René Passet (1926). Son analyse se fonde sur une critique de notre paradigme économique qui s’est substitué au point de vue englobant sur la nature. Il faut au contraire, selon Passet, repenser l’englobant écologique comme étant premier, selon ces trois « sphères d’emboîtement » : le vivant (la nature), l’humain puis l’économique. Dans son ouvrage L’économique et le vivant (1979), il décrit cette « révolution mentale » qu’il faut accomplir comme la seconde plus importante de l’histoire de l’espèce humaine, après la sédentarisation durant le néolithique. Il écrit ainsi : « les hommes sont conduits à repenser leurs comportements dans le respect des lois qui gouvernent le monde : accéder à la conscience cosmique ou disparaître, tel est le défi redoutable et magnifique auquel ils se trouvent confrontés ». (Voir également : L’Illusion néo-libérale, Les Grandes Représentations du monde et de l’économie à travers l’histoire). [NMM]
Michel Aglietta (1938). Il est l'un des fondateurs de l'École de la régulation, qui s’opposent aux économistes néoclassiques/monétaristes. Aglietta fait le lien entre inégalités croissantes et crise environnementale, toutes deux issues d’un capitalisme financiarisé en pleine dérive. Il vient de publier un rapport qu'il a coordonné pour la Caisse des dépôts : « Transformer le régime de croissance ». Avec notamment Jean-Charles Hourcade, il réfléchit également aux mécanismes financiers et bancaires complexes (par exemple la blended finance) qui pourraient permettre de penser la décarbonisation. [EM]
Eloi Laurent (1974). Il est l’un des économistes français (OFCE) à s’être spécialisé sur les dimensions économiques de la transition écologique et, ainsi, aux conditions politiques nécessaires à la réussite de cette transition. Dans plusieurs ouvrages, il a développé l’idée d’une « social-écologie » (La Nouvelle écologie politique, 2008 ; Social-écologie, 2011) ou critiqué l’écolo-scepticisme (Nos mythologies économiques, 2016). Dans son dernier livre (Sortir de la croissance : Mode d'emploi), cet économiste résolument de gauche considère que « la croissance et le PIB ne sont pas, ne sont plus, la solution : ils sont devenus le problème ». Eloi Laurent s’est également intéressé aux nouveaux « indicateurs de bien-être », dans la lignée des travaux de Joseph Stiglitz et d’Amartya Sen, au développement soutenable et, plus récemment, à l’articulation entre crise sociale et crise écologique. [FM]
Les anthropologues
Philippe Descola (1949). Dans le débat écologique contemporain les travaux de l’anthropologue français Philippe Descola, à partir du terrain de l’Amérique du Sud, ont joué un rôle fondamental dans la mise en discussion de l’universalité du partage entre nature et culture. À ce propos, son ouvrage le plus célèbre et fondamental demeure Par-delà nature et culture (2015), où il démontre que l’approche « naturaliste » de la culture moderne occidentale n’est qu’un certain rapport humain au réel. En faisant le tour du monde, nous pouvons rencontrer d’autres communautés structurées par des approches « animistes », « analogistes » ou « totémistes », où l’opposition entre culturel et naturel perd toute sa pertinence. [JR]
Tim Ingold (1948). Le chercheur britannique a d’abord étudié les sciences de la nature pour ensuite se déplacer sur les terrains de l’anthropologie. À partir de cette double filiation, les œuvres pionnières d’Ingold tentent depuis une trentaine d’années de décrire les phénomènes vivants au-delà de la distinction entre le domaine du culturel (humaine) et du biologique (naturel). Ce qui compte est le fait commun d’être en vie (« being alive ») dans un processus de devenir incessant et relationnel à l’intérieur d’un milieu (« from the inside »). [JR]
Eduardo Viveiros De Castro (1951). Anthropologue brésilien proche des communautés autochtones de la forêt brésilienne. Influencé par la pensée deleuzienne, il a contribué à remettre en discussion notre rapport à la soi-disant « Nature » et aux espèces vivantes au nom d’autres manières d’être au monde (à savoir, d’autres ontologies). Son livre le plus connu demeure Metaphysiques Cannibale. [JR]
Anna Tsing (1952). L’anthropologue américaine s’est notamment intéressée, dans Le Champignon de la fin du monde. Sur les possibilités de vie dans les ruines du capitalisme (2015) au champignon matsutake, qui prolifère dans les espaces détruits par les activités humaines : en étudiant sa collecte et sa mise en vente, elle dresse le récit plus vaste des enchevêtrements interspécifiques entre humains et non-humains, tissés par le parcours du champignon, proposant une attention renouvelée aux « histoires divergentes, stratifiées, combinées, qui fabriquent des mondes », d’autres manières de vivre parmi les ruines du saccage écologique. [EM]
Les historiens
William Cronon (1954). Il est l’un des pères fondateurs de « l’histoire environnementale », qui s’attache à faire entrer dans la discipline historienne des éléments naturels : les forêts, les fleuves, les animaux… Dans le sillage des travaux de John Muir et d’Aldo Leopold sur la « wilderness », dans une démarche partant d’en bas et mettant en évidence l’entrelacement des acteurs humains et non-humains, Cronon invite à décentrer le regard anthropocentré que nous posons sur notre propre histoire, pour aller voir ce qui se passe du côté d’un environnement trop longtemps pensé comme coupé des affaires humaines. (Voir notamment Changes in the Land : Indians, Colonists, and the Ecology of New England). [EM]
