faire passer la détermination sémantique (contingente) pour une détermination sémiotique (impérative).
Version revue de mon intervention dans le séminaire “Culture Visuelle” du 11/04/2013 (iconographie sur Flickr).
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Rédigé le 28 avril 2013 dans 03 Avant-Garde : économie, société, environnement (écologie) | Lien permanent | 0 Comments | TrackBack (0)
par Isabelle Roberts, Raphaël Garrigos
tag : Bourre-Paf
Florent, candidat de Top Chef - Photo Julien Knaub - M6
Autant vous le dire d’emblée : cet article n’est pas bien. Cet article n’est pas super, ni cool, ni agréable. Non, cet article, il est bon. Il est malin. Il est croquant. Il est graphique. Très graphique. Il a de la texture. Du goût : bref, il se passe quelque chose, avec cet article. Là, vous devez hurler : « ON LEVE LES MAINS ! » Sinon, bon ben, on vous explique : c’est Top Chef, qui, ce lundi à partir de 20 h 50 sur M6 et (jusqu’à 4 h 30 du matin vu l’éternité que dure chacune des émissions), verra certainement hélas notre chouchou Florent (même s’il commence sérieusement à nous saouler avec sa cuisine d’autodidacte de bon sens qui travaille le produit rustique machin machin) se faire rétamer en finale. Et plus, bien plus qu’une émission culinaire, Top Chef, c’est un vocabulaire. Ou plutôt, parce que ça sent bon la pomme de terre qui rôtit, confite de beurre, dans la braise de cep de vigne où chuintent quelques larmes de bon gras pendant que le romarin nous frisouille les poils du nez, Top Chef, c’est du verbe.
Bon, après hein, c’est du verbe de télé. Et les chefs, à commencer par le plus cathodique d’entre eux, Cyril Lignac, né dans le poste (Oui chef, souvenez-vous, il pleurait), s’y font à merveille. Ainsi, le « c’est gourmand » dont, l’œil mi-clos mi-repu, les chefs usent et abusent pour décrire un plat où il y a du bon manger dedans. Mais il y a une nuance : quand c’est gourmand, généralement, c’est pas joli ou plutôt, en langage Top Chef, « graphique ». Que voulez-vous, c’est que, tant que ces incapables de la télé seront infoutus d’inventer une émission en odorama ou un service de livraison à domicile instantané des plats que préparent les candidats, il en faudra du verbe pour qu’on comprenne bien comment c’est bon. Et c’est ainsi que les chefs nous aguichent la papille : « il y a du croquant », « il y a un beau volume », « il y a de la texture », « l’oignon explose en bouche », « l’acidité », « le peps ».
Sur la technique des candidats, les chefs ont également une incroyable palette sémantique : « il y a du travail », « il y a de l’engagement », voire le combo « il y a eu du travail engagé ». Enfin, surtout, il y a « le jus » dont la seule évocation par chef Piège (oui, nous, on les appelle comme dans l’émission, les chefs) dévoile la possibilité d’une sensualité. Ah ce « jus » qui, dans le prononcé de sa fricative et l’étirement de son « u », nous raconte une merveille de concentré cuit et recuit, petite mare viandesque, brune, presque auburn, aux effluves d’ail fondu dans des sucs perclus de… mais ah, on s’emballe. Ce jus. Limite, il nous ferait mollir alors que, faut pas déconner, dans Top Chef, Cyril Lignac a réussi l’exploit d’inventer l’équivalent, en commentaire culinaire, du chamoulesco-tennistique « égalité parfaite » (oui, quand il y a 15-15, égalité parfaite, plus parfaite que 15-16 mais alors c’est plus de l’égalité, et d’ailleurs ce n’est même plus du tennis) : « Gustativement, c’est bon. » Auquel répond le magique « c’est joli visuellement ».
