quelques extraits du livre de Kenneth Goldsmith, Theory
J’ai été artiste, puis je suis devenu poète, puis écrivain. Maintenant, quand on me le demande, je me décris simplement comme un instrument de traitement de texte.
Répétez après moi : « je suis un pirate »
Écrire devrait être aussi facile que laver la vaisselle – et aussi passionnant.
Hunter S. Thompson a retapé des romans d’Hemingway et de Fitzgerald. « Je veux juste savoir ce que ça fait d’écrire ces mots » disait-il.
Si vous ne produisez pas d’art avec l’intention qu’il soit copié, vous n’êtes pas un artiste fait pour le 21e siècle.
Internet détruit la littérature (et c’est une bonne chose).
« Le plagiat est nécessaire », insistait Lautréamont. « Le progrès l’implique. »
Jonathan Franzen est le plus grand romancier américain… des années 1950.
La nouvelle autobiographie c’est l’historique de notre navigateur.
La poésie est un espace vide et orphelin, suppliant d’être reconsidérée. La nouvelle poésie ne ressemblera en rien à l’ancienne.
Internet est le meilleur poème jamais écrit, illisible, principalement à cause de sa taille.
Le code alphanumérique, indissociable de l’écriture, est le moyen par lequel Internet a solidifié son emprise sur la littérature.
Le bureau d’un écrivain commence à ressembler plus à un laboratoire ou au bureau d’un petit commerce qu’au cabinet contemplatif qu’il était à une époque.
Commencez à copier ce que vous aimez. Copiez, copiez, copiez. Et à la fin du recopiage, vous vous trouverez vous-mêmes.
Bob Dylan à propos de l’appropriation : les chochottes et les trouillards s’en plaignent.
La régulation de la propriété intellectuelle est une forme d’euphémisme du contrôle social – et une forme futile, en plus.
La créativité individuelle est un dogme du capitalisme modéré contemporain, plutôt que le domaine des artistes non-conformistes : la fiction est partout.
Nous n’avons pas besoin d’une nouvelle phrase. Une vieille phrase remaniée fera l’affaire.
Les batailles actuelles entre le plagiat et le copyright sont au 21e siècle ce que les procès pour obscénité étaient au 20e.
Le problème n’est pas le piratage. Le problème c’est l’obscurité.
Être assez connu pour être piraté est le couronnement d’une carrière. Beaucoup d’artistes veulent premièrement et avant tout être aimés et deuxièmement entrer dans l’histoire ; l’argent est un lointain troisièmement.
Nous écumons, analysons, annotons, copions, collons, transférons, partageons, et spammons. Lire est la dernière chose que nous faisons avec le langage.
L’art est un permis pour mal faire les choses. Le reste du monde essaie de les faire correctement. Nous nous délectons de les faire de travers, de ne pas savoir, de casser des choses.
Le livre est crucial, mais sans importance.
Le facile est le nouveau difficile. C’est difficile d’être difficile, mais c’est encore plus difficile d’être facile.
L’écriture contemporaine exige l’expertise d’un secrétaire, associée à l’attitude d’un pirate.
La liberté réside dans les marges. Nous avons commencé à nous intéresser aux pratiques qui existent dans les marges de la culture, là où il y a peu de lumière, celles qui se déploient dans la liberté non contrôlée de ce qui a le droit d’arriver dans l’ombre, où peu de personnes prennent la peine de regarder. Pourquoi les artistes se précipiteraient-ils dans le centre, blanc et brûlant ?
Auto-tunez votre prochain recueil de poèmes.
Noyé dans les demandes de résumer des livres, j’ai commencé un système de résumés conceptuels. Je dis à un auteur d’écrire ou de voler le résumé de ses rêves et de le signer de mon nom. Je ne veux pas le voir avant de recevoir le livre. De cette façon, je peux être surpris comme tout le monde par ce que j’ai « écrit ».
Aimer l’art. Détester le monde de l’art.
Le monde de l’art est divisé entre le marché et l’académie. Une troisième possibilité : devenir sa propre institution auto-inventée.
Quand le monde de l’art pourra produire quelque chose d’aussi fascinant que Twitter, on recommencera à y faire attention.
Si personne ne peut le faire, ça ne m’intéresse pas.
À une époque où la matière culturelle est abondamment disponible sur les réseaux, il n’y a pas de retour en arrière possible. L’appropriation et le plagiat sont là pour durer. Notre job est de le faire plus intelligemment.
J’ai ouvert une porte quand personne ne regardait. J’étais dans la place, et à partir de ce moment personne ne pouvait plus rien y faire, a dit Bob Dylan.
Écrire sur une plateforme électronique n’est pas seulement écrire, mais également archiver ; les deux procédés sont inséparables.
On n’a pas vraiment l’air de croire à l’existence du copyright, et d’ailleurs, on n’y prête pas une attention spéciale.
Le conseil de W.G. Sebald aux étudiants en écriture créative : je vous encourage à voler autant que vous pouvez. Personne ne s’en apercevra jamais.
Pas l’objet, mais l’œuvre.
L’écriture contemporaine est une pratique qui se situe quelque part entre la construction d’un ready-made à la Duchamp et le téléchargement d’un MP3.
La vie ne peut qu’imiter le web, et le web lui-même est un tissu de signes, une imitation perdue, infiniment lointaine.
Maintenant qu’on a plagié tout le monde, tout ce qu’il reste à faire est de se plagier soi-même.
Le pré-digital et le post-digital. Ceux qui sont restés coincés du mauvais côté du mur.
https://www.oeuvresouvertes.net/spip.php?article3138
Le copyright ça fait tellement 20e siècle.
Si vous voulez faire quelque chose de nouveau, ne vous éloignez pas trop d’une idée simple.
Vers une littérature sans auteur.
Ignorez toutes les voix intérieures. À la place, adoptez des voix et des opinions qui ne sont pas les vôtres, elles deviendront ainsi les vôtres.
La Mort de l’auteur. Finalement tué par Internet.
Un poète contemporain est quelqu’un qui n’écrit pas de poèmes.
Aujourd’hui nous lisons plus que jamais, mais différemment, de façons que nous n’aurions pas définies comme « lire » auparavant.
Répétez après moi : « je suis un pirate ».
Si nous devions demander la permission, nous n’existerions pas.
On ne sait pas vraiment ce qu’est l’avant-garde. Ça change tous les jours.
Si ça n’existe pas sur Internet, ça n’existe pas.
Si ce n’est pas libre, ça n’existe pas.
Extraits de Theory, à télécharger ici. Kenneth Goldsmith est un poète américain né en 1961 à Freeport dans l’état de New-York. Il est principalement connu pour avoir créé le site UbuWeb et pour son travail sur "l’incréativité comme pratique créative".
Première mise en ligne le 12 août 2015