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L’année 2020, personne ne l’a vue venir. Fin 2019, le Brexit faisait les gros titres en Europe, la réforme des retraites concentrait toute l’attention en France, les Etats-Unis approchaient du plein emploi et le Japon était sur le point de s’ouvrir au monde en accueillant les Jeux olympiques d'été.
Puis, patatras: le Covid-19 a tout bousculé.
Le coronavirus - décrit pour la première fois fin 2019 comme une espèce de grippe mystérieuse faisant le tour de la Chine - s’est propagé en Occident depuis l'Italie, puis a paralysé l'économie mondiale. Depuis, plus d’1,5 million de personnes ont perdu la vie à travers le monde, des milliers de professionnels se retrouvent dans l’impossibilité de travailler, voire sans emploi ou au mieux, en télétravail.
L’année 2020 a mis notre résilience à dure épreuve, modifiant radicalement nos modes de vie et nos façons de travailler. À l'approche de 2021, avec la promesse de la vaccination, nous faisons face à un nouveau défi: décider quel monde post-Covid nous souhaitons construire et transmettre aux générations futures.
Chaque année en décembre, les journalistes de LinkedIn Actualités s’interrogent, avec les Influencers, les Top Voices et autres experts qui animent la plateforme, sur les grandes tendances qui marqueront les mois à venir. Cette année, au crépuscule de la pandémie, nous vous proposons une sélection de prédictions et de réflexions sur les grands enjeux macro-économiques, le futur du travail, ou encore l’avenir de plusieurs secteurs clés affectés par la crise.
Auteurs: Samuel Chalom, Marie Malzac, Mehdi Ramdani. Rédaction en chef: Sandrine Chauvin, Scott Olster.
1. La vaccination dans les starting-blocks
Présenté comme une “lumière au bout du tunnel” par la présidente de la Haute Autorité de Santé (HAS), Dominique Le Guludec, le vaccin contre le Covid-19 est une des grandes attentes du début de l’année 2021. Alors que plusieurs grands laboratoires (AstraZeneca, Moderna…) ont récemment annoncé de très bons chiffres quant à l’efficacité de leurs vaccins, les gouvernements vont devoir, y compris en France, travailler en faveur de l’adhésion de la population à une campagne de vaccination qui suscite déjà beaucoup de questions. Quel calendrier? Quelles modalités? Quelle hiérarchisation? Et surtout, comment gérer le risque d’effets collatéraux tardifs?
La HAS a d’ores et déjà publié ses recommandations concernant les différentes phases de vaccination. La première devrait ainsi concerner les résidents des Ehpad et ceux qui y travaillent et présentent eux mêmes des facteurs de risque. A contrario, les moins de 50 ans et ne présentant pas de comorbidité ne pourront être vaccinés qu’en phase 5. L’ensemble de cette campagne dépendra de l’approvisionnement des doses (200 millions ont déjà été commandées) et du nombre de personnes qui souhaiteront effectivement recevoir le vaccin. Aussi, prévient Greg Matin, un spécialiste de santé publique au sein de la Health Service Executive (équivalent de la Haute Autorité de Santé en Irlande), “le déploiement du vaccin pourrait prendre plus longtemps que prévu”.
Pour l’heure, la durée envisagée est de 6 à 9 mois après approbation par les autorités compétentes. Il est donc possible que de nouveaux pics épidémiques surviennent y compris après l’arrivée du vaccin, dans la mesure où la plupart des gouvernements semblent peu disposés à de nouveaux confinements. D’où l’importance de maintenir les règles de distanciation sociale et de faire en sorte que les pays en développement puissent aussi avoir accès au vaccin, sous peine de voir le virus continuer de traverser les frontières.