Le candidat de Top Chef est fourni avec deux éléments sémiologiques indispensables : le langage de charretier et la musique. Où qu’il aille, du four aux blancs en neige en train de monter, le candidat est nappé d’une incessante musique, tirée d’un jeu vidéo ou d’un blockbuster quelconques, et qui fait passer le moindre coupé de carottes pour le dézingage au canon à électrons d’une maousse météorite menaçant de s’écraser sur la Terre dans 3… 2… 1… Aaah ! Le langage de charretier, à base de « putain, fait chier », de « merde, merde, merde », voire de « connard de beurre demi-sel », ne traduisant, on l’imagine, en fait que la légère exaspération d’avoir sans cesse dans les oreilles cette musique serre-kiki. Si l’on passe sur le « spéchiale » du candidat néerlandais Joris (oh ça va, que celui qui ne s’est jamais moqué de l’accent batave nous jette le premier Dave), chaque candidat partage en outre des expressions identiques. Le déjà fameux « je vais me faire plaisir » (non pas en me mettant nu et en frottant mon corps contre chef Marx, mais en épluchant des rognons de veau) a ses adeptes.
On retrouve aussi le jumeau maléfique du « il y a de l’engagement » des chefs : « J’ai engagé beaucoup de travail. » A traduire par « j’ai tout salopé du sol au plafond y compris avec mon propre sang quand j’ai détaché un bout de doigt à la mandoline ». Au chapitre des manies, on dénombre un goût plus que douteux chez les candidats à faire des plats « gastro », une même incapacité à réussir le moindre caramel (un échec commun d’ailleurs à toutes les émissions culinaires et dont il n’est pas rare qu’elle se termine avec une casserole en feu), une obsession de tout cuire en « trois façons » (afin d’avoir, plutôt qu’une bonne idée, trois ratées) et enfin cette antienne destinée à se motiver venue des Compagnies républicaines de sécurité : « Faut taper dedans. »
Les vrais savent. Les vrais savent qu’un Top Chef de 2013 ne parle pas la langue d’un Top Chef de 2012. Les vrais savent que la verrine est tellement old qu’elle n’a jamais eu sa place dans Top Chef. Les vrais savent que l’agar-agar est sooo 2011. Que la feuille de brick restera en 2012 avec l’imprimé africain. Cette année, la tendance, c’est la chips. Mais pas celle crissante de sable des pique-niques d’enfance : la chips de tomate, la chips de pain, la chips de vert de poireau, de saucisse, de pattes de poulet et de vitelotte, s’il vous plaît « pour la couleur et le croquant ». Le maki a remplacé la feuille de brick de 2012, même s’il s’agit toujours de tout fourrer dans une crêpe, tandis que, cette année, côté technique, c’est le siphon qui succède à l’agar-agar, le principe étant de faire une légère émulsion des mêmes ingrédients qu’on solidifiait du temps de Sarkozy. Symbole. Le seul, tel un mât dans la tempête de butternut et de citron-caviar de Top Chef, à ne jamais bouger d’un pouce, c’est l’animateur. Mais si, il y a un animateur dans Top Chef : Stéphane Rotenberg, chargé, de surveiller le chronomètre (« plus que quinze secondes ») et de dire « stop, on lève les bras » à la fin de l’épreuve. C’est un métier de peu, un travail ingrat mais Stéphane Rotenberg campe une admirable horloge parlante.
Rédigé le 28 avril 2013 dans 03 Avant-Garde : économie, société, environnement (écologie) | Lien permanent | 0 Comments | TrackBack (0)
http://www.rue89.com/2013/04/27/bonheur-chose-trop-serieuse-etre-laissee-sondeurs-241772
Depuis quelque temps, on en fait des tonnes avec des statistiques de « bonheur » issues de sondages, où l’on pose aux gens une question du genre « êtes-vous globalement satisfait de la vie que vous menez et pourriez-vous noter votre degré de satisfaction entre 0 et 10 ? ».
Les commentaires fleurissent sur le prétendu déficit de bonheur des Français au regard d’autres peuples. Je ne vais pas y aller par quatre chemins : tout cela, c’est du vent médiatique, en même temps qu’une source de notoriété facile pour un petit cercle d’économistes spécialisés dans la ventilation.
Je ne dis pas qu’on ne peut rien faire ou dire d’intéressant dans le domaine de « l’économie du bonheur » (objet d’un bon petit livre de Sophie Davoine dont j’ai déjà rendu compte).
