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Peu importe le support. Là où il y a du réseau, une connexion Wi-Fi, il y a Internet. Dans la rue, le métro, à table, tout le monde a le nez rivé sur son écran. L'ordinateur à lui seul ne suffit plus. Aujourd'hui, on consulte ses mails depuis son téléphone portable ou sa tablette. C'est d'autant plus vrai en Chine où, sur près de 600 millions d'utilisateurs, 420 millions se connectent sur le Web via leur smartphone. Presque chaque site a son application mobile et un équivalent étranger. Weibo (500 millions d'utilisateurs) est à la Chine ce que Twitter est aux Américains, de même que la plateforme de vidéos Youku-Tudou (370 millions de visiteurs) se compare à YouTube (régulièrement soumis à la censure) et, enfin, Taobao à la fameuse Craigslist, l'espace dévolu aux petites annonces. Peut-être plus que d'autres, la Toile chinoise n'est pas celle que nous connaissons, car trop souvent passée au filtre des autorités. Reste qu'elle demeure un espace de communication et d'ouverture privilégié. Alors, qui surfe sur le Web et pourquoi ?
Des profils bien distincts
D'après le cabinet de conseil McKinsey & Company, il existe différentes catégories d'internautes chinois. Le profil le plus notable est donc celui du mobinaute, à savoir l'internaute - le plus souvent une jeune femme de 18-25 ans - qui ne se connecte sur la Toile que par le biais de son téléphone mobile. Viennent ensuite les cadres et les étudiants - qui surfent essentiellement sur les moteurs de recherche, les réseaux sociaux et les plateformes de vidéos -, puis les traders et les e-commerçants, c'est-à-dire les individus dont le métier repose essentiellement sur Internet, et plus particulièrement sur un site qu'ils consultent presque exclusivement chaque jour. En quatrième position, on trouve les gamers qui passent le plus clair de leur temps à jouer en ligne. Âgés de 15 à 25 ans, on retrouve généralement ces spécimens dans les cybercafés. Une fois entrés dans la vie active, les voilà devenus des geeks, c'est-à-dire des experts en nouvelles technologies qui ont su convertir leur passion en profession.
Le reste est constitué de consommateurs modérés qui représentent un quart de la population. Ils sont plus âgés et souvent moins cultivés, et leur préférence va à la télévision, qui demeure "le meilleur moyen de faire de l'audience", affirme l'auteur producteur d'émissions de télé-réalité français Alexis de Gemini, réalisateur de Beauty Academy, tournée en 2011 à Shanghai. Cette typologie permet aux conseillers du cabinet McKinsey de développer des stratégies adaptées aux besoins de chacun de leurs clients.
La confiance règne
Si Internet est avant tout un outil de travail, en Chine, il tient aussi le rôle d'ami, de confident. Une conception qui s'explique par des questions à la fois politiques et culturelles. Soumis à la censure d'un régime totalitaire, les Chinois ne pouvaient rester insensibles à la liberté, même contrôlée, que leur offrait le Web. Discréditée, la parole de l'État pèse désormais moins lourd que celle d'un internaute lambda. L'autorité de la Toile tient par ailleurs à un facteur démographique. Lancée en 1970, la politique de régulation des naissances, limitant le nombre d'enfants à un par famille, est responsable d'une moindre ouverture sur le monde extérieur. Centre d'attention unique de leurs parents, voire de leurs grands-parents, les "enfants rois" ont tendance à se réfugier derrière leur écran, soit par timidité soit par paresse. En effet, pourquoi aller au-devant des gens quand on peut faire des rencontres en l'espace d'un clic ?
Enfin, ce comportement influe sur l'économie du pays. Certains secteurs fleurissent ; d'autres dépérissent. L'empire du Milieu compte désormais environ 242 millions de e-shoppers. "Alors qu'un Chinois achètera sans réticence aucune une crème de beauté ou un kiwi par correspondance, un Français montrera une plus grande méfiance à l'égard des produits vendus en ligne", explique Yueping Wang, chargée des relations publiques chez Sopexa. Gare à la fièvre acheteuse ! La confiance dont jouit le Net en Chine est telle que tablettes, portables et ordinateurs sont devenus des mini-supermarchés virtuels.
À l'inverse, le cinéma souffre d'un abandon progressif. Adeptes du Web, les cinéphiles chinois téléchargent presque que cinq fois plus que les Français. C'est la logique du "Si tu ne vas pas au cinéma, le cinéma ira à toi". Comment voir les films censurés autrement ? Paradoxalement, la Chine demeure le plus gros marché étranger de Hollywood. Malgré les quotas imposés sur l'importation de ses longs-métrages, elle enregistre une croissance de 36 % en un an. Encourageant ?
"Présent partout et visible nulle part", comme dirait Flaubert au sujet d'un auteur, Internet s'immisce dans nos vies sans que l'on puisse, semble-t-il, l'arrêter. Personne ne s'en plaint, encore moins la Chine qui devrait compter 750 millions d'internautes d'ici à 2015.