Jean-Baptiste Fressoz. Historien des sciences, des techniques et de l’environnement, Fressoz contribue à la pensée de l’anthropocène (l’époque de l’histoire identifiée par la trace laissée par les activités humaines dans la stratigraphie, et caractéristique de l’empreinte irréversible de l’humanité sur son environnement). Il critique la dépolitisation de ce concept dans L’événement anthropocène : la Terre, l’histoire et nous (2013, avec Christophe Bonneuil) : unifiant l’espèce humaine dans une responsabilité de la crise environnementale, il produit des catégories et des récits qui occultent les rapports économiques, sociaux, coloniaux qui ont déterminé le changement climatique. Dans L’Apocalypse joyeuse, une histoire du risque technologique, (2012), il propose une histoire du risque technologique, montrant que les acteurs positivistes et industriels du XIXe siècle s’employèrent, tout en ayant clairement conscience des risques, à « ajuster le monde à l’impératif technologique ». [EM]

Les « collapsologues »
Jared Diamond (1937). Auteur au succès planétaire, Jared Diamond n’est pas à proprement parler un collapsologue. Scientifique de haut niveau (biologiste évolutionniste, physiologiste et géonomiste), professeur à Harvard et par la suite à UCLA, il raconte cependant l’histoire de l’ « effondrement » des sociétés humaines, pour reprendre le titre de son best-seller, intitulé justement Collapse en anglais. (Voir : Effondrement : Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie). [FM]
Pablo Servigne (1978). Avec ses compagnons Raphaël Stevens et Gauthier Chapelle (mais aussi Yves Cochet et de nombreux autres), Servigne est le visage et la voix les plus connus de ce courant de l’écologie contemporaine francophone que lui-même a contribué à appeler « collapsologie ». Depuis la publication du best-seller Comment tout peut s’effondrer (2015), sa pensée de l’imminence d’un effondrement radical de nos systèmes insoutenables a gagné de plus en plus de place dans les débats médiatiques et politiques : des podcasts aux chaînes YouTube en passant par les plateaux télé et même Bercy, l’arène publique a convoqué et discuté de plus en plus souvent le discours collapsologique. [JR]
Au croisement de l’écologie et des médias
Fabrice Flipo (1972). Entouré par d’autres chercheuses et chercheurs en sciences sociales, Fabrice Flipo a mené d’importantes enquêtes autour des coulisses écologiques des technologies de communication (numériques, en particulier) qui prolifèrent dans nos sociétés appareillées. Au cœur de ses travaux (comme Écologie des infrastructures numériques et La face cachée du numérique) est rendue visible toute une série de sujets croisant environnement et médias, comme les coûts énergétiques, les extractions minérales et les déchets toxiques de l’univers connecté. [JR]
Yves Citton (1962). D’abord théoricien de la littérature et de la pensée du siècle des Lumières, Yves Citton a récemment élaboré – dans son infatigable nomadisme intellectuel – une série de travaux précieux qui entretissent les problèmes de l’écologie à ceux des médiations (à savoir, des techniques des communications). Toujours animé par un questionnement politique sur nos communautés sociales, techniques et esthétiques. En attendant la sortie de son Générations collapsonautes, voir notamment : Renverser l’insoutenable, Pour une écologie de l’attention et Médiarchie. [JR]
Les éco-féministes
Susan Griffin (1943). Poète, dramaturge, écrivaine éco-féministe. Son approche consiste à étudier les liens entre la destruction de la nature, le sexisme et le racisme, notamment dans Woman and Nature: The Roaring Inside Her (1978). [EM]
Françoise d’Eaubonne (1920-2005). Romancière et essayiste prolifique, François d'Eaubonne était avant tout féministe. Elle a cofondé le Mouvement de libération des femmes (MLF) puis le Front homosexuel d’action révolutionnaire (Fhar). Sa prise de conscience écologiste progressive, imprégnée du rapport Meadows Limits to growth (« Limites à la croissance ») de 1972 et des idées de Serge Moscovici, la pousse à mener de front ces deux combats. Elle opère dès 1974 la synthèse entre la dénonciation de l’exploitation de la nature par l’Homme et l’exploitation de la femme par l’homme. C’est dans Le féminisme ou la mort (Éd. P. Horay) qu’apparaît pour la première fois le terme d’ « écoféminisme » qui sera ensuite repris par les militantes étasuniennes, anglaises ou indiennes dans les années 1980. Au cœur de sa théorie écoféministe se trouve la dénonciation de « l’illimitisme de la société patriarcale », qui pousse tant à l’épuisement des ressources qu’à une « surfécondation de l’espèce humaine ». C’est dans ce contexte qu’elle pose comme premier fondement de l’écoféminisme la reprise en main de la démographie par les femmes et défend le droit à la contraception, à l’avortement, aussi bien que l’abolition du salariat et de l’argent, dans une logique de décroissance économique autant que démographique. Elle influence des penseuses comme Vandana Shiva, Maria Mies et Starhawk. [ZS]
Starhawk [Miriam Simos] (1951). Protagoniste du mouvement altermondialiste, elle a incarné également la lutte et les théories éco-féministes. La crise écologique nous renvoie, selon Starhawk, aussi bien à un système économique capitaliste nocif qu’à des paradigmes culturels de domination et de rationalisation, où l’histoire du genre – masculin, bien entendu – joue un rôle non négligeable. Sa pensée nous permet aussi de prendre au sérieux les gestes sorciers et l’imaginaire néo-païen si répandu dans certains milieux écologistes. Commencer par Rêver l’obscur . [JR]
Joanna Macy (1929). Militante écologiste, pionnière de l’« éco-psychologie ». Dans Écopsychologie pratique et rituels pour la Terre, elle s’inspire des théories du bouddhisme et de l’approche systémique pour développer un autre rapport à soi et à la nature. [EM]
Émilie Hache. Jeune philosophe et théoricienne de l’écologie vouée à la rencontre entre questions environnementales, cultures militantes et pensée féministe. Hache a coordonné plusieurs ouvrages comme Reclaim