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2. Le risque d’une nouvelle récession mondiale
Alors qu'une année pleine de surprises touche à sa fin, certains économistes s’inquiètent déjà de ce que nous réserve 2021. "Le ralentissement économique, induit par l’arrêt simultané de l’activité mondiale à mesure que la pandémie prolifère, a posé les bases d’une crise bien plus profonde", explique ainsi l'économiste Ernie Tedeschi. Les signaux qui doivent nous alerter? Des entreprises qui n’ont pas été directement frappées par la crise sanitaire (Danone, Auchan, Nokia…) détruisent désormais aussi des emplois, les faillites se multiplient, les dépenses d’investissement plongent, et le taux de chômage de longue durée progresse rapidement. Résultat: une récession à double creux est à craindre en 2021, selon l'économiste Campbell Harvey.
Concrètement, cela signifie qu’après une reprise relativement rapide, les économies plongeraient une deuxième fois. L’économiste américain Mohamed El-Erian abonde, estimant que le risque d’une nouvelle crise est “élevé et en hausse”, selon les données mondiales qu’il observe dans les secteurs de l’industrie et des services. "La reprise pour sortir de la récession sera inégale, incertaine, et sujette à des revers", explique Kristalina Georgieva, la directrice du FMI, à LinkedIn Actualités. “La route vers une croissance forte, durable, équilibrée et inclusive sera longue et difficile.”
"La reprise pour sortir de la récession sera inégale, incertaine, et sujette à des revers" Kristalina Georgieva, directrice du FMI
3. L’attractivité de la France résiste
Entre 2009 et 2019, les investissements étrangers en France ont été multipliés par deux, faisant de l’Hexagone le pays le plus attractif d’Europe, devant l’Allemagne et le Royaume-Uni. "Entre 2017 et 2019, la France est passée de la 3ème à la 1ère place des pays européens les plus attractifs, devant le Royaume-Uni. 28000 entreprises étrangères présentes en France y génèrent 2 millions d’emplois", précise Franck Riester, ministre chargé du Commerce extérieur et de l'Attractivité, à LinkedIn Actualités.
Une tendance qui ne devrait pas être bouleversée par l’épidémie. Selon une enquête Ipsos, 77% des dirigeants de filiales de groupes étrangers estiment que la France demeure un pays attractif malgré la crise du Covid-19. Ils sont par ailleurs 54% à affirmer que leur entreprise investira davantage en France dans les années à venir. Interrogés sur les atouts de la France qui motivent ces futurs investissements, les dirigeants étrangers citent notamment “ses coûts” (83%), suivis de son “excellence technologique” (71%), et de sa capacité à “retrouver rapidement une croissance économique” (70%).
Du côté des entreprises tricolores aussi, les investissements se multiplient sur le territoire. Alors que le gouvernement a fait du “made in France” un des leviers du plan de relance, quelque 680 millions d’euros seront investis prochainement par des PME et ETI pour relocaliser en partie leur production dans l’Hexagone. A la clé: 4.200 emplois industriels confortés et 1.800 emplois directs créés, selon la ministre déléguée à l’Industrie Agnès Pannier-Runacher.
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4. Votre bureau ne sera plus jamais le même
Après près d’un an de télétravail - ou a minima d’alternance entre présentiel et télétravail - pour de nombreux salariés, la dynamique des entreprises a évolué. Ces dernières vont devoir donner aux employés une raison de retourner au bureau. Comment? Avec des espaces permettant des relations humaines, et peut-être un peu de repos et de relaxation aussi.
“Le contact physique, dans la vraie vie, a toujours une forte valeur pour les gens”, estime Liz Burow, qui a travaillé au sein de la direction de l’entreprise spécialisée dans les espaces de coworking WeWork. Selon elle, les bureaux du futurs auront deux principaux fonctionnements: un espace utile pour gagner en leadership et améliorer son développement personnel; un lieu pour collaborer et se rassembler.
Le futur du bureau sera aussi le “flex office”: les sièges attribués vont disparaître. Chez Nike, par exemple, une enquête auprès des salariés a démontré que ces derniers sont attachés au bureau, mais seulement deux jours par semaine. Ils attendent donc des bureaux collaboratifs, sans forcément de places attribuées. C’est aussi l’avis de Frank Zorn, fondateur de Deskeo, pour qui le bureau du futur devra être flexible, mais aussi durable et facteur de bien-être.