Mais ces histoires de Français malheureux, ce « benchmarking » international, avec des explications hautement spéculatives de notre prétendu malheur, c’est à peu près aussi sérieux que les thèses des économistes Algan et Cahuc sur le fait que nous serions le pays de la défiance généralisée.
Des thèses réduites à néant, y compris sur le plan méthodologique, par des critiques dont j’ai également fait état. Serais-je trop sévère ? A vous de voir, compte tenu de ce qui suit.
Les prophètes de malheur, par exemple ceux qui sont parvenus à « vendre » à la presse britannique un article à succès sur la morosité des Français, en tapant au passage sur le système éducatif français (qui a bien des défauts, mais rien ne prouve leur influence sur ces données), se gardent bien de présenter les statistiques comparatives complètes.
Ils vous disent que la note moyenne de bonheur subjectif des Français est inférieure à celle des Etats-uniens, des Canadiens, des Suisses ou des Nordiques. Ce qui est vrai. Vous disent-ils que nous sommes un peu mieux classés que le Royaume-Uni, et nettement mieux que l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie ou le Japon ?
Voici le dernier tableau disponible de l’OCDE pour 33 pays. La France est 14e, au-dessus de la moyenne pour cet ensemble, avec une note de 7, contre 7,1 aux Etats-Unis, une différence non significative. L’écart est plus significatif avec l’Allemagne (6,7, soit la moyenne pour les pays de l’OCDE) et plus encore avec le Japon et l’Italie (6,1).
Indices de satisfaction de vie (OCDE)
Zut, à l’heure où le modèle allemand nous est présenté comme la seule voie de sortie, ce serait un anti-modèle de bonheur national ? A quel saint se vouer ?
Quoi qu’il en soit, une chose est sûre : il n’y a pas de malheur français avéré, même en s’appuyant sur ces données, qui sont fort discutables comme on va le voir.
Je ne sais pas quelle note vous vous donneriez, mais en ce qui me concerne je serais bien embêté. Je pourrais aussi bien me mettre 9 que 3. Supposons en effet qu’au lieu de me demander une réponse instantanée, les sondeurs de mon bonheur me laissent quelques jours de réflexion.
Je pourrais alors tenir un raisonnement me conduisant à la note 9 sur 10. Il suffirait pour cela que je me dise que, par rapport à la majorité de mes concitoyens, je suis, selon des critères strictement individuels, sinon un « privilégié », en tout cas quelqu’un qui a la chance d’avoir une bonne retraite, des activités qui le passionnent, des amis et des proches super, des petits-enfants adorables, une santé moyenne mais acceptable, etc.
Je pourrais même théoriser cela en termes de « capabilités » au sens de Amartya Sen : j’ai vraiment un large éventail de libertés de choix de vie souhaitée pour mon âge avancé. Note = 9. Mais une toute autre séquence réflexive, de type dépressif, pourrait aussi emporter mon jugement vers une très mauvaise note.
Nous vivons dans un monde de chômage, d’exclusion, de travail stressant, le fric règne en maître, les inégalités sont insupportables, les risques de violences locales et mondiales sont perceptibles, mes petits-enfants vont peut-être connaître un monde terrible en raison de la crise écologique, nos politiques ne font rien de sérieux pour réorienter tout cela, la démocratie est malade, les grands médias sous influence néolibérale, la xénophobie menace.
Toutes ces considérations collectives affectent gravement mon bonheur individuel, elles m’angoissent parfois. Note = 3.
L’incertitude est donc vraiment radicale, même sur le plan des réponses individuelles. Mais elle l’est encore beaucoup plus pour des comparaisons internationales.
D’abord parce que, dans mon petit raisonnement précédent, j’ai mentionné le fait que j’étais amené à me noter, sur les critères individuels, « par rapport à la majorité de mes concitoyens ». Il y a donc forcément du relatif dans un tel jugement, relatif à la société dans laquelle on vit.
Implicitement, on juge sa qualité de vie ressentie en tenant compte, au moins pour une part, de celle des autres, de l’environnement social. Ce n’est pas comme si on classait les pays en fonction de leurs émissions de CO² ou de leur taux de crimes.
