Carola Verschoor’s Change Ahead
Les périmêtres de responsabilité du designer et du planneur stratégique sont plus que jamais similaires à l’heure où il s’agit d’embrasser les aspects émotionnels, relationnels, culturels, sociaux pour créér des produits / services personnalisés et des expériences différentes de la concurrence.
Le designer Patrick Jouin a conçu le vélib comme « un ensemble » qui dépasse de beaucoup les seuls objets liés au service : le vélo, la borne, etc. Nous explique Fabrice Mauléon. Il a aussi dû imaginer « comment » ce service allait s’inscrire dans des tendances fortes de société : le développement durable, l’activité physique et ses conséquences positives sur la santé, l’opposition entre le partage et la propriété ; il a dû aussi penser « une expérience utilisateur » inédite : découvrir la ville de Paris autrement, appartenir à une communauté, profiter d’événements, etc. Le « tout » en offrant un service à la fois fiable, simple et disponible ; et bien sûr, à un prix compétitif par rapport aux autres moyens de transport : métro, bus, taxi, voiture…(source)
Sara Kadaoui, Designer et formatrice chez NUMA, compare la démarche du consultant et celle du designer dans un très bon article en pointant que si la valeur d’un “Consultant” est sa capacité à apporter des réponses en tant que “Expert”, la valeur d’un Designer est sa capacité à accepter et utiliser l’incertitude comme élément central d’un processus créatif de résolution de problèmes. Au lieu de nous convaincre d’une vérité, ou de rechercher des solutions qui ont fonctionné ailleurs (benchmark) le Designer remonte aux causes et nous invite à formuler nos certitudes sous forme d’hypothèses pour ensuite les questionner, les valider ou les infirmer à travers à une approche expérimentale. Elle conclue qu'une approche classique du Conseil peut servir à résoudre des problèmes opérationnels qui ne remettent pas en question le système mais s’inscrivent dans des scénarios déjà connus. Mais si le Design est en train d’hybrider le Conseil c’est aussi parce-que dans un monde en reconfiguration permanente une approche positive et pragmatiste du doute et de l’expérimentation permet d’innover au delà des certitudes (source)
Les designers et planneurs stratégiques font du design d'expérience.
Les designers UX vont analyser les usages pour améliorer l'expérience des usagers au contact d'une interface, les designers CX vont analyser les parcours clients pour optimiser la satisfaction client.
Les planneurs stratégiques travaillent dans les agences de communication pour orienter l'expression des marques dans les medias, mais on les trouve aussi dans les agences marketing et media, voire dans les entreprises au sein du département études. Ils sont la voix du client en interne et ils portent cette voix jusque dans l'innovation produits et services. Ils analysent les attentes des clients envers les marques au même titre que leur expérience vécue avec les produits.
L’expérience client est, par erreur, envisagée comme la somme de toutes les rencontres d’un client avec un produits et un service. En fait, c'est une construction à la fois de la valeur perçue communiquée par la marque et de la qualité délivrée et expérimentée dans le vécu par le client.
Brian Solis définit l’expérience comme la combinaison de UX (User Experience : l’expérience délivrée au sein du produit et du service lui-même), CX (Customer Experience : l’expérience délivrée par les points de contact entre le produit/service et ses clients), and BX (Brand Experience : l’expérience spécifique proposée par la marque au travers de sa vision et de sa mission).
1- Acteurs du changement dans l’entreprise
Le concepteur d’expérience aide les organisations à être centrées client et à s’organiser en fonction.
Aujourd’hui, de nombreux départements des entreprises sont cloisonnés et l’expérience client est par conséquent cloisonnée. Le designer d’expérience réunit les parties prenantes autour d’une vision.
Cette vision ne peut pas être qu’une vision de marque ou de service, c’est une vision plus globale qui englobe tous les éléments constitutifs de l’expérience. A la fois l’expérience communiquée par la marque, celle expérimentée par les clients, et celle partagée.
L’apport du principal du design d’expérience, c’est sa capacité d’intégration, en rassemblant les éléments de la proposition de valeur d’une organisation dans un récit cohérent : l’expérience cible.
Selon le rapport Digital Trends D’Adobe, “L’expérience client ne peut incomber uniquement aux départements marketing ou aux services clients : elle doit être pilotée par chaque fonction de l’entreprise, des pôles marketing et informatique aux pôles développement produits et design”.
La création d’expériences client d’exception n’est pas l’apanage des services marketing : l’étude révèle qu’une collaboration transverse entre les équipes en charge de la création, du contenu, du marketing et du web joue un rôle de plus en plus déterminant dans la réussite des entreprises. Selon l’étude, les entreprises qui travaillent sur leurs initiatives de manière collaborative inter-équipes ont presque deux fois plus de chances de dépasser leurs objectifs.
