La responsabilité du designer
Au début des années 1970 déjà, dans l’ouvrage « Design for the real world, Human Ecology and Social change », Victor Papanek soulignait la responsabilité du designer sur l’état du monde. Le designer austro-américain écrivait ainsi :
« Le design est devenu l’outil le plus puissant avec lequel l’homme forme ses outils et son environnement. »
Les innovations technologiques des dernières décennies renforcent la complexité du statut du designer. Pour certains, la notion de responsabilité est maintenant au centre des enjeux du design numérique et de l’innovation.
How Designers Destroyed The World
Mike Monteiro, directeur du Design chez Mule, est l’auteur d’une conférence à l’USI (Unexpected Sources of Inspiration) en 2015 intitulée, avec l’excès qui le caractérise, « How Designers Destroyed The World » (« Comment les designers ont détruit le monde »). En s’appuyant notamment sur l’affaire Bobbi Duncan (jeune femme lesbienne dont l’outing a été forcé à cause des paramètres de confidentialité de Facebook), Mike Monteiro affirme que la création sans responsabilité entraîne la destruction.
Mike Monteiro explique qu’un design « irresponsable » dans le cas d’un réseau social, comme Facebook, utilisé par des millions de personnes, peut avoir des conséquences dramatiques sur le plan humain. Certes, les designers peuvent avoir un impact positif mondial et concevoir des produits ou services formidables, à condition d’être conscients des conséquences de leurs actions. La profession des designers doit garder en tête une vision du monde futur.
How Technology is Hijacking Your Mind — from a Magician and Google Design Ethicist
En France, la prise de conscience s’est réellement généralisée à la suite d’un article de Tristan Harris, ancien philosophe produit de Google, intitulé How Technology Hijacks People’s Minds (« Comment la technologie pirate l’esprit des gens »).
Tristan Harris rappelle que nombre d’entre nous sommes dans une situation de dépendance vis-à-vis des smartphones. Des milliards de personnes se réveillent et s’endorment avec leur téléphone mobile. Tout au long de la journée, la plongée dans les écrans permet d’échapper au moindre instant d’ennui ou d’inactivité. Au quotidien, les activités des utilisateurs sont sans cesse interrompues par des notifications envahissantes. Être accro au mobile a des conséquences, entre autres, sur la santé mentale, la vie sociale et le bien-être global.
Face à ces constats, la tentation est grande de blâmer l’utilisateur. À lui de se déconnecter, de supprimer tel compte ou de désinstaller une appli chronophage. Pourtant, d’une part, la volonté et le self-control ne sont pas des facultés universellement partagées. D’autre part, les fonctionnalités de ces appareils sont conçues pour rendre les utilisateurs dépendants. En ce sens, les concepteurs seraient responsables de ces dérives, y compris malgré eux.
Tristan Harris explique ce phénomène par l’incompatibilité entre les objectifs des utilisateurs et le business model des entreprises numériques. Les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) sont particulièrement visés par ces attaques. Néanmoins, n’existe-t-il donc aucune règlementation en matière d’éthique du design à l’heure actuelle ?
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