En fait, ces notes par pays ne sont pas vraiment comparables parce que les normes de bonne vie diffèrent selon les sociétés. Or, se noter entre 0 et 10, c’est se référer implicitement à des normes de très bonne ou très mauvaise vie.
Ensuite, si le jugement global de « satisfaction par rapport à la vie que l’on mène » est (c’est mon hypothèse) un mélange de critères individuels et de critères collectifs de vie en société, il n’y a aucune raison pour que tous les peuples, compte tenu de leurs histoires, de leurs cultures, de leurs religions… pondèrent de la même façon ces deux composantes (entre autres) du bonheur déclaré.
Par exemple, un peuple amérindien pour qui le « bien vivre » est étroitement associé au fait de vivre en harmonie avec la nature, plus que sur les critères individualistes occidentaux, pourra décrocher une note excellente avec beaucoup moins de « qualités de vie individuelle ».
Sur le plan formel, c’est la même question que l’on pose (avec des problèmes de traduction), mais elle n’a pas forcément le même sens partout. Il n’est pas certain que les habitants des pays nordiques et ceux des Etats-Unis notent « la même chose » en répondant à une question globale qui semble identique.
Je résume : tout cela, c’est de la poudre aux yeux culpabilisante en direction de ces Français souvent présentés comme d’incorrigibles râleurs. Faisons en sorte que les citoyens délibèrent sur ce qui compte le plus pour eux, sur ce qu’ils aimeraient laisser comme patrimoines ou biens communs aux générations suivantes, sur ce qui peut ou non se traduire en indicateurs.
Le bonheur est une chose trop sérieuse pour être laissée aux sondeurs et à ces classements internationaux largement dépourvus de sens.
Rédigé le 27 avril 2013 dans 03 Avant-Garde : économie, société, environnement (écologie) | Lien permanent | 0 Comments | TrackBack (0)
Un Anglais publie sur internet des photos de son voleur (DR).
C'est un voleur qui a mal choisi sa cible. Ce jeune homme chauve a dérobé un ordinateur portable et des cartes de crédit à un designer de jeux vidéo à Londres en octobre 2011. La police n’a pas pu le retrouver, aussi pensait-il s'en tirer à bon compte. C'était ignorer les connaissances en informatique de sa victime.
Le propriétaire original de l'ordinateur, qui désire garder l’anonymat, avait installé un programme appelé Hidden sur son appareil. Cela lui permet de recevoir une capture d’écran de l'ordinateur, une image prise par la webcam et des informations sur sa localisation toutes les dix minutes. En somme, il peut suivre toute l’activité en ligne de son voleur.
Ce qu'il a découvert ? Beaucoup de visites de sites pornographiques, dont une préférence pour l’un d’entre eux, Plumper Pass, spécialisé dans les personnes enrobées. Cet Anglais a donc décidé de reporter l’activité de son voleur sur un Tumblr baptisé "Plumpergeddon", "les confessions sordides d’un MacBook volé".
La victime mène son enquête sur le web et outre les sites graveleux, a pu également voir le profil de son agresseur sur un site de rencontres, les objets qu’il vend sur eBay (un iPad neuf par exemple), mais aussi son visage via la webcam.
Sur son Tumblr, il explique, amer, qu’il a bien transmis toutes les informations collectées à la police, sans que cela ne fasse évoluer l’affaire. "Donc c’est l’histoire de ce que la police n’a pas fait avec toutes ces preuves, et ce que j’en fais maintenant, écrit-il. Je fais ce blog parce que je ne veux pas oublier cette histoire, en partie pour ma santé mentale, mais surtout parce que c’est bien trop divertissant pour la laisser de côté. Je le fais pour que le responsable soit humilié publiquement pour ses forfaits et pour que d’autres soient prévenus."
"Je me sens mieux concernant cette expérience négative", a-t-il affirmé. "J'avais peur à l’idée d’entendre la musique d’attente de ma banque ou j'étais nerveux dans le centre de Londres là où le vol a eu lieu, surtout quand j’avais des choses de valeur dans mon sac”, affirme-t-il dans une interview donnée au magazine anglais en ligne "The Register".
