Innovation ou progrès ?
Il semblerait que la terminologie du mot « Innovation » pose question. De quoi parle-t-on ? A priori pourtant, on ne voit pas trop où est le problème (on n'a pas que ça à faire non plus n’est-ce pas ?) soit on parle « d’innovation » incrémentale, (sustaining innovation ?) donc d’évolutions, et l’on entend par là cette notion de progrès dans ce qu’il y a de plus classique…soit on parle de quelque chose qui nous était complètement inconnu jusqu’alors, ou du bouleversement de tout un système et ce sur différentes échelles de valeurs, d’usages, de modèle économique, de methodes…etc, et dans ce cadre nous nous entendons donc bien sur l’usage du terme « Innovation ». L'innovation, ce n'est pas une même chose en mieux, c'est, autre chose. (comme dirait Silberzahn)…
Mais selon Etienne Klein, directeur de recherches au CEA, c’est parce que nous n’avons pas su faire progresser la définition du mot progrès (ça ne manque pas d’humour), que nous l’avons trop systématiquement substitué par l’expression « innovation » tel un mot « Totem » , non plus ni moins non chargé des facteurs positifs ou négatifs sous-jacents à toutes évolutions ou transformation de rupture dans la société, bref, la terminologie reste, pour lui assez floue, ou sinon ajustable selon le contexte, l’interlocuteur et les circonstances.
Etienne Klein : innovation et progrès :
Il faudrait donc ? Désormais, ajouter à notre réflexion le caractère positif ou négatif sous tous ses angles, et peser, dès que l’on veut parler de progrès et d’innovation ? Un ami proche, consultant et expert UX m’apostrophait récemment : « Tu ne peux pas, Christophe, parler d’innovation (ou de progrès ?) concernant Uber, pour moi ce n’en est pas une si ce nouveau service, s’appuyant sur un vide juridique, dégrade considérablement les droits sociaux et les droits du travail ». - Mazette. C’est « les temps modernes » ? Nous voilà beaux.
Je sors de ce pas de chez moi, bravant le froid, la neige, le verglas et les quatre cavaliers de l’Apocalypse pour me rendre chez mon libraire préféré et me procurer cet excellent ouvrage de Peter Wagner : Sauver le progrès (comment rendre l’avenir à nouveau désirable). Ah oui, j’aurais pu commander sur Amazon, livraison en un jour, mais j’ai choisi la préhistoire, livraison par soi-même en 2 stations de métro + une petite discussion sympa avec mon libraire et une rhino-pharyngite gratuite, mais livrée sans drône. On ne fait pas vivre le commerce de proximité sans sacrifice.
Innovation - Quantifier une dynamique de marché ?
Quelques hurluberlus touchés par la grâce ont-ils la vision de ce que sera le monde de demain ? Pourquoi investir des fonds sur un marché non quantifiable ? Je cite ci-dessous un passage de l’ouvrage « Relever le défi de l’innovation de rupture ». Ouvrage qui m’a également beaucoup amusé :
« A ma gauche, l’équipe marché numérique, constituée principalement de chercheurs visionnaires. « donnez-nous de l’argent pour préparer l’avenir, car sinon, nous sommes tous morts dans 5 ans, ou peut-être 10 ans. – Quelle taille de marché s’enquiert le comité ? – Nous ne savons pas vraiment. C’est très petit pour l’instant, mais c’est l’avenir ! – Quand atteindrez-vous le point mort ? – Nous ne savons pas vraiment non plus. Mais regardez, Apple y croit ! ».*
*« Relever le défi de l’innovation de rupture » Philippe Silberzahn.
Kodak, 145 000 salariés en 1980, 8500 environ aujourd’hui, et c’est pourtant Kodak par le biais de Steve Sasson en 1975 qui met au point premier prototype d’appareil photo numérique et qui dépose le brevet…Encore fallait-il, derrière cela, revoir tout un réseau de distribution historique, dont les marges se reposaient essentiellement sur le développement des pellicules et non sur la vente des appareils. Autant dire investir des sommes gigantesques vers un nouveau modèle économique dont personne ne pouvait prédire sa date d’avènement ni sa taille, mais seulement qu’il aurait bien lieu.
Pourquoi faudrait-il lutter contre son propre monopole et s’ « Uberiser » soi-même ? (La réponse est évidement dans la question).
Cela dit…c’est toujours un peu difficile de débloquer du temps et des ressources sur la base d’un business plan qui tient sur une feuille Excel presque complètement vierge ou dont 60% des cellules sont pleines de points d'interrogation, non ?
BD *Marcel Gotlib.
La destruction créatrice ou comment se ré-inventer.
La « destruction créatrice » est un terme associé à Joseph Schumpeter (1883 – 1950), économiste pionnier dans le domaine de l’innovation. Il désigne « un processus continuellement à l'œuvre dans les économies et qui voit se produire de façon simultanée la disparition de secteurs d'activité économique conjointement à la création de nouvelles activités économiques »*. (*wikipedia).
Les exemples ne manquent pas, il est plus facile pour un nouvel entrant d’innover sur un service ou un marché que pour un acteur historique, d’autant plus que les actionnaires d’un acteur en place ne peuvent se contenter des faibles revenus de départs associés à toute technologie ou service émergent, et cela en regard à leurs couts de structures et leurs organisations très peu « agile ». Autant tenter, à vrai dire, d’exécuter un créneau avec un paquebot de 950 tonnes. Certains y arrivent, remarquez.
- « Ça passe ? »
- « Euh…Je préfèrerais qu’on réfléchisse aux Capital Venture. »
- « Mais si mais si, ça va passer… »
- « Vraiment je crois pas. Tu veux pas monter une Spin-Off plutôt ? »
A suivre…