Ras-le-bol des start-up
Les entreprises classiques n’ont plus la cote. Du Premier Ministre à votre voisine de palier, tout le monde ne jure que par les startups. Le vocabulaire de la Silicon Valley a envahi notre quotidien, amplifié par des services de communication trop contents de profiter de l’image « innovante » des jeunes pousses. Mais derrière ce vernis clinquant, la réalité est moins alléchante et cache souvent la naïveté et les faiblesses du « monde d’avant ». Des voix s’élèvent pour alerter et dénoncer ce grand écart.
Soumier n’est pas plus tendre avec l’open innovation, qui prône la collaboration entre startups et grands groupes : “comment imaginer qu’une startup puisse grandir à l’ombre des grands groupes ? Ça n’existe pas. Les grands groupes tuent l’innovation. Elle les dérange. Au mieux ils l’endorment.”
Près de deux ans plus tard, dans “ne me parlez plus d’open innovation”, Taro Ugen, bien placé sur la question chez BPI France, a décidé carrément d’effacer le buzzword préféré des entreprises de son langage. ll dénonce comme Soumier l’ambiguité de certaines entreprises qui “visitent des incubateurs comme on va au zoo”. Il est vrai qu’on ne compte plus les corporates (grands groupes) qui vont s’encanailler dans le Sentier pour découvrir ce qu’est un espace de coworking ou une salle de créativité. Les logos des “partenaires” remplacent les tags dans ces espaces qui n’ont souvent plus de “co-” que la baseline. Les cadres sans cravate remplacent les hackers sur les bancs des évènements. Le Président de la République lui-même n’a pas pu résister à l’appel en débarquant à l’improviste au Numa, accompagné de caméras. “On est bien dans une approche de l’innovation strictement cantonnée à la communication philanthropique” nous dit Taro Ugen, “dans le but de soutenir l’écosystème et non d’y participer.”
Le “pitch de startup” (présentation du produit au public par les fondateurs) devient une figure convenue des salons professionnels et autres conventions. Généralement suivies d’un vote du jury (composé des sponsors de l’évènement : c’est un écosystème), les séances de pitchs ont au moins le mérite de donner de la visibilité et des jalons aux startups qui débutent. Pour les autres c’est surtout de la perte de temps. De la communication, pas du business. Des photos, pas des contrats. Mais le problème semble plus profond. Taro souligne l’incompréhension des entreprises qui considèrent avant tout les startups comme des “convoyeuses d’innovation technologique”, alors que la technologie est justement ce qu’il y a de plus accessible à l’ère numérique. Ce que n’ont pas les grands groupes et que possèdent intrinsèquement les startups, c’est la capacité de croissance. Et Taro de rêver de “Chief Growth (croissance) Officers” qui activeraient les outils de l’innovation au service de la croissance de leur entreprise, qui travailleraient avec les startups pour “casser les barrières culturelles et monter des géants internationaux pour croquer le monde ensemble”.
“Devenir un géant, croquer le monde, dominer ses adversaires, capturer et valoriser les données de ses utilisateurs,…” ce vocabulaire est désormais monnaie courante jusque dans la bouche du plus modeste des startupers. Symbole de la foi dans la capacité des startups à “faire du monde un meilleur endroit” ou formules toutes faites destinées à séduire les investisseurs ?
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