Le blues des agences de pub anglo-saxonnes à Paris
Les structures de taille moyenne, en particulier, traversent une passe délicate. Elles sont aussi les victimes du changement radical du « business-model » publicitaire : les moins bien dotées n'ont pas su, ou pas pu s'adapter.
Certains diront qu'elles ont mangé leur pain blanc. Ou, de façon plus élégante, que leur âge d'or est derrière elles. Mais, quelle que soit la formulation, les faits sont là. Pénalisées par la crise du secteur et par l'arrivée de nouveaux concurrents issus du monde de l'Internet et du logiciel, beaucoup d'agences de communication d'origine anglo-saxonne installées à Paris éprouvent de plus en plus de difficultés à offrir la multi-expertise (publicité, savoir-faire digital, communication corporate et événementielle, fabrication de contenus de marques...) qu'exigent d'elles les annonceurs.
Elles n'en meurent pas toutes, mais toutes sont frappées, aurait dit Jean de La Fontaine. Qu'il s'agisse du holding britannique WPP (JWT, Ogilvy, Grey, Young & Rubicam), des américains Interpublic (McCann, DraftFCB, Lowe Stratéus) et Omnicom (DDB, TBWA, BBDO), ou encore de Publicis (Saatchi & Saatchi et Leo Burnett). « C'est la première fois depuis le début des années 1960 que l'on assiste à un changement aussi dramatique du "business model" de notre métier », explique Guy Chauvel, ex-vice-président d'Euro RSCG Worldwide, ex-patron de JWT Worldwide et récent créateur du groupe What's Next Partner. « Ces dernières années, les anglo-saxonnes n'ont pas su s'adapter en France. Beaucoup ont raté le virage du digital et on estime qu'entre 1995 et 2005, les agences situées entre la 6e et la 15e place du classement en France ont perdu de 30 à 35 % de leur marge brute. » Surtout, leur taille moyenne ne leur offre ni la puissance de feu des géants Publicis et Havas, ni la rapidité et l'agilité d'un Marcel (Publicis) ou d'un Fred & Farid. Témoins, les difficultés traversées actuellement par des agences telles que DraftFCB, Grey et JWT. Ou encore Saatchi & Saatchi + Duke qui, agence légendaire du lessivier Procter jusqu'aux années 2000, ne concentre plus son énergie que sur trois comptes : Pampers, Head & Shoulders et Fixodent.
Un marché à deux vitesses
Pourtant, créées pour la plupart dans les années 1970, ces agences étaient parvenues, dans les décennies suivantes, à se débarrasser de l'appellation condescendante de « boîtes à lettres » dont les avaient affublées leurs concurrentes. « Mais, au début des années 2000, les anglo-saxonnes ont amorcé une lente descente liée à l'effritement de leur rémunération, décrypte Eric Delannoy, patron de Talents Only et ancien président de TBWA France (Omnicom). Or, p our qu'une filiale ait du pouvoir au sein de son réseau , il faut qu'elle soit "lead agency", c'est-à-dire qu'elle fasse de son pays le centre de gestion de multiples budgets internationaux. Mais elle doit pour cela avoir les moyens d'offrir des talents et une approche multidisciplinaire aux annonceurs. Le prix d'un vrai "talent" oscille entre 300.000 et 400.000 euros annuels. Peu d'entre elles peuvent se le permettre. »