Clients au bord de la crise... de nerfs
ETUDE
Plongés dans une crise qu'ils estiment durable, les Français modifient leurs comportements d'achats et leurs attentes vis-à-vis des industriels et, surtout, des distributeurs dont ils se méfient. Selon l'étude d'Altavia/ShopperMind, que LSA vous dévoile en avant première, ils veulent des produits qui durent, plus locaux, et des commerçants plus attentionnés.
La crise ? Impossible d'y échapper... Médias, famille, voisins, travail : elle touche tous les pans de notre quotidien. La vaste
MÉTHODOLOGIE
L'étude « Crise du shopping et/ou shopping de crise » mêle analyses qualitative, autour de trois forums consommateurs, et quantitative (sondage de 48 questions). Elle a été réalisée en juin 2013, avec le soutien de Ginger Marketing. Pour accompagner cette sorte d'observatoire des comportements de crise, Altavia/Shopper Mind propose un « outil de pilotage » pour les retailers et les marques, afin de les aider à construire leurs plans commerciaux et marketing 2014.
étude réalisée sur le sujet par ShopperMind, l'observatoire dédié au comportement des shoppers et à l'évolution du commerce du groupe Altavia, que LSA vous révèle aujourd'hui, confirme qu'elle est profonde. 72% des Français interrogés se disent sérieusement exposés et 31% directement touchés : des consommateurs « à vifs », comme les qualifient les auteurs de l'enquête. Seul un quart de la population - heureux élus ! - se dit relativement épargné.
Pour les autres, le quotidien est délicat. Depuis trois ans, les Français avaient déjà appris à économiser sur les budgets compressibles, les achats plaisirs, les vacances, les produits culturels... et à devenir malin.
Des fins de mois... très délicates
Aujourd'hui, ils font même des choix dans les parties de leurs budgets que l'on croyait intangibles, comme l'alimentaire : un quart des Français ont baissé le budget qu'ils consacrent à leur nourriture. En langage courant, cela donne des réactions de ce type : « Acheter juste un demi-litre d'huile pour finir le mois » ou encore arrêter purement et simplement d'acheter de la viande, arguant « d'économies bien réelles. »
Quand on sait que près de deux tiers des foyers sondés anticipent une baisse, ou une stabilité de leurs budgets domestiques dans
LES FRANÇAIS « À VIFS »
- 72% des sondés se disent sérieusement exposés à la crise, dont 31% très exposés ou en subissant directement les effets
- 63% estiment qu'ils vont devoir continuer à baisser leur budget dans le futur
- 50% s'inquiètent de la situation financière familiale (pour leurs enfants à 34% et pour leurs parents à 16%), plus que sur leurs propres revenus (28% disent qu'ils ont baissé)
- 43% atteignent « la fin de mois » avant ou à partir du 15 du mois (53% le 20) Source chiffres: ShoppermInd
les deux ans à venir, il y a de quoi s'inquiéter. « Ils se sentent étranglés, leur " reste à vivre " est de plus en plus mince, notent les responsables de l'étude, Jean-Marc Megnin et Nathan Stern, directeur général et président de ShopperMind. N'ayant pas la main sur les charges et des achats contraints, leur comportement s'adapte et la prudence prédomine. »
Les fins de mois, en particulier, cristallisent cette inquiétude. Pour 43% des Français, elles commencent avant ou à partir du 15 ! « Les clients ont presque deux personnalités, avant et après le milieu du mois, observe Jean-Marc Megnin. Proposer des rouleaux de 36 unités après cette date, ça semble presque indécent à certains. »
Vieux réflexes
Tenus de gérer au plus juste, les clients veulent maîtriser leurs dépenses. Ils rejettent le crédit à la consommation, reportent leurs achats ; préfèrent mensualiser, forfaitiser. « On retrouve les réflexes du début de la grande distribution, indique Jean-Marc Megnin. Je ne dépense que ce que j'ai dans mon porte-monnaie, les gens veulent savoir précisément où ils en sont. » Ce qui explique le succès grandissant des formules d'abonnements, comme celle que propose Pampers sur Amazon, par exemple, ou des solutions du type location.
Plus arbitres de leur consommation que jamais, les Français optimisent leurs courses, leurs déplacements. Ils se montrent aussi
UNE CRISE DU SHOPPING ?