5. Télétravail: de l’exceptionnel au banal
Peu développé en France jusqu’il y a peu, le télétravail a connu une explosion - contrainte - depuis le début de l'épidémie au printemps dernier, même si bien des métiers ne peuvent être réalisés à distance. Ainsi, pendant le premier confinement du printemps, on comptait environ un tiers de salariés en télétravail, un chiffre qui a toutefois été divisé par deux cet automne, d’après les derniers chiffres disponibles du ministère du Travail. Le travail à distance n’a, en effet, pas échappé à la réticence des employeurs, malgré l’insistance du gouvernement pour le maintenir.
Pour 2021, l’équation pour les entreprises sera de trouver l’équilibre entre télétravail de crise et télétravail durable, estime Nelly Magré, coach et consultante en ressources humaines, co-autrice du livre Le télétravail pour les nuls. Durable, parce que “les salariés qui ont aimé le télétravail vont avoir du mal à comprendre pourquoi leur entreprise ne le poursuivrait pas”. De crise, parce que “le Covid n’est pas encore terminé et que des crises d’autre nature peuvent subvenir”. Selon elle, néanmoins, le télétravail cinq jour sur cinq devrait être interrompu, parce que provoquant trop de risques psychosociaux, une formule mixant présentiel et distanciel étant plus appropriée.
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6. L’émergence des “villes 15 minutes”
L’épidémie de Covid pourrait changer radicalement le visage des villes, les rendant plus vertes et plus agréables à vivre. A travers le monde, des municipalités mettent désormais les “villes 15 minutes” au cœur de leur plan de relance. L'idée? Les habitants doivent avoir tout ce dont ils ont besoin (travail, restaurants, magasins, écoles, système de santé, loisirs...) à moins de 15 minutes de trajet à pied ou à vélo. Un phénomène dopé par la pratique du télétravail, qui a remis en question l'idée selon laquelle les villes devraient être divisées avec d’un côté la vie privée et de l’autre la vie professionnelle.
“Les entreprises disposeront d’espaces de travail plus petits, dispersés dans toute la ville, à proximité des lieux de résidence”, explique Frederik Anseel, professeur de management à l’Université de New South Wales. Cela pourrait renverser la conception traditionnelle que nous avons de la ville, un espace où la vie s’organise autour d'un unique point central. “Les grandes villes comme Paris, Londres et Sydney pourraient devenir de vastes zones urbaines constituées de plusieurs petites communautés, chacune avec son propre centre”, ajoute Frederik Anseel. “Et comme il y aura moins de concentration, les prix de l'immobilier s'ajusteront en conséquence.”
“Les entreprises disposeront d’espaces de travail plus petits, dispersés dans toute la ville, à proximité des lieux de résidence”
7. L'égalité hommes-femmes enfin renforcée
La crise va-t-elle renforcer les inégalités hommes/femmes, ou au contraire contribuer à améliorer la place des femmes dans la société, notamment dans le monde professionnel? Tous les experts s’accordent pour dire que les femmes ont payé un lourd tribu lors de l’épidémie de coronavirus, en particulier les femmes issues des minorités, les professionnels des secteurs les plus exposés (métiers du soin, grande distribution…) ou encore les mères célibataires. En outre, le confinement, dans de très nombreux pays, a souligné le déséquilibre des tâches domestiques dans de nombreux foyers.
Pourtant, des signaux encourageants émergent aussi, notamment des données LinkedIn. Ainsi, au cours de la pandémie, des femmes de plus en plus nombreuses ont accédé à des positions de direction, alors même que les embauches à ce niveau ont connu un coup d’arrêt en raison du contexte. La raison? La crise liée au Covid-19 a montré l’importance d’un leadership empathique et la nécessité de soutenir la diversité des talents. C’est ce que croit Lorraine Hariton, CEO de Catalyst: “Parfois, il ne se passe rien pendant des décennies, et parfois, des décennies surviennent en une semaine. Nous sommes dans un de ces moments-là”.
