Nous ne sommes pas des travestis, nous voulons juste légalité des sexes revendique Éric Kuan, vice-président de l association Les hommes en jupe (HEJ). Un évènement "les aperos du jeudi" organisé par jérémy dumont, planneur strategique pour lancer le rapport d innovation de courts circuits sur la diffusion des valeurs dites féminines dans la société.
Vendredi 16 mai, 27 lycées de l’académie de Nantes accueillaient une journée de lutte contre le sexisme baptisée “Ce que soulève la jupe”. Une initiative qui a beaucoup fait parler d’elle. Pourquoi en 2014 les hommes ne pourraient-ils pas porter de jupe ? Quelle est la portée symbolique de ce vêtement dans notre société ?
Pourquoi, en 2014, la jupe cristallise-t-elle autant de tensions ? Pourquoi n’est-elle réservée qu’aux femmes alors même que les gladiateurs romains portaient des jupettes et que les Indonésiens continuent encore aujourd’hui de se vêtir de longues jupes appelées sarongs (et on ne vous parle pas des kilts des Écossais)? Professeure en histoire contemporaine à l’université d’Angers, Christine Bard a publié en 2010 une Histoire politique du pantalon et Ce que soulève la jupe (ouvrage qui a inspiré le mouvement du même nom) dressant un parallèle entre la difficulté qu’ont eu les femmes à faire accepter leur port du pantalon, et les obstacles auxquels sont confrontés les hommes épris de jupe :
“Les hommes en jupe se heurtent au sexisme et à l’homophobie (indépendamment de leur orientation sexuelle réelle). On va trouver que la jupe les féminise, comme on a reproché au pantalon de masculiniser les femmes, de brouiller la frontière entre les genres et donc de déstabiliser la société ! La jupe a fabriqué le genre féminin, sur le plan collectif et individuel. Ce qui est sexiste à mon avis n’est pas sa place importante dans l’imaginaire érotique, c’est que la parure, d’une manière générale, soit un privilège féminin. Joli cadeau empoisonné.”
Sur un homme la jupe est souvent jugée ridicule, perçue comme un déguisement. “L’impression donnée est celle d’un travestissement, or si certains hommes en jupe se travestissent, la plupart portent une jupe qui ne jette pas de doute sur leur genre masculin. Dans l’un ou l’autre cas, si l’on juge cela ridicule, c’est sans doute que l’on est mal à l’aise avec la fluidité du genre et que l’on s’accroche à des signes de virilité que l’on pense éternels, universels, pour se rassurer : la pilosité par exemple. Le ‘ridicule’, c’est une sanction morale, esthétique, faite au nom de la norme“, analyse Christine Bard.
Pour Marlène Coulomb-Gully, professeure à l’université de Toulouse et auteure de Médias : la fabrique du genre, il y a une asymétrie criante entre les vêtements que la société attribue aux femmes et ceux qu’elle attribue aux hommes : “Dans les mouvements de libération, les femmes ont toujours emprunté des codes aux hommes pour évoluer. Mais l’inverse n’est jamais vrai : car tout ce qui est marqué du sceau du féminin est dévalorisé.” Et de souligner que ce n’est pas tant le vêtement en lui-même qui pose problème mais son impact sur nos corps :
“C’est ce qui est au cœur du mouvement des lycéens : quand on est une fille et qu’on porte une jupe, on s’assied et on n’écarte pas les jambes. Alors que les hommes ont les jambes grandes écartées. Je serais curieuse de voir comment se tiendraient les hommes qui portent des jupes. Ce qu’il y a derrière, c’est que le corps est discipliné en fonction du genre.”
Un phénomène que tente de pointer le désormais fameux Tumblr américain “Men taking up too much space on the train”, qui compile des photos d’hommes assis dans les transports en commun, les jambes souvent très écartées au point d’empiéter sur l’espace réservé à leurs voisin(e)s.
L’objectif (abondamment critiqué dans les commentaires) : montrer que cette attitude est l’apanage des hommes, et qu’aucune raison biologique ne les oblige à se tenir de la sorte, tout comme aucune raison biologique ne force les femmes à se tenir les jambes serrées.
Aujourd’hui, certains hommes revendiquent le droit de porter ce que bon leur semble, sans pour autant être stigmatisé. Comme Piotr Barsony, dont l’ouvrage Papa porte une robe (publié en 2004 et qui sera réédité aux éditions Intervales le 19 juin prochain), a été l’un des premiers livres à être fustigé par la Manif pour tous et l’UNI. Le président de l’UNI, Olivier Vial, était même allé jusqu’à demander s’il serait “utilisé pour montrer que l’on peut passer d’un sexe à l’autre”. Bel amalgame, bien alarmant.
Contacté par Les Inrocks, l’artiste nous explique: “Une robe qui tombe très simplement, qui s’arrête au-dessus ou en-dessous du genou, franchement, c’est génial, tu as le corps vachement libre. Il y a quarante ans, j’étais attaqué, agressé, tabassé parce que je portais les cheveux longs. Aujourd’hui, c’est la robe et la jupe. Mais ça va changer, tout ça. L’homme change tout le temps, il s’invente !”
Une liberté vestimentaire pour laquelle se bat l’association les Hommes en jupe (HEJ) depuis sa création en 2007. Rémi Cordonnier, 35 ans, marié et père d’un enfant, en fait partie. Il explique : “On s’ennuie avec la mode masculine actuelle.Quand on voit que les femmes ont le choix entre le pantalon et la jupe, on se dit pourquoi pas nous aussi?“. A cette recherche esthétique s’ajoute une démarche féministe : “Porter une jupe [quand on est un homme - ndlr] c’est aussi faire passer un message d’ouverture, d’égalité”. Rémi est choqué par les réactions très virulentes des associations anti-mariage gay mais a pris le parti de les ignorer. “Chacun fait ce qu’il veut. Il y a des femmes qui ne se maquillent pas, qui ne portent que des pantalons, donc pourquoi les hommes ne feraient pas ce qu’ils veulent eux aussi ?! Dans les magazines féminins, on peut lire ‘piquez une chemise dans la garde-robe de votre conjoint’ mais on ne lit jamais l’inverse.”
S’il adore porter ses jupes – qu’il achète principalement chez Hiatus, une marque française de jupes pour hommes – Rémi Cordonnier ne se rend au travail (il est informaticien) qu’en pantalon. “C’est fermé, étroit d’esprit. Je m’y plie.” Ses jupes ont droit de sortie le week-end et lors des vacances.
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