Pierre Laramée a été l’un des fondateurs de l’agence de publicité Tam-Tam en décembre 1986 et il a aussi été fondateur de Commissaires, une galerie d’objets et de mobilier de designers internationaux. Marie-Joëlle Tremblay, elle, possède une formation et un doctorat en psychologie. Tous deux proposent, avec Lafond et Associés, une offre de services pour accompagner les entreprises dans une meilleure cohabitation intergénérationnelle.
Arnaud Granata – Pourquoi vous êtes-vous intéressé à ces travailleurs vieillissants que vous appelez les «perrenials»?
l’enjeu de la cohabitation inter- Générationnelle est essentielle aujourd’hui. Notre rôle, c’est de faire comprendre à l’entreprise l’intérêt de travailler avec ces «perrenials».
Pierre Laramée – J’ai fait partie d’un groupe de réflexion sur les occasions d’affaires pouvant découler du vieillissement de la population. J’ai vu qu’il y avait dans cet enjeu une menace (et aussi une opportunité): la population vieillit et, en conséquence, il va y avoir une rareté de main-d’œuvre. Il est donc nécessaire de mettre en vigueur des moyens pour garder ces travailleurs vieillissants en poste. Et parce que l’espérance de vie allonge, les gens vont devoir travailler plus longtemps. L’institut Broadband calcule que 30% des Canadiens de 34-65 ans n’auront pas plus de 3000$ par mois à l’âge de la retraite. Cette force de travail vieillissante, les entreprises vont devoir s’en accommoder. Et comme la firme-conseil de Robert Lafond a toujours été un pionner dans le transfert d’entreprise, je suis allé la voir pour y ajouter une nouvelle offre de services sur la question. Parce que l’enjeu de la cohabitation intergénérationnelle est essentiel aujourd’hui. Notre rôle, c’est de faire comprendre à l’entreprise l’intérêt de travailler avec ces «perrenials».
Et pourquoi réunir deux générations? Marie-Joëlle, vous êtes issue de la génération Y…
Marie-Joëlle Tremblay – Je faisais un internat chez Lafond pour compléter ma formation en psychologie, parce que ma thèse porte sur les entreprises familiales, et Robert Lafond nous a mis en contact. Le fit était là!
PL – Nous incarnons notre offre de services, et on la vit au quotidien. On avait clairement des perceptions et des appréhensions réciproques.
MJT – On entretenait des préjugés l’un sur l’autre. Et le principal, c’était de savoir ce que l’autre allait penser de cette association. Moi, par exemple, je me disais: «Mais qu’est ce que Pierre va penser d’une jeune sans expérience comme moi?».
PL – Et moi réciproquement… je me disais, «Pauvre fille, elle doit se demander pourquoi on lui demande de travailler avec un vieux comme moi».
J’imagine que c’est ce que doivent vivre des générations différentes qui doivent travailler ensemble au quotidien?
«on n’adapte pas le travail au fait que la machine humaine change au fil du temps.»
– Marie-Joëlle Tremblay
MJT – J’ai l’impression qu’on véhicule à tort certaines idées reçues, et qu’on le fait de manière défensive. On réagit souvent par rapport à son âge à soi, pas celui des autres. On a désamorcé ce malaise-là en en parlant.
PL – Et on a constaté qu’installer ce dialogue sur les générations en entreprise, c’est déjà le début d’une collaboration plus rapide
Quel est votre constat concernant les défis des entreprises en gestion des employés?
MJT – Le fait de travailler participe au vieillissement: on s’use au travail. Le marché du travail fonctionne en mode cohorte: quand un groupe de travailleurs ne fait plus l’affaire, on le remplace par un autre. Mais on n’adapte pas le travail au fait que la machine humaine change au fil du temps. Dans une manufacture, par exemple, le corps du travailleur vieillissant ne peut plus rendre la même performance qu’avant, mais en restructurant son rôle, on peut bénéficier de son expérience autrement. Je trouve qu’il y a un manque de flexibilité sur le plan de l’organisation du travail, et il serait bon pour tous de travailler à cet enjeu.
PL – Un des défis des employeurs, qui est aussi le nôtre, c’est de démolir les préjugés sur les travailleurs vieillissants. De nombreuses études démontrent que les «perrenials» ont un mode différent de résoudre des problèmes. On pense souvent à tort qu’ils ont moins d’années à travailler que des plus jeunes, mais la rotation dans les postes chez la jeune génération est de plus en plus rapide, et les plus jeunes ne sont pas un synonyme de longévité plus grande dans l’entreprise. On dit aussi qu’ils sont moins en forme. Toutefois, des recherches démontrent qu’ils se blessent moins. Ils prennent moins de congés de maladie, etc. On n’est pas conscient de ces bénéfices. Notre rôle, c’est de briser ces préjugés.