Eric Berne, dans son livre Structure et Dynamique des organisations et des groupes met en évidence l’importance des relations au sein d’un groupe, avec le leader et entre les membres, pour son bon fonctionnement. Il s’agit là de la notion d’imago de groupe que Berne présente avec un ajustement en quatre étapes : provisoire, adaptative, opérative et secondaire. [1][1]Berne Eric, Structure et Dynamique des Organisations et des…,
L’objectif de cet article est d’apporter un nouvel éclairage sur le dernier niveau d’ajustement d’imago en organisation : l’ajustement secondaire. Je m’interroge sur le sens à donner à cette appellation (Berne a peu écrit sur ce sujet) et son application en organisation.
J’associe « l’organisation » à tout groupe organisé autour d’une activité. J’y inclus : les entreprises commerciales, les entreprises publiques, les associations que je comparerai avec les groupes de thérapie.
Berne ayant principalement construit son œuvre dans un contexte de psychothérapie, il me semble intéressant de regarder en quoi un ajustement secondaire peut être différent dans un groupe de thérapie et dans un groupe au sein d’une organisation.
La définition que Berne donne de l’imago est la suivante : l’imago de groupe est toute représentation mentale, consciente, préconsciente ou inconsciente de ce qu’un groupe est ou devrait être [2][2]Ibid., page 323. Chaque individu, avant d’intégrer un groupe, en a une imago qui va évoluer à mesure que sa connaissance des membres, et plus particulièrement celle de son leader, va se préciser.
L’ajustement de l’imago, c’est-à-dire la capacité de chacun à ajuster ses représentations du groupe et à différencier chacun de ses membres, peut s’observer par l’investissement relationnel entre les membres. Cette évolution est progressive et c’est normalement le leader qui en a la responsabilité et, à ce titre, il doit veiller à ses tâches et comportements comme le décrit Petruska Clarkson [3][3]Clarkson Petruska, L’imago du groupe et les étapes de son….
Prenons l’exemple de Martin, comptable, qui va intégrer un nouveau cabinet d’une quinzaine de personnes.
Martin se fait une idée sur les personnes qui vont composer cette équipe et se demande quelles seront ses relations, particulièrement avec le patron. Ceci est la première étape de son imago, appelée provisoire. Elle se construit sur son scénario de vie et sur des informations plus récentes basées sur ses expériences personnelles. A partir du moment où il est entré dans le cabinet et quand il donne des stimuli transactionnels, il participe à la vie du groupe. Cette participation s’observe principalement dans les transactions de rituel, au sens de la structuration du temps [4][4]Berne Eric, Principes de traitement psychothérapeutique en….
En fonction de l’adaptabilité et de la flexibilité de son scénario, des transactions avec son entourage et plus particulièrement avec son chef, Martin apprend à connaître plus précisément ses collègues. Si Martin peut percevoir les rituels et l‘activité dans son état du moi Adulte, son imago se modifie. Le niveau d’ajustement va évoluer vers une imago adaptative car Martin s’adapte à la réalité du groupe.
A ce moment, il a une représentation plus précise de la composition et du fonctionnement du groupe, il va pouvoir aussi s’investir davantage dans ses relations avec les autres membres. Les transactions s’inscrivent dans une structuration de passe-temps et, en termes d’investissement relationnel, Berne parle d’implication [5][5]L’implication est le mot proposé par Berne (involvement, en….
C’est un moyen pour Martin d’évaluer sa compatibilité sociale avec celle des autres membres, conformément à son scénario. Il peut jouer un rôle passif dans les jeux psychologiques, sans prendre d’initiative. Il est impliqué. [6][6]Ibid, page 226
Martin continue d’échanger des transactions avec les autres membres de l’entreprise. Sa connaissance concernant chaque personne s’améliore, il sait ce que son chef pense de lui. Son imago devient opérative.
A ce stade, Berne écrit que pour devenir opérative, une imago doit avoir acquis un haut degré de différenciation [7][7]ibid, page 224.
Ce haut niveau de différenciation signifie pour moi que l’imago est opérative quand l’individu connaît l’ensemble des membres du groupe, d’un point de vue social, c’est-à-dire qu’il connaît, comprend et respecte leur « persona » [8][8]Berne Eric, Que dites-vous après avoir dit bonjour ? (orig.…. Il sait quelle place il occupe dans l’esprit du leader et des autres membres.
Généralement, les entreprises organisent leur fonctionnement pour que les membres de l’équipe aient une imago opérative avec, notamment, des réunions où chacun se tient informé de ce que fait son collègue, des entretiens réguliers avec le leader et l’entretien annuel d’évaluation. Ce dernier devrait être un moment privilégié pour renforcer l’imago opérative car c’est là que les collaborateurs peuvent se positionner dans leur relation à leur manager.
Quand l’imago est opérative, la personne a trouvé sa place dans le groupe et se permet d’initier ses propres jeux psychologiques qui viendront faire avancer son scénario.
Le dernier niveau d’ajustement d’imago défini par Berne est l’ajustement secondaire. Ici, l’investissement relationnel est l’appartenance, ce qui nécessite trois conditions :
1. Les transactions sont de l’ordre de l’intimité.
Berne les définit comme étant l’expression directe des émotions vraies entre des individus sans motifs cachés ni réserves. Des relations sans jeux psychologiques en général entre deux personnes [9][9]Ibid, page 323.
2. Les deux autres conditions pour appartenir au groupe sont l’éligibilité et l’acceptation [10][10]Ibid, page 226.
Berne introduit ici un niveau de réciprocité qui n’apparaît pas dans l’investissement relationnel des autres stades de l’ajustement de l’imago. Pour faire partie du cercle des intimes, la personne n’est plus seule aux commandes mais doit apparaître comme légitime et se faire accepter par le groupe.
Au stade secondaire, chaque membre doit jouer le jeu du groupe et renoncer à ses propres jeux psychologiques. Il doit appartenir au groupe pour s’en approprier la culture. Berne dit que cette renonciation se traduit par un ajustement secondaire de l’imago de groupe opérative [11][11]Ibid, page 226.
A mon sens, le niveau secondaire se présente comme une deuxième partie de l’imago opérative. La première partie étant la connaissance de la « persona », la seconde, celle de la personne. L’imago secondaire ouvre une porte vers des relations libres d’enjeux scénariques et qui permet des émotions appropriées à leur contexte.
Dans cette logique, je propose l’ordonnancement suivant :

Les trois premiers stades de l’ajustement servent à faire avancer le scénario de l’individu alors que le dernier l’invite à en sortir par une ouverture à soi et aux autres, en abandonnant ses propres jeux psychologiques.
L’appartenance au groupe reste une « situation indéfiniment temporaire », car si la personne retourne vers ses inclinations individuelles ou si, tout simplement, elle ne respecte pas les dispositions du canon établies par le groupe, l’acceptation peut être retirée [12][12]Ibid, page 226.
E n lire plus https://www.cairn.info/revue-actualites-en-analyse-transactionnelle-2014-3-page-35.htm