Un demi-siècle après sa mort, c’est le triomphe de Joseph Schumpeter. L’économiste autrichien donne à l’entrepreneur un rôle moteur dans l’économie, les innovations qu’il introduit générant de la croissance et, durant les phases de dépression, une "destruction créatrice", qui chasse les entreprises dépassées. L’archétype de la start-up, qui "disrupte" la vieille économie ! En réalité, l’innovation est d’abord l’affaire des grands groupes bien installés : la propension à innover - que ce soit dans les produits, le marketing ou les procédés de production - croît en général avec la taille de l’entreprise, comme avec son appartenance à un groupe2. Reste que toutes les innovations n’ont pas le même effet et que celles portées par les jeunes entreprises semblent bien jouer un rôle crucial dans le dynamisme d’une économie comme les Etats-Unis : certains économistes considèrent d’ailleurs que le déclin de la productivité - le moteur de la croissance - observé dans le pays depuis le début des années 2000 est imputable à la baisse de la création d’entreprises et au déclin des jeunes entreprises à forte croissance qui l’a accompagnée3.
Ce constat statistique ne dit rien de la qualité de l’innovation développée par les start-up. Mais les comptes rendus sur l’édition 2019 du CES de Las Vegas en janvier dernier ne sont guère encourageants sur le potentiel disruptif des pépites de la French Tech : la France avait envoyé 381 start-up - plus que les Etats-Unis ! - à ce salon, mais nombre d’entre elles ne présentaient que "des gadgets qui auraient davantage leur place au concours Lépine, car souvent éloignés de produits pensés pour des besoins et un marché", juge le site d’informations Le Journal du Net4. Problème : ces jeunes pousses font l’objet d’un soutien massif des pouvoirs publics à travers une multitude d’acteurs et d’instruments : depuis BPIfrance, la banque publique d’investissement, jusqu’aux régions, qui cultivent toutes leurs incubateurs locaux, en passant par le crédit impôt recherche ou le tout nouveau Fonds pour l’innovation (200 à 300 millions par an). "Arrêtons de chercher l’innovation de rupture en soutenant des start-up de manière indiscriminée, tranche Nicolas Menet, directeur général de l’écosystème du "mieux vieillir", Silver Valley5. Les initiatives privées comme Station F, le projet du patron de Free, Xavier Niel, pour incuber 1 000 start-up, sont les bienvenues. Mais dès lors qu’il y a de l’argent public en jeu, les pouvoirs publics doivent choisir des priorités vers lesquelles flécher moyens et accompagnement. Par exemple, l’économie circulaire, parce que les projets qui naîtront autour de cette thématique permettront de concrétiser la transition écologique, créeront de l’emploi et répondront à un réel besoin."
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