Actuellement, deux mouvements se conjuguent. D’une part, un rejet de la société de consommation, qui est la conséquence de la crise économique, comme on a aussi pu l’observer en 1973 ou 1993. D’autre part, ce mouvement de fond de défense de l’environnement. Dans les comportements, cela se traduit par des signes comme les personnes qui courent avec des chaussures « pieds nus », ces chaussures extrêmement minimalistes qui reproduisent les doigts de pied. Courir « pieds nus », c’est une façon d’être plus près de la nature, et aussi de refuser d’acheter des chaussures de grandes marques de jogging. C’est aller à l’encontre du marketing de masse et des grandes entreprises.
Les Français ont tendance à se détourner des grandes entreprises dans leur consommation ?
Dans l’alimentaire, par exemple, on observe un vrai rejet des multinationales. Les grosses entreprises de ce secteur souffrent de ce phénomène, qui affecte fortement leur chiffre d’affaires : de plus en plus de consommateurs refusent d’acheter des produits de multinationales. Cela va au-delà de considérations économiques, ou même environnementales. C’est le rejet d’un système, ici aussi surtout chez les plus diplômés et les urbains.
En parallèle, ce qui se développe dans l’alimentaire, ce sont notamment les circuits courts. Ce n’est pas encore énorme, mais 12 % des Français vont dans une ferme acheter à manger. Encore une fois, surtout les plus riches. S’ils font ce choix, c’est qu’ils ne veulent plus donner d’argent aux intermédiaires et soutenir le modèle en place. C’est ce qui explique le développement des spécialistes du bio comme Biocoop, et d’ailleurs, plus de Biocoop que de Carrefour Bio, par exemple. Biocoop, c’est un modèle de coopérative, où l’on ne retrouve pas de grandes marques dans le magasin. À l’inverse, pour les grandes multinationales de l’agro-alimentaire, le marché diminue : les consommateurs sont d’abord friands de bio et de labels rouge.
Cette évolution des comportements de consommation est-elle durable ?
Ce mode de consommation visant à « consommer moins mais mieux » est effectivement en train de s’ancrer dans les comportements car il trouve un relais chez les plus jeunes, qui sont nés dedans. Ils ne le font pas par rejet de la société de consommation, mais parce qu’ils n’ont pas connu autre chose ! Il y a un effet générationnel. À l’école, on ne leur parle que de l’environnement depuis qu’ils sont tout petits. Chez eux, c’est naturel de ne pas avoir de voiture, de ne pas utiliser de sac plastique, de choisir les produits avec le moins d’emballage…
L’attachement à l’objet disparaît. Je donne souvent l’exemple générationnel du livre. Quand on rentre dans l’appartement de quelqu’un de plus de 50 ans, surtout s’il est diplômé, il a des tonnes et des tonnes de bouquins dans de belles étagères dans son salon. On ne retrouve pas cela chez les plus jeunes, et ils ne changeront pas de comportement en vieillissant.
La relation à la voiture n’a aussi plus rien à voir entre un jeune d’aujourd’hui et un jeune dans les années 1970. Il y a un changement de modèle par rapport à l’objet. C’est phénoménal dans la mobilité. Les jeunes adultes font du BlaBlaCar et continueront en vieillissant.
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