8. Le boom de la consommation locale
Après l’installation du bio dans les habitudes de consommation de nombreux Français, 2021 devrait voir se pérenniser une tendance déjà bien présente dans les paniers alimentaires, celle du local...voire de l’ultra-local. En effet, les questions d’approvisionnement soulevées lors du confinement du printemps dernier ont contribué “à accélérer une transformation déjà en cours”, estime François Dartout, consultant chez Square et spécialisé sur les sujets de transformation. Preuve du renforcement de cette tendance, l’envie de consommer 100% local a fait un bon de 24% depuis le début de la crise.
“La prise de conscience écologique est de plus en plus forte, notamment chez les plus jeunes, remarque encore François Dartout. Et la grande distribution essaie de répondre à leurs aspirations par une offre moins standardisée et plus locale”. C’est aussi la revanche des petits commerces de quartier, souvent approvisionnés plus localement. Pour François Dartout, “la diversification de l’offre globale pourrait passer par une échelle plus courte, au département ou à ville par exemple. Et cela pourrait s'articuler avec des politiques de redynamisation des centres-villes”.
9. Nous n’irons plus au restaurant comme avant
Les restaurants vont devoir attendre avant de pouvoir rouvrir leurs portes, puisque ce ne sera pas avant le 20 janvier prochain. Déjà très lourdement touchés par la crise sanitaire, Ils ne pourront donc, malheureusement, pas profiter des fêtes de fin d’année et du traditionnel repas de réveillon pour renflouer leurs caisses. Mais déjà, certains s’affairent pour, à leur réouverture, proposer une expérience agréable à leurs clients, tout en prenant en compte les risques sanitaires.
C’est notamment le cas du chef étoilé Alain Ducasse. Avec le designer Patrick Jouin, il a imaginé différentes solutions pour accueillir les clients en intérieur clos: cela passe, notamment, par un système de ventilation qui permet de créer des sortes de bulles d’air filtrées pour chaque table, ce qui permet de maximiser le nombre de couverts pour les restaurateurs. Pour d’autres, l’avenir du restaurant se trouvera dans les food-trucks autonomes. L’idée, développée par le designer coréen Lee Sungwook, est celle d’un food-truck avec cuisine modulable qui se rendrait directement chez les clients (puisqu’autonome) pendant que les plats seraient en préparation.
10. Les cinémas n’ont pas dit leur dernier mot
Tandis que l’année a été dévastatrice pour le cinéma et le spectacle vivant, le secteur du streaming ne s’est lui jamais aussi bien porté aussi. Alors que les salles étaient fermées, certains studios ont même décidé de sortir leurs productions directement sur les plateformes de vidéos à la demande, ce fut notamment le cas du très attendu Mulan de Disney. A Noël, le nouveau volet de Wonder Woman sortira lui simultanément en salles et sur la plateforme HBO Max.
Quand l’épidémie de Covid-19 sera derrière nous, les cinémas retrouveront-ils leur place dans le cœur et le portefeuille des spectateurs? Oui, mais non sans quelques ajustements. “Que peut vous offrir une salle que ne pas pas offrir votre salon? D'autres spectateurs”, explique Scott Galloway, professeur de marketing à la New York University. “Les comédies sont plus drôles, les thrillers plus captivants, et les films d'horreur plus effrayants dans une foule. Les cinémas doivent se réinventer pour devenir des lieux de rassemblement, de nouveaux espaces sociaux. Un film Marvel peut ainsi être l’occasion d’organiser un concours de costumes ou des séances de visionnage marathon des précédents films.”
