
Le dirigeant doit relever un triple défi inédit: réussir sa propre transformation, celle de son organisation et impacter positivement le monde pour réussir les immenses défis du XXI ème siècle.
Accompagnant les dirigeants depuis dix ans, Yves Le Bihan fait un double constat.
Le premier est que la plupart des dirigeants que ce soit du CAC40 ou de plus petites sociétés, sont restés sur des modèles du XXème siècle, post-tayloriens, hiérarchiques, autoritaires, très masculins.
Le deuxième est que la plupart des entreprises entrent pleinement dans la révolution digitale mais oublient de transformer leurs pratiques managériales. Or l'humilité est une des compétences essentielles du leader de demain.
Le livre qu’il a publié est un outil parmi d'autres pour réussir sa transformation personnelle et mieux transformer son organisation avec des conseils essentiellement pratiques. Le lien entre épanouissement du salarié et performance économique n’est sans doute pas une utopie Pour l’auteur, ce qui est utopique, c'est bien plutôt de penser que les digues de l'entreprise post- tayloriennes majoritaire, hiérarchique, autoritaire et masculine ne vont jamais céder.
Il nourrit son propos de preuves scientifiques et d'exemples d'entreprises.
- La chercheuse Sonia Lyubomirsky, professeur de psychologie qui dirige le Positive Psychologie Lab de l’Université californienne de Los Angeles (UCLA) a fait une méta-analyse sur 275.000 collaborateurs et s'est aperçue que des collaborateurs plus épanouis sont 31% plus créatifs, 3 fois plus productifs et vendent 57% de plus que les collaborateurs moins épanouis.
- Deuxième exemple: Le Center of positive Organizations, au Michigan, a étudié les entreprises positives et se sont aperçus que les collaborateurs les plus épanouis sont 32% plus engagés et 27% plus productifs.
- Troisième exemple : l'indice Stengel 50, qui met en avant les entreprises dont l'objectif est d'améliorer la vie des êtres humains sur terre a comparé la performance de rendement par actionnaire. Il se trouve que ces entreprises surperforment l’indice Standard & Poor’s 500 de près de 400 % (en retour pour l’actionnaire). C'est ce que Shawn Achor, chercheur à Harvard, appelle le "happiness advantage". Plus les collaborateurs sont épanouis et engagés, plus ils performent.
Des leaders positifs en France ?
Alain Dinin, PDG de Nexity passe trente minutes à une heure par jour à se centrer sur sa respiration ou à imaginer des solutions. Emmanuel Faber qui relate à la remise des diplômes d'HEC la mort de son frère a touché l’auditoire et fait le buzz sur les réseaux sociaux. Il assume sa spiritualité.
Jay Nirsimloo, patron de KPMG France pratique le yoga. Ce sont des exemples de patrons français emblématiques de ce modèle-là. Même si pour Yves Le Bihan, il n'est pas évident de faire son « coming-out spirituel » en France, pays de Descartes. Pour les dirigeants, passer outre le rejet de ces connotations religieuses et spirituelles nécessite de faire preuve de beaucoup d'humilité. Cela n'est vraiment pas simple car les écoles les forment et dans une certaine mesure, les formatent.
La pratique méditative évoquée par Yves Le Bihan dans son livre est une pratique laïque, la mindfulness, pleine conscience ou présence attentive. L'idée développée est d'aider les dirigeants à oser ce développement personnel pour révéler qui ils sont réellement. C'est cette révélation et cette cohérence que les collaborateurs recherchent aujourd'hui dans leurs dirigeants, ce qui n'est pas simple. De l’éducation à l'hypercapitalisme au « Conscious capitalism »
Pour l’auteur, les grandes écoles, comme les autres institutions, doivent se réformer, ce qu’elles sont en train de faire. Un travail brillant a été lancé par le nouveau Doyen d'HEC. En plus des cours de stratégie et de marketing, pourquoi ne pas avoir demain un cours d'intériorité et de conscience de soi ? Pour l’auteur, la France a besoin de leaders et non d'élites car les leaders rapprochent alors que l'élite distend. Par ailleurs, des mouvements comme le conscious capitalism*, qui arrive en France, est extrêmement intéressant lui qui prône un certain nombre de vertus dans le capitalisme.
Dans le Harvard Business Review France, le numéro 1 des CEO monde n'est pas Jeff Bezos mais Lars Rebien Sørensen, un Danois, PDG de Novo Nordisk. Il est numéro un de ce classement car il a compris que la RSE revenait à servir les intérêts financiers à long-terme. Je pense qu'il incarne ce nouveau capitalisme. La place du leadership positif et de l'intelligence émotionnelle en France Le livre "L'intelligence émotionnelle" de Daniel Goleman a été publié il y a plus de vingt ans. Il démontre qu'à compétences organisationnelles, techniques et cognitives équivalentes, 85% de l'écart de performance entre les dirigeants s'explique par leur niveau d'intelligence socio-émotionnelle. Deuxième illustration : les «Millenium » nés à partir des années 1980 vont représenter 50% de la population salariale d'ici cinq ans.
Or les trois premiers critères de choix de leurs futurs collaborateurs sont :
• Leur bien-être et notamment le bien-être spirituel dont le sens ;
• Leur accomplissement et leur réalisation dans l’entreprise ;
• Leur contribution à impacter positivement cette planète.
Si les entreprises veulent attirer et garder les meilleurs, influencer et gagner en impact, il faut absolument développer l'intelligence socio- émotionnelle qui est cette résonance entre qui l’on est à l'intérieur et qui on laisse transparaître à l'extérieur.
Il y a des techniques pour cela. Changer les process RH et l'évaluation de la performance en entreprise Il y a un paradoxe majeur à vouloir d’un côté promouvoir le collectif tout en ayant des systèmes de recrutement et d'évaluation de la performance encore majoritairement individuels. De même un autre paradoxe consiste à demander aux dirigeants d'être visionnaires, de se projeter et de travailler sur du long-terme avec des marchés financiers qui invitent à délivrer à très court-terme.à. Il faut sans doute réfléchir à de nouveaux modèles d'évaluation de la performance. Danone qui est un laboratoire social comme d'autres, est en train de développer un critère d'évaluation de la performance de ses managers fondé sur leur capacité à créer les conditions de l'épanouissement de ses collaborateurs. Demain on pourrait imaginer que la santé mentale de leurs collaborateurs soit un des objectifs pour les managers. Prendre trois minutes et se concentrer sur sa respiration L’instant de management le plus important dans une journée de Jeff Weiner, le PDG de Microsoft, est de prendre trois minutes et de se concentrer sur sa respiration. Faire une pause le plus régulièrement possible et essayez de se demander : « Ne suis-je pas en pilote automatique? Suis-je réellement présent à tout ce que je fais, à tout ce que je dis au quotidien, dans mon COMEX, mon CODIR ? » permet de se recentrer sur soi-même.
Pour en savoir plus : www.positiveleadership.fr