Selon le site, la victime compte désormais tirer des revenus de son Tumblr.
Rédigé le 26 avril 2013 dans 03 Avant-Garde : économie, société, environnement (écologie) | Lien permanent | 0 Comments | TrackBack (0)
Le blog des idées locales est une initiative imaginée par Solocal Group (anciennement Pages Jaunes) pour proposer aux professionnels en quête de solutions pour développer leur activité au niveau local un espace recensant les initiatives Les plus originales. Ce sont Gérard Lenepveu (au centre), Ly Danh Papin et Eric Beuzen qui représentent Solocal Group.Tout à gauche, Romain Hussenot, journaliste à LCI et animateur de la soirée.
Rédigé le 26 avril 2013 dans 03 Avant-Garde : économie, société, environnement (écologie) | Lien permanent | 0 Comments | TrackBack (0)
Rédigé le 26 avril 2013 dans 07 Pepiniere de Planneurs Stratégiques | Lien permanent | 0 Comments | TrackBack (0)
http://www.ecrans.fr/Detrone-Apple-cherche-a-se,16300.html
par Christophe Alix
Photo Lucas Jackson / Reuters
L’histoire retiendra-t-elle un jour que l’âge d’or de la pomme croquée aura duré dix ans ? Dix années au cours desquelles la croissance folle du plus célèbre des fabricants de high-tech n’aura cessé de repousser les limites d’une rentabilité qui forçait l’admiration des marchés et de la concurrence lancée à ses trousses. En forçant à peine le trait, cette décennie dorée, qui fit de cette entreprise la première capitalisation boursière de la planète pendant dix-huit mois, jusqu’au début de cette année, semble aujourd’hui appartenir à un autre temps.
Depuis le sommet de septembre où le titre culmina à 702 dollars (540 euros), l’action du géant californien a chuté de 40%, et vient de passer sous le seuil des 400 dollars. Et pour la première fois hier, Apple a annoncé le premier recul de son bénéfice net après presque quarante trimestres de hausse. Malgré un chiffre d’affaires impressionnant de 43,6 milliards dollars sur les trois premiers mois de l’année, en hausse de 10%, la plus belle cash machine de la première décennie du XXIe siècle a vu sa rentabilité chuter de 18%, à 9,5 milliards de dollars (7,3 milliards d’euros).
Ces chiffres à faire pâlir d’envie n’importe quelle entreprise signent-ils le début d’une normalisation d’Apple, dans le paysage très mouvant des nouvelles technologies ? Explication d’une entame de déclin financier qui, comme le dit le successeur de Steve Jobs à la tête de l’entreprise, Tim Cook, s’avère « très frustrant pour nous tous ». C’est-à-dire pour les millions d’actionnaires d’Apple et ses quelques dizaines de milliers de salariés.
Sur un plan commercial, les ventes d’Apple ont progressé par rapport à la même période l’an dernier. La firme aura écoulé 37,4 millions d’iPhone au premier trimestre (+ 7%) et 19,5 millions d’iPad (+ 65%). Alors que le marché anticipait un désastre, les ventes ont résisté après une fin d’année record — 47,8 millions de smartphones et 22,9 millions de tablettes vendus. « Apple reste très fort », affirme Tim Cook, insistant sur la fidélité des clients et la force d’un écosystème constitué, entre autres, par ses boutiques en ligne iTunes et AppStore, qui représentent une base captive de 400 millions de clients, de très loin la première au monde pour les contenus dématérialisés. Mais c’est le « panier » des acheteurs qui a évolué. Une part conséquente des volumes écoulés concerne soit des produits d’ancienne génération (iPhone 4 et 4S), soit des nouveautés sans innovation (iPad mini), dont les prix plus bas dégagent des marges inférieures. Tim Cook a reconnu que l’iPad mini pouvait cannibaliser les ventes de son grand frère, mais Apple préfère organiser sa propre concurrence plutôt que de laisser à d’autres le soin de grignoter des parts de marché encore hégémoniques dans les tablettes.
Cette évolution des ventes s’est logiquement fait sentir sur la marge opérationnelle du groupe, passée d’un stratosphérique 47,4% il y a un an à 37,5% au dernier trimestre. Une dégradation qui inquiète d’autant plus les investisseurs qu’Apple a déjà prévenu qu’elle allait se poursuivre et atteindre 36 à 37% au prochain trimestre. « Les investisseurs adoreraient savoir quand ces marges vont se stabiliser, explique Rob Cihra, du cabinet Evercore Partners. Malheureusement, Apple ne nous a pas donné de réponse. »
A défaut de les rassurer sur l’évolution de sa rentabilité, le fabricant a promis hier d’inonder de cash ses actionnaires, dans des proportions jamais vues. Grâce à une trésorerie de 145 milliards de dollars (110 milliards d’euros) accumulée à la fin mars, Apple prévoit de financer « le plus gros rachat d’actions de l’histoire ». Il s’agit de faire remonter un cours — notoirement sous-évalué aujourd’hui — devenu au fil des années une valeur refuge des fonds d’investissement et des épargnants américains. Annoncé l’année dernière, ce programme de 100 milliards de dollars va servir à racheter pour 45 milliards d’actions supplémentaires d’ici à 2015 et permettre d’augmenter de 15% le dividende trimestriel versé aux actionnaires. « Nous générons des liquidités en excès par rapport à nos besoins », explique Tim Cook qui espère ainsi pouvoir enrayer la chute de son cours de Bourse. En réalité, Apple cède surtout aux pressions du marché. Tout récemment, un fonds lui avait reproché de ne pas faire assez profiter ses actionnaires de sa masse énorme de liquidités.
Cette annonce ne semble pas avoir eu beaucoup d’effets. Alors qu’elle avait d’abord fait remonter très vite le titre de 5% dans la foulée de la conférence téléphonique de Tim Cook avec les analystes, l’action perdait hier 1,26% à Wall Street, à 401 dollars à la mi-séance. « Il y a beaucoup de confusion autour d’Apple », expliquait hier un analyste, tandis qu’un autre critiquait cette logique purement financière. « Les marchés constatent qu’Apple n’a pas à ce jour de solution pour retrouver de la croissance », commentait Walter Piecyk du cabinet BTIG Research. D’où le sentiment que Tim Cook a peut-être frappé un énorme coup d’épée... dans l’eau.
Afin de rassurer les investisseurs, Tim Cook s’est dit « très confiant dans le portefeuille de produits en préparation ». Il leur a promis « d’incroyables nouveaux appareils, logiciels et services [...] cet automne et tout au long de 2014 ». Or, Apple n’a présenté aucune nouvelle « rupture » technologique depuis l’iPad en 2010 et de nombreuses voix se sont élevées, mettant en doute la capacité de Tim Cook à continuer à innover comme du temps de Steve Jobs. Les analystes tentent bien de « lire » l’avenir en scrutant ses commandes de composants et d’écrans. Mais l’exercice est devenu très difficile, en raison de la diversification des sources d’approvisionnement afin de ne plus dépendre, comme avant, de Samsung, devenu l’ennemi numéro 1.
Des internautes imaginent la iWatch - Photo Brett Jordan, CC BY
Parmi les pistes évoquées, celle d’un iPhone low-cost semble la plus sérieuse. Destiné prioritairement aux pays émergents comme la Chine et l’Inde, il permettrait à Apple d’y concurrencer les dizaines de mobiles équipés du système Android de Google, plus adaptés au pouvoir d’achat des classes moyennes. Même s’il ne s’agit que de rumeurs, Apple plancherait aussi sur une montre connectée révolutionnaire, baptisée « iWatch » par la presse. Sans oublier l’Arlésienne d’un « téléviseur », jamais commentée à ce jour par Apple, mais dont beaucoup disent qu’il s’agissait du projet ultime de Steve Jobs. Des projets, avant une next big thing qui commence sérieusement à se faire attendre.
Rédigé le 26 avril 2013 dans 03 Avant-Garde : économie, société, environnement (écologie) | Lien permanent | 0 Comments | TrackBack (0)