Dans le même temps, les acteurs du streaming vont continuer à se renforcer en 2021. “Quelqu'un devra fournir les capitaux nécessaires aux cinémas pour traverser la crise et préparer le futur du secteur”, poursuit Scott Galloway. “L'intérêt supposé d'Amazon pour la chaîne de cinémas AMC est à ce titre intéressant. Avec un rachat, il pourrait donner aux abonnés de son service Prime Video la possibilité de voir les dernières sorties en exclusivité dans les salles.”
"Les comédies sont plus drôles, les thrillers plus captivants, et les films d'horreur plus effrayants dans une foule. Les cinémas doivent se réinventer"
11. La France accélère sur la 5G
Officiellement lancée en France le 18 novembre, la 5G en est encore à un stade embryonnaire sur le territoire. Fin 2020, moins de 1% des abonnements mobiles en France seront des forfaits 5G, contre 11% en Chine et 4% aux Etats-Unis. En cause? La crise du Covid, qui a retardé l’attribution des fréquences, mais aussi la réticence de la population et de certaines municipalités à adopter cette nouvelle technologie censée offrir un débit trois à quatre fois supérieur à la 4G.
A Lille, par exemple, le conseil municipal a adopté en octobre une motion prévoyant de “surseoir à toute autorisation d’implantation ou d’allumage d’antennes liées à la technologie 5G" jusqu’à la publication, au printemps 2021 d’un rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire. La maire PS Martine Aubry souhaite ainsi dissiper les “doutes du point de vue tant sanitaire que de la sobriété numérique sur le déploiement de la 5G.” Le gouvernement, qui veut de son côté faire du très haut débit un levier de compétitivité des entreprises tricolores, promet une couverture des deux-tiers de la population en 2025. D’ici là, le secrétaire d’Etat au Numérique Cédric O s’engage à augmenter le contrôle des ondes pour rassurer la population.
12. La crise du Covid précipite la fin du cash
Passé en quelques mois de fun à indispensable pour des raisons sanitaires, le paiement sans contact a connu son heure de gloire en 2020. Désormais, 78% de toutes les transactions effectuées en Europe sont sans contact, selon Mastercard. Une tendance amenée à perdurer, bien après la crise. “Le client qui aura pris l’habitude continuera”, explique Jean-Luc Dubois, directeur des flux du groupe Arkéa. De quoi accélérer la disparition du cash? Cette année, l’Australie a renoncé à mettre en circulation 15 millions de nouvelles pièces de monnaie, faute de demande.
Un désintérêt pour l’argent liquide qui profite aux monnaies alternatives. Alors que les politiques accommodantes des banques centrales pèsent sur la confiance que portent certains investisseurs aux euros et autres dollars, les nouvelles monnaies sont en plein boom. Depuis le début de l’année, la valeur du bitcoin a ainsi progressé de 175% atteignant 19.800 dollars fin novembre. Et les poids lourds du secteur ne sont pas les seuls à tirer leur épingle du jeu. Au pays Basque français, 5% des paiements se font désormais en eusko, la plus importante micro-monnaie européenne. En pleine crise du Covid, leur quantité en circulation a progressé de 27%.
13. Le système de santé toujours en crise
Le système de santé français pourrait-il survivre à une troisième vague? Rien n’est moins sûr. D’après Frédéric Valletoux, président de la Fédération hospitalière de France (FHF), elle pourrait être “mortelle en termes de santé publique et pour l’économie de notre pays”. Pour l’heure, impossible de savoir si elle aura lieu, mais le Conseil scientifique français, qui guide le gouvernement dans ses décisions sur la crise Covid-19, considère que plusieurs vagues successives de recrudescence durant l’hiver et le printemps 2021 sont envisageables.