C’est le chief designer officer qui fédère au sein de l’entreprise. A défaut, l’entreprise demande à son agence de lui donner un cap et de l’aider à s’organiser…tache qui revient aux directeurs généraux et aux planneurs stratégiques.
Dernièrement les planneurs stratégiques sont aussi les chiefs transformations officer dans les agences pour accompagner leurs clients dans le changement.
2- Pilotes des process d’innovation
Le design c’est à la fois un process d’innovation et une méthode de conception.
Le designer est l’un des acteurs du « triangle » de compétences que l’on retrouve assez systématiquement dans les entreprises qui innovent, équipe qui manage les projets de A à Z : le designer, l’ingénieur et le marketeur comme le précise Maurile Larivière, designer, co-fondateur et CEO de la Sustainable Design School.
Le triangle des compétences avec le designer, l’ingénieur et le marketeur est souvent élargit pour inclure des compétences clés dans la compréhension des usages comme celle de la sociologie (sociologie des usages notamment) ou de la sémiologie pour bien comprendre les usages et les représentations mentales.
Ajouter au triangle de compétences un planneur stratégique c’est ajouter un profil qui maîtrise les études clients / usagers d’une part et les sujets qui intéressent grandement les responsables marketing (marque, marché, mix produit…) d’autre part.
Le planneur stratégique en agence fait aussi collaborer les responsables produits et les créatifs : d’un coté le monde du marketing avec ses objectifs et contraintes et de l’autre l’univers des idées avec de nombreuses opportunités à explorer. Si son titre c’est planneur stratégique c’est justement qu’il indique la direction stratégique ET qu’il plannifie par étapes les projets de réflexion et de réalisation.
Il est le seul à avoir une vision globale sur les clients / usagers et sur l’entreprise / la marque, ou du moins le seul à pouvoir mettre d’accord le directeur marketing avec le responsable communication et celui qui gère les études.
Il est le pilote des recommandations stratégiques de l’agence dans laquelle il travaille. Dans les agences de design, ou à la tête du planning stratégique d’un groupe d’agences de communication / marketing, il est le chef d’orchestre d’une réflexion globale lancée par la marque avant de lancer les chantiers innovation, magasin, communication…Pas de nouveaux produits avant d’avoir clarifié le périmètre d’action de la marque et sa valeur ajoutée unique sur le marché.
3- Des créatifs qui concoivent des expériences
Le métier de designer a évolué du design formel, industriel, technique vers un métier créatif de conception. “C’est ainsi que des designers embauchés pour dessiner le volume et la forme d’un smartphone [hardware] sont alors sollicités pour concevoir le “look and feel” d’interfaces utilisateurs [software], et chemin faisant se voient confier l’expérience utilisateur [UX] d’une solution digitale”. Intellectuellement rodés à la démarche, et peut-être las de s’exprimer sur du format 15 pouces, certains sortent alors de la conception d’une expérience utilisateur digitale pour embrasser de “nouvelles problématiques globales et complexes comme le design d’une expérience de visite de patients à l’hôpital ou bien une expérience de cafétéria à l’Université”, explique Roger Martin.
L’expérience design emprunte au design thinking mais la méthode du design d’expérience est plus proche de celle du service design dans le sens ou les outils principaux sont des personas et des parcours client (ce qui n’est pas toujours le cas dans une démarche en design thinking). Et que le livrable est un concept d’expérience, avec des parcours clients et collaborateurs et les specs du service pour être dans l’opérationnel (le livrable n’est pas un parcours).
Le planneur stratégique concoit une expérience de marque et le produit est un des éléments clé au même titre que le magasin. En plus, de la plateforme d’expérience, il livre des personas et des parcours pour formaliser et structurer la réflexion. Il livre les concepts produits en même temps que les concepts magasin ou site web. Avec en ligne de mire la stratégie créative et la stratégie des moyens : les leviers marketing multi chanels.
Les plateformes de marque ont beaucoup évolué, on parle d’ailleurs plus de plateformes d’expérience de marque. C’est peut être pour ca que le planneur stratégique est perçu comme un “publicitaire”. Depuis 10 ans, le travail sur l’image de la marque a lieu en même temps que celui sur l’amélioration de expérience vécue par le client.
4- Des expériences à vivre inspirées par ceux qui vont les vivre
Le designer ne dessine pas que des objets, il imagine de nouvelles façons de vivre. Les objets et les services qu’il dessine sont la traduction formelle de cette pensée. Ils sont les outils et les moyens qui vont permettre de faciliter la vie de l’homme.
Il s’agit pour lui à chaque fois de partir des activités de la vie quotidienne plutôt que des objets (inversion pratiquée, par exemple, pour la Mégane Scenic de Renault, conçue par Patrick Le Quément comme « une voiture à vivre » à partir d’études d’usages des familles dans leurs différentes activités).
Le planneur stratégique va capter les tendances en faisant de la veille, voire indiquer les tendances en dressant des scénarios prospectifs. Il est vrai qu’en France ils vont plutot utiliser des cahiers de tendances et aux UK des études de marché. Mais de tous temps c’est un pro des études qualis, des observations terrains. Et il maitrise l‘observation des clients dans leur environnement pour comprendre les usages.
Le planneur stratégique ne dessine pas, mais il sait résumer dans un shéma des idées complexes, réunir dans un mapping des propositions opposées, illustrer dans un moodboard une intention créative, capter un verbatim qui illustre la réalité vécue d’un usager, et encapsuler dans une formule une promesse de marque ou de service…
Certaines personnes disent qu’il n’y a pas de planning stratégique mais des planneurs stratégiques pour signifier au combien l’approche est subjective et personnelle. Un planneur stratégique injecte son point de vue, ses valeurs et ses ideaux dans les sujets qu’il aborde... C’est un créatif dans le monde du marketing, sa source d’inspiration c’est le monde, les gens et les idées.
Mais le planneur stratégique utilise bel et bien des outils enseignés dans les écoles de marketing, de sociologie ou de planning stratégique. Chaque intuition s’inspire de micro faits et est validée ou infirmée avec des chiffres et /ou des élèments factuels.
Toutes fois, le planneur stratégique inspire un DA ou un Concepteur rédacteur...ce n'est pas lui qui a l'idée finale qui sera réalisée. C'est un peu celle de tout le monde.
5- De nouvelles études pour identifier des moments de vérité inspirants
Comme le temps de la reflexion dans l’expérience design est un temps important, le design d’expérience emprunte aussi au planning stratégique avec des phase de réflexion marque, marché, client en amont et la définition d’une problématique pour cadrer la créativité. Le design thinking est une démarche différente, elle va plus rapidement vers les idées à tester auprès des clients finaux, quitte à itérer plusieurs fois avant de trouver la solution appropriée au marché / à l’entreprise.
La conception d’expérience repose sur une exploration en amont des attentes, profondes et inspirées, en étant au plus proche du réél avec des éléments qualitatifs. C’est exactement l’approche du planneur stratégique.
Les études consommateur traditionnelles apportent peu d’informations sur l’expérience vécue par le client. Elles explorent les grands besoins de consommation (need states), les rapports à la marque (brand image) ou les relations a l’entreprise (customer relations). Elles ne permettent pas de comprendre la réalité des moments de consommation, de vie, d’échange….déjà parce que c’est du déclaratif et parce que le recueil est trop lié à l’entreprise, ses produits et services.
L’expérience client captée par les départements service client ou via des questionnaires de satisfaction est liée plus ou moins à chaud à l’expérience d’un produit ou service. Ces études n’apportent pas le recul nécessaire pour analyser les attentes ou envisager des solutions aux insatisfactions.
Des méthodologies de recherche de types ethnographiques / netnographiques permettent de comprendre les comportements dans leur contexte. C’est en observant les clients dans des situations rééles qu’on comprend le contexte “ou, quand, a quelle heure, avec qui”, ce qui est fondamental dans le design d’expérience.
Carola Verschoor’s dans son livre Change Ahead appelle à injecter ces méthodologies d’étude dans l’entreprise pour mieux faire collaborer les départements étude, marketing et communication.
CONCLUSION
Quelles sont les cinq qualités que les concepteurs d’expériences doivent posséder ? Andy Sontag Opportunity designer, experience designer and ecosystem thinker #KPXD
- Connaissance client Le designer néerlandais, Marshall Wanders, a fait une percée dans sa carrière de designer d’intérieur en réalisant que d’autres personnes devaient utiliser les objets qu’il avait conçus. Il s’est rendu compte que lorsqu’il avait fini de fabriquer l’objet, il n’était plus pertinent de leur demander leur avis.
- Généraliste en conception Le concepteur d’expérience est un généraliste, dans le contexte de la conception. C’est suffisant si vous comprenez à peine l’utilisation de la Creative Suite (Photoshop, Indesign …). Les concepteurs d’expérience n’ont pas besoin d’avoir un diplôme en tant que designer graphique ou industriel. Mais ils doivent être capables de voir l’ensemble du système et de comprendre comment les choses se connectent et s’interconnectent.
- Co création et intelligence collective. Le concepteur d’expérience comprendre les aspects le splus humains des collaborateurs, ce qui les motive et comment les faire travailler ensemble. Le constructivisme social soutient que le développement humain est socialement situé et la connaissance est construite par l’interaction et la co-création avec les autres.
- Business Savvy Il s’agit de réaliser un profit, etvde construire un système efficace. Il s’agit d’être capable de séparer le blé de l’ivraie et de se concentrer sur ce qui est important.
- Capacité de “faire” Le concepteur d’expérience doittcomprendre comment mettre une organisation au travail efficacement. C’est celui qui prend toutes les pièces du puzzle et s’assure qu’elles fonctionnent ensemble.