- 68% des Français ne font plus confiance au commerce pour défendre leurs intérêts face à la crise
- 66% pensent que le commerce n'écoute plus et ne sert plus les intérêts de ses clients
- 31% vont plus qu'avant acheter sur internet
- 39% disent aller moins qu'avant en magasins, 42% aller moins qu'avant en centres commerciaux, et 51% moins qu'avant faire du shopping en centre-ville
- 73% estiment que c'est à eux seuls d'être vigilants et aux consommateurs de faire face
très critiques pour les commerçants classiques traditionnels, dont le niveau de service et l'accueil sont montrés du doigt. « L'étude traduit une vraie crise de confiance vis-à-vis des distributeurs et plus largement du système en général, le marketing, les artifices », relèvent les experts de ShopperMind.
Au bout du rouleau...
« Les gens cherchent le loup », indique Jean-Marc Megnin, qui garde en mémoire cette femme déroulant des rouleaux de papier-toilette premiers prix et MDD dans son jardin pour comparer leur... longueur. « C'est la seule chose qui n'est pas indiquée, la taille du rouleau. Et c'est très caractéristique du manque de confiance qui accompagne la crise de la consommation. »
D'ailleurs, interrogés sur les articles qu'ils ont envie de favoriser dans cette période de crise, 61% des sondés placent en tête de leurs priorités les produits de qualité qui durent... Autant que les promos et les soldes.
De quoi ouvrir des perspectives sur la construction d'une nouvelle offre produits : plus durables, plus français, plus locaux, plus malins (alternatifs, location, etc.). De quoi aussi s'inquiéter pour les distributeurs traditionnels qui, sur le terrain de l'image au moins, semblent en grand danger face à leurs nouveaux concurrents. Comme Amazon, quasi déifié dans les groupes de consommateurs. « Le top c'est Amazon, le plus fiable, qui propose des prix généralement dans la fourchette basse, des frais de livraison et de retour gratuits et un SAV incomparable », commente un consommateur.
À l'inverse, les commerçants classiques sont souvent vilipendés. Un réquisitoire ? « Non, plutôt une attente de considération, une demande d'écoute, pour Nathan Stern. Comme une colère adressée à quelqu'un dont on attend beaucoup... »
Reconstruire du lien
Pourtant, les distributeurs travaillent à restaurer la confiance avec leurs clients, à proposer des solutions économiques aussi, si l'on croit la trentaine d'exemples recensés par ShopperMind (lire ci-dessus), surtout anglo-saxons. « Les enseignes françaises font aussi ce qu'il faut, constate Jean-Marc Megnin, mais elles ne l'expliquent pas ou mal. » « Le vrai sujet, c'est la performance relationnelle, renchérit Nathan Stern, combien et comment on sait tisser des liens avec le client. » On signale les distorsions de prix, on gomme les tentations d'aller ailleurs, à l'image d'un Tesco, qui aligne les tickets de ses clients sur ses principaux concurrents. « Il est très important que les enseignes se fassent aimer. Les clients veulent des salariés formés, impliqués, heureux. » Sacré programme !
MÊME LE BUDGET ALIMENTAIRE EST TOUCHÉ
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Nécessaire ou indispensable ! La stagnation ou la baisse des revenus disponibles entraîne des arbitrages radicaux dans les budgets depuis trois ans... Les Français avaient déjà appris à « économiser » sur les budgets compressibles - achats plaisirs, vacances, culture, etc. Aujourd'hui, ils font même des choix dans les parties que l'on croyait incompressibles, comme l'alimentaire : un quart des Français ont baissé le budget qu'ils consacrent à leur nourriture. |
DES PRODUITS DE QUALITÉ ET QUI DURENT, AUTANT QUE DES PROMOS
Taux de réponse, en%, à la question : « Depuis deux ou trois ans, sur quels postes vos budgets ont-ils baissé ? » |
C'est l'une des grandes surprises de l'étude, les Français jugent au moins aussi important qu'on leur propose des produits de qualité et qui durent, que des promos attractives (61% chacun). Ils veulent aussi, mais, ça, les distributeurs l'ont mieux compris, des produits « made in France » (65% en attendent davantage des enseignes) et surtout locaux (60% d'attente). Le bio et l'écolo, en revanche, ne sont pas prioritaires. |
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