Si plusieurs institutions, dont l’OCDE, ont d’ores et déjà commencé à tirer des leçons en vue de rendre les systèmes de santé européens, et notamment le français, plus “agiles et résilients”, les départs nombreux parmi les personnels soignants suscitent des inquiétudes. D’autant que ceux-ci se sont accélérés dans l’entre-deux vagues et que la tendance semble se poursuivre. Et ce, malgré les mesures du Ségur de la Santé, dont une revalorisation des salaires. La FHF se veut toutefois rassurante et considère que l’on ne fait pas face à des “départs massifs” mais à des “arrêts en hausse”. Reste que les soignants, qui demandaient déjà davantage de moyens avant la crise, continuent de tirer la sonnette d’alarme et d’appeler à la responsabilité et à la solidarité.
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14. Face à Amazon, les petits commerces se numérisent
Les petits commerces n’ont pas été épargnés par la crise sanitaire. Contrairement à la grande distribution, qui a pu rester ouverte pendant les premiers et deuxième confinement, les petits commerces ont dû baisser le rideau à chaque fois. Ce qui a évidemment profité à Amazon, ainsi qu’à toutes les plateformes spécialisées dans le e-commerce.
Sociologue spécialiste du commerce, Vincent Chabault estime, interrogé par France Culture, que nous sommes “dans une révolution commerciale. La dernière révolution commerciale, c'est l'apparition, l'essor du e-commerce depuis la fin des années 90”. Selon lui, les petits commerçants ne peuvent plus concevoir leur activité sans une approche numérique: “La conception d'une offre de services numériques est indispensable aujourd'hui - c'est un peu la leçon du premier confinement”.
Et si la solution était tout simplement que les petits commerçants rejoignent Amazon? C’est, en tout cas, toute la campagne de communication du géant du numérique. Celle-ci souligne que 11.000 entrepreneurs français utilisent déjà sa “marketplace” et rappelle les avantages offerts aux petits commerçants sur la plateforme: trois premiers mois d’adhésion offerts, formations au e-commerce, ainsi qu’un crédit publicitaire pour mettre ses produits en avant.
15. Le monde du sport aura les yeux rivés sur Paris
Après les Jeux Olympiques et Paralympiques d’été 2020 au Japon (reportés du 23 juillet au 8 août 2021 en raison de la pandémie de Covid-19), le monde du sport va se tourner vers la prochaine édition, qui aura lieu à Paris en 2024. D’après les organisateurs, ils seront l’occasion de construire un “nouveau modèle” de JO, à la fois plus raisonnable sur le volet environnemental et en matière d’investissements, mais aussi plus efficace concernant les retombées sociétales.
Pour ce faire, le Comité d’organisation Paris 2024 mise notamment sur un modèle de Jeux externalisés, en “co-construction” avec des partenaires experts, selon la formule d’Etienne Thobois, directeur général du Comité. L’enjeu? Faire des économies, certes, mais aussi encourager une dynamique commune de la part de l’industrie du sport et l’industrie française en générale. Ces JO peuvent aussi se transformer en tremplin pour ensuite partir à la conquête d’autres marchés. Surtout, cette édition, qui sera forcément très attendue vu le contexte mondial, devra se mettre au diapason des nouvelles attentes, dans un monde radicalement transformé par le coronavirus et ses conséquences, avec un volet “sécurité” renforcé. “Nous avons confiance en ce qui se construit”, a récemment déclaré Tony Estanguet, président du Comité d’organisation des JO. Une confiance bienfaisante en ces temps incertains.
>>> Pour parler du monde du sport face à la crise, Tony Estanguet sera l’invité d’un Live LinkedIn Actualités jeudi 14 janvier à 13h.
16. L’enseignement en ligne va se pérenniser
Avant la crise du Covid-19, de nombreuses universités ou établissements d’enseignement supérieur européens avaient déjà pour projet de perfectionner leurs offres d’e-learning, afin d’attirer des étudiants internationaux mais aussi de répondre aux attentes de la génération Z, désireuse d’un apprentissage flexible. D’autant que plusieurs études ont prouvé que les étudiants mémoriseraient de 25 à 60% plus de contenus en ligne que leur taux de rétention en présentiel (estimé à environ 10%).
