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Paradoxe ! La marque est un actif stratégique valorisable mais les entreprises y pensent rarement lorsqu’elles ont besoin de renforcer leurs fonds propres et de valoriser leur potentiel. En 2021, de nombreuses entreprises vont devoir « restructurer leur bilan », se rapprocher, se vendre ou acheter d’anciens concurrents. Réflexions économiques du spécialistes des marques, et fondateur de Valomarques, Georges Lewy à prendre très au sérieux...
On connaît 3 grandes méthodes pour valoriser cet actif stratégique qu’on appelle la marque. Celle des megabrands, la méthode comptable et la méthode marketing. Des cabinets internationaux comme Interbrand, Brand finance… valorisent, pour les grands groupes, les megabrands, les « best global brands » . Apple, Amazon, Google, Microsoft, Samsung, les 1ers de la classe valent plus de 100 milliards $. Louis Vuitton et Chanel suivent. Ces cabinets utilisent une centaine de critères et valorisent les « marques milliardaires », présentes de façon équilibrée sur tous les continents.
Les PME et les ETI sont exclues de cette valorisation
Mais les PME, les ETI comme les marques iconiques à plus petit chiffre d’affaires sont exclues de cette valorisation. Les experts comptables proposent, eux, une méthode fondée sur le bilan de l’entreprise, essentiellement sur le passé en utilisant 3 paramètres, la valorisation par les revenus, par le marché et par les coûts, autrement dire ce qu’a coûté la marque et ce qu’elle rapporte.
La méthode marketing, type Valomarques ou Sorgem évaluation est la plus dynamique.
Elle consiste à considérer la marque comme un actif « sécable », qui peut se valoriser, de façon autonome à la manière d’un immeuble. Il y a la valeur de l’entreprise (ce que font les experts-comptables) et la valeur de la marque. Celle-ci est quelquefois supérieure à celle de l’entreprise. La marque Biafine a ainsi été « payée » près de 100 millions d’euros, deux fois plus cher que l’entreprise, laboratoire familial mono-produit. La méthode marketing est fondée sur le croisement de 3 paramètres : les investissements, la communication et le marketing. Pour faire une évaluation correcte, il faut pouvoir en traiter au moins deux. Le 1er paramètre consiste à reconstituer les sommes investies depuis la création de la marque pour l’amener au point actuel. Le second mesure la notoriété. En s’appuyant sur plus de 4000 datas de la base de données, le logiciel reconstitue l’investissement nécessaire pour obtenir rapidement le même taux de notoriété.
La Contesse du Barry bénéficie d'une prime de marque pour son foie gras de 28% versus ses concurrentes
Le 3e paramètre, le plus pertinent est le marketing : on calcule la prime de marque (ce que le consommateur paye réellement plus cher pour les produits de cette marque) ramenée au chiffre d’affaires. Ainsi, la marque Comtesse du Barry a, sur son foie gras une prime de marque de 28% par rapport aux marques concurrentes moins référentes. La valeur de la marque a été évaluée en relation avec son chiffre d’affaires à près de 25 M€.
La méthode marketing est particulièrement adaptée aux « marques iconiques » qui ont souvent de fortes notoriétés et de petits chiffres d’affaires. Une marque iconique comme Von Dutch a été valorisée, selon la méthode Valomarques à 18 M€ avec un chiffre d’affaires en redémarrage et une marque comme Charles Jourdan à plus de 80 M€. La méthode marketing peut être un vrai plus pour les PME. Un propriétaire d’une jolie marque agro-alimentaire veut vendre son entreprise pour prendre sa retraite. La rentabilité est faible, le prix de cession risque d’être bas. Le calcul de la valeur de la marque a mis un peu de beurre dans la soupe de courges en ajoutant 1 million d’euros dans la transaction.
La marque Livret A a été évaluée à 400 millions d'euros grâce à la reconstitution des notoriétés assistées et spontanées... Une manne.
Et pour les marques non commerciales ? Voici une anecdote véridique. Début 2008, le président Sarkozy « donne » l’autorisation de distribuer le Livret A à toutes les banques. Or la marque Livret 1 appartenait à La Poste et aux Caisses d’Epargne qui l’avaient déposée. Elle fut évaluée à près de 400 millions en se fondant sur la reconstitution des notoriétés assistée et spontanée (de plus de 90%). Ce cadeau présidentiel a sans doute « coûté cher » à l’état français ! Combien coûte une telle intervention ? Selon les données déjà existantes, le temps de travail est de 2 à 3 semaines et le coût de ce travail se situe entre 3900 et 6900 € HT pour une marque. Les marketers ne doivent plus laisser cette partie stratégique leur échapper !
Georges Lewi
Mythologue, expert en marketing, spécialiste des stratégies de marques (branding) et du storytelling. Ancien professeur associé à HEC et à au CELSA (ParisIV Sorbonne) et auteur de 15 ouvrages