source de l'article : http://www.lanouvellevague.net/tendances/normcore/
Qu’est-ce que le « normcore » ? Est-ce un faux concept aguicheur qui aura eu son heure de gloire et qui disparaîtra bien vite, « un mot d’une saison et de deux cents personnes« , pour reprendre les mots d’Alexandre dans La Maman et la Putain à propos du verbe « flipper », ou est-ce une véritable tendance sociologique au carrefour de plusieurs velléités esthétiques et identitaires contemporaines, allant bien au-delà de la simple tendance vestimentaire ?
Dans le vaste tableau des nosographies contemporaines, le planneur stratégique remue parfois les frontières du gender : on connaît la pérennité du concept de « métrosexuel » (cet homme un peu dandy qui assumerait entièrement sa part de coquetterie féminine, quitte à jouer de cette ambiguïté), à partir duquel se définissent les « rétro » et les « über » sexuels en tout genre. Mais on connaît sans doute moins les différentes palettes à partir duquel le « normal » est défini en matière vestimentaire : qu’est-ce qui peut-être qualifié de simplement « normal » ? Est-ce que ce qui est normal est moche, ce qui adjoindrait un côté péjoratif inhérent à un « normcore » jugé rebutant ?
C’est sans doute mal prendre en compte les nouveaux partis-pris esthétiques dans l’air du temps, qui se font parfois les chantres d’un contrepied esthétique permanent glorifié par l’impératif d’un underground bien souvent décadent. Est-ce que ce fameux « normcore », dont on entend maintenant si souvent parler sans forcément savoir ce que c’est, est une efflorescence stylisée du mainstream ?
Comment alors rapprocher ce mainstream d’un style à part entière, puisque justement la difficulté est de distinguer celui qui choisit de s’habiller de façon « normcore » de celui qui ne fait justement pas exprès de s’habiller de façon « normcore » ? Et c’est ici que réside tout le paradoxe, aussi vrai qu’il est difficile de distinguer le « bon » et le « mauvais chasseur » du sketch des Inconnus : le bon chasseur, il voit une galinette cendrée, il tire ; et le mauvais chasseur fait de même.
Revenons peut-être aux origines de ce mot avant de déterminer son importance et de le distinguer d’une décadente apologie du moche et du ringard, ou de la négligence mainstream, avant de finir par le rapprocher d’un certain « désir de neutre » tel qu’il a été développé par le sémiologue Roland Barthes dans un certain nombre de ses écrits.
La courbe bleue représente la popularité de « Normcore », la rouge celle de « Hipster » sur Google Trends
Le terme de « normcore » a connu un véritable essor sur les réseaux sociaux avec la publication d’un article de Fiona Duncan dans le New York Mag du 26 février 2014, dans lequel elle constatait la très grande difficulté qu’il y avait à distinguer un jeune local branché d’un touriste américain de la classe moyenne à Soho. En effet, dans leur quête permanente de différenciation, les locaux affectaient un non-style (jean lambda, t-shirt uni, paire de baskets basiques) proche d’une absence de style. Et c’était là le paradoxe : comment différencier le style du « non-style » de l’absence de style ?
C’est un peu le sujet d’un bon mot de Sacha Guitry, à qui demandait un ami qui avait compris que sa négligence était affectée : « Avec quel peigne vous décoiffez-vous ? » Outre le caractère amusant de l’anecdote, il nous permet de revenir sur trois nouveaux partis-pris esthétiques, au carrefour desquels se trouve sans doute le Normcore : le Moche, le Mainstream, et le Neutre.
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Matthieu Parlons
Actuellement au Planning stratégique à PUBLICIS EtNous.