La pandémie a donné un formidable coup d’accélérateur à cette tendance. Selon le Forum Économique Mondial, les investissements dans l’éducation numérique s’élevaient à 18,66 milliards de dollars. Ce marché devrait représenter 350 milliards de dollars d’ici 2025. De nombreux enseignants mais aussi des étudiants alertent toutefois sur le risque d’un enseignement uniquement à distance. L’enjeu sera donc, dans les années à venir, de trouver le bon équilibre, soutenu par les technologies adéquates.
17. Le nucléaire continue de diviser dans la lutte contre le changement climatique
Pour faire face à l’urgence climatique, les pays de l’Union européenne se sont engagés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de 40% par rapport au niveau de 1990 d’ici 2030. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, entend même aller plus loin, en élevant cet objectif à 55%, afin d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Un plan ambitieux, surtout quand on sait que la demande mondiale d’énergie devrait doubler d’ici cette date, d’après l’institut de recherche américain Energy Information Administration (EIA).
En Europe, il semblerait que les pays où le nucléaire est déjà bien avancé - dont la France - puissent atteindre leurs objectifs énergétiques avant les autres. Mais le sujet soulève un débat politique, entre partisans et détracteurs du nucléaire comme principal levier énergétique dans la lutte contre le réchauffement climatique. Pour l’écologiste Jean-Marc Jancovici, enseignant à Mines ParisTech et fondateur du cabinet Carbone 4, “on n’a pas trouvé mieux que le nucléaire pour produire de l’électricité sans trop polluer”. Et pour garantir la durabilité de notre société, cet ingénieur revendique une “sobriété” des comportements individuels. “Notre avenir énergétique et écologique passe par le nucléaire”, a souligné Emmanuel Macron, le 8 décembre. Pourtant, le gouvernement entend fermer 14 réacteurs nucléaires d’ici 2035, en plus de ceux de Fessenheim, fermés au premier semestre 2020.
18. Des solutions face au chômage de masse
Il y a encore quelques mois, Muriel Pénicaud, alors ministre du Travail, tablait sur 7% de chômage à l’horizon 2022. Mais c’était sans compter sur la vague épidémique mondiale qui allait s’abattre au printemps dernier, muée depuis en crise économique et sociale. Conséquence, le chômage s’envole, et cela n’est pas prêt de s’arrêter: il pourrait atteindre un pic autour des 11% au premier semestre 2021 d’après la Banque de France. De son côté, l’actuelle ministre du Travail, Élisabeth Borne, espère une baisse du chômage en 2021, grâce à un “rebond” de notre économie.
Quelles solutions, alors, pour limiter les dégâts? Le gouvernement a, par exemple, lancé son plan “un jeune, une solution”, qui consiste notamment à recruter des conseillers Pôle emploi spécialisés dans l’accompagnement des jeunes, mais aussi à leur proposer une plateforme en ligne avec des offres d’emploi dédiées aux moins de 30 ans. Les solutions peuvent aussi venir des associations, comme l’initiative “zéro chômeur longue durée”, qui propose des CDI à des chômeurs de longue durée, financés grâce aux sommes destinées à l’indemnisation du chômage. Ces CDI sont créés dans des entreprises dites à “but d’emploi” qui proposent des services utiles socialement (comme des fruits et légumes peu chers, ou un dépôt de pain dans un quartier où il n’y a pas de boulangerie).
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19. L’Europe à l’épreuve des velléités nationales
Plan de relance de 750 milliards d’euros, commandes groupées de vaccins anti-Covid… A la différence de 2008, l’Europe aura cette fois tenté d’apporter une réponse commune à la crise. Un fédéralisme qui se heurte une fois encore aux préférences nationales. Certes, les pays dits “frugaux” (Pays-Bas, Autriche, Suède et Danemark) ont fini par se ranger derrière le couple franco-allemand, mais au prix de négociations interminables et d’un rabais de 110 milliards d’euros sur l’enveloppe de subventions prévues sans contreparties pour soutenir les pays les plus en difficulté.
“Comment pourrais-je dire au contribuable [néerlandais] qu’il devra donner de l’argent à l’Italie où le travail au noir représente 25% du PIB? Ça ne marchera pas. Ils doivent réformer leurs retraites et leur économie", s’était emportée aux Pays-Bas Anne Mulder, porte-parole du VVD (parti libéral). Nouvelle preuve, comme s’il en fallait une, que les dispositifs européens de solidarité Nord-Sud ne font pas l’unanimité.
Autre fronde, du côté cette fois de la Pologne et de la Hongrie, qui rejettent tout mécanisme de conditionnalité entre aides européennes et respect de l’Etat de droit. Régulièrement épinglés par Bruxelles pour leurs atteintes à certaines libertés fondamentales, les deux pays refusent l'ingérence de l’UE et menacent d’un veto le plan de relance post-Covid.
20. 2021, année de la Chine
Malgré une pandémie mondiale qui a débuté sur son territoire, l'économie chinoise a augmenté de 4,9% au troisième trimestre 2020 par rapport à la même période l’année passée. Ses citoyens mènent une vie (en grande partie) normale grâce à des verrouillages stricts qui ont arrêté la propagation du virus et le pays a signé le plus vaste accord de libre-échange au monde. Les États-Unis et l'Europe, quant à eux, se préparent à passer 2021 à contenir des vagues d'infections qui ont paralysé une grande partie de leur économie.
Tout cela place la Chine dans une position privilégiée pour être une superpuissance dominante mondiale pour les années à venir. Néanmoins, certains signes suggèrent qu'elle a peut-être déjà gaspillé cette opportunité en attisant les tensions avec sa répression à Hong-Kong , ou sa diplomatie des otages. Par ailleurs, le sentiment négatif à l'égard de la Chine est à la hausse en Australie, en Allemagne, aux États-Unis, en Corée du Sud et au Canada, entre autres, selon une enquête du Pew Research Center. “La Chine sera en avance sur tout le monde sur le plan économique, mais sa réputation mondiale ne s’améliorera pas”, résume James McGregor, président de la branche chinoise du cabinet de conseil APCO Worldwide pour la Chine.
21. La France aura plus de 10 millions de pauvres
C’est un triste constat, malheureusement bien réel dans tout l’Hexagone: la crise sanitaire a fait exploser la pauvreté. D’après le Secours catholique, la France devrait franchir la barre des 10 millions de pauvres d’ici la fin de l’année. Une situation qui se traduit, notamment, par une forte augmentation des besoins en aide alimentaire. Ainsi, pendant le premier confinement, le Secours populaire a accueilli 45% de personnes en plus, et une personne sur deux qui faisait appel à l’association était un nouveau venu. Par ailleurs, l’Observatoire des inégalités estime que l’on comptera 2,1 millions d’allocataires du RSA fin 2020, contre 1,8 million un an plus tôt, alors que ce chiffre stagnait depuis plusieurs années.
Face à cette précarité rampante, plusieurs associations et syndicats étudiants réclament l’ouverture du RSA aux jeunes de moins de 25 ans. De son côté le Secours catholique plaide pour un relèvement des minimas sociaux. Le gouvernement a, d’ores et déjà, annoncé une extension de la “garantie jeunes” en 2021 - allocation mensuelle versée aux 16-25 ans en situation de grande précarité -, mais aussi une aide mensuelle pour les travailleurs précaires jusqu’en février 2021.
>>> Quelles mesures pour les demandeurs d'emploi et les jeunes? Retrouvez notre Live LinkedIn Actualités avec Elisabeth Borne, ministre du Travail, de l'Emploi et de l'Insertion.
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Auteurs: George Anders, Devin Banerjee Samuel Chalom, Jordyn Dahl, Caroline Fairchild, Susy Jackson, Marie Malzac, Mehdi Ramdani, Callie Schweitzer. Rédaction en chef: Sandrine Chauvin, Scott Olster.