La déviance
La déviance est définie généralement comme : un com portement qui échappe aux règles admises par la société. Cette catégorie est néanmoins abstraite et difficile à utiliser car elle ne permet pas de trouver un dénominateur commun à tous les comportements dits « déviants ». Les typologies varient autant que les auteurs qui se sont penchés sur le sujet. Le déviant quant à lui désigne une personne dont le comportement s’écarte de la norme sociale admise. L’inverse de la déviance est donc la normalité ou la recherche de conformité qui tend à unifier les conduites 11 . Cette définition présente de cette manière toutefois des limites qu’il convient de préciser. E n effet, la déviance ne peut pas être isolée des effets de lieux et de contexte. Le principe de contingence historique 12 nous amène à prendre avec précaution ce concept. Si la déviance existe, c’est qu’elle se rapporte alors directement à des normes qui désignent elles-mêmes des principes normatifs. Ainsi, pour qu’il y ait une situation de déviance, trois éléments doi vent être réunis : l’existence d’une norme ; le comportement de transgression de cette norme et le processus de stigmatisation de cette transgression .
Approches sociologiques de la déviance
Dans la définition de la déviance, il nous parait important d’y inclure la réflexion de Becker concernant l’usage du terme. Selon ce dernier, les groupes sociaux instituent des normes et sont considérés comme étrangers, déviants ceux qui ne respectent pas cette norme. Becker y ajoute « (...) mais l’individu peut voir les choses autrement. Il se peut qu’il n’accepte pas la norme selon laquelle on le juge ou qu’il dénie à ceux qui le jugent la compétence ou la légitimité pour le faire (...) » Dans cette veine, on peut alors soulever le débat concernant l’universalité des normes édictées à un moment et à un lieu donné. Existence d’une norme et de comportements normatifs Les comportements déviants sont condamnés par différentes normes sociales, reconnues ou pas par le droit, partagées à des degr és divers dans les différents groupes sociaux qui composent une société à un moment donné . Selon Jean-François Dortier, il est utile de distinguer les termes en présence : « une norme se distingue d’une loi en ceci qu’elle n’est pas codifiée dans un système juridique et ne fait pas l’objet de sanctions pénales. » On remarque en effet que la vie sociale est organisée par des normes. Erving Goffman attire notre attention, notamment dans son ouvrage « Stigmate, les usages sociaux des handicaps » sur « les innombrables adaptations que nous réalisons p our nous conformer à ce que les personnes avec lesquelles nous interagissons attendent de nous. » Les normes peuvent être implicites : Nous adaptons constamment notre façon de parler, de nous habiller, de notre façon de nous comporter dans tel ou tel groupe de référence. Elle s peuvent également être explicites et prendre le statut de « règle » : Par exemple l’existence des règlements d’ordre intérieur dans les établissements scolaires, les règlements de tra vail, ou encore des normes familiales qui peuvent différer de par leur nature ou encore par l es sanctions affligées. Selon Laurent Mucchieli, on aperçoit les normes les plus contraignantes, celles dont l’infraction entraîne une sanction juridique. En outre, Howard Becker, dans son ouvrage « Outsiders », apporte un complément dans l’analyse « les différences dans la capacité d ’établir les normes et de les appliquer à d’autres gens sont essentiellement des différences de pouvoir (légal ou extra-légal). Les groupes les plus capables de faire appliquer leurs normes sont ceux auxquels leur position sociale donne des armes et du pouvoir. Les différences d’âge, de sexe, de classe et d’origine ethnique sont toutes liées à des différences de pou voir. » Dans nos sociétés contemporaines occidentales, les institutions principales créatric es de normes sont la famille, l’Ecole et l’Etat.
Théories actionnistes : choix stratégique des acteurs
Pour Maurice Cusson, professeur de criminologie, « pour comprendre l’action d’un individu, il faut prendre au sérieux les raisons que celui-ci invoque pour justifier de son acte ». Cusson introduit la notion de rationalité chez l’ acteur. Il émet par ailleurs l’hypothèse selon laquelle « la délinquance doit être vue comme un choix de vie, car le délinquant adopte le raisonnement selon lequel violer la loi lui appo rte plus d’avantages que d’inconvénients. » 5 Toujours pour le même auteur, le crime apporte du plaisir à court terme mais à long terme, il conduit inéluctablement à la prison et/ou à la mort . Le mode de vie du délinquant serait fondé sur un mépris du futur et à la prédominance de l’im médiat. L’acte déviant est alors « conçu comme le résultat d’une décision prise par des individus soucieux de maximiser leur satisfaction. »
Théories déterministes : la société productrice de déviance
Dans ce courant déterministe, on notera notamment l ’apport de Laurent Mucchieli. Pour ce dernier, « l’augmentation actuelle du senti ment d’insécurité et de la violence s’explique par deux facteurs principaux : d’une part, la crise économique et sociale (fin des Trente glorieuses, hausse du chômage et emplois pré caires, particulièrement chez les jeunes) et d’autre part, le problème de représentation politique (les hommes politiques perdraient toute crédibilité) » expliqueraient l’émergence d’une société violente. Pour Sébastien Roché, sociologue, les causes de la délinquance ne seraien t pas uniquement d’ordre économique et social. Pour lui, « l’augmentation de la délinquance serait liée à l’essor du mode de vie individualiste : les solidarités classiques étant m oins fortes qu’avant, chacun verrait autrui comme quelqu’un à utiliser. » Dans cette perspective théorique, la question sous -jacente à ce débat est alors de voir pourquoi certains individus deviennent déviants alors que d’autres, dans des circonstances et dans des contextes identi ques n’adoptent pas les mêmes comportements et ne partagent sans doute pas toutes les mêmes valeurs : par exemple, tous les chômeurs qui vivent en banlieue ne deviennent pas d es criminels. Autrement dit, dans des conditions égales, tous les individus en présence n e vont pas transgresser les normes. On retiendra également l’apport de Robert K. Merton dans une approche de type inégalitariste. Pour ce sociologue, les mutations engagées ce siècle dernier tiennent une place prépondérante dans l’analyse, notamment avec l’avèn ement de l’idéologie individualiste. Pour Merton, les inégalités sociales tiennent un rôle à ne pas négliger. D’après Mucchieli, « Merton serait le premier à comprendre l’importance du décalage entre les aspirations à la réussite sociale qu’encourage l’idéologie individualiste des sociétés modernes et la réalité des approches sociologiques de la déviance inégalités sociales (et raciales) qui, en réalité, n’offrent pas les moyens d’y parvenir à chacun. » cette idéologie individualistes étant largement di ffusée par la société consumériste actuelle.
Approches sociologiques de la déviance TENAERTS Marie-Noëlle, Sociologue, chargée d’études et d’analyses
http://www.ufapec.be/files/files/analyses/Approches%20sociologiques%20de%20la%20d%C3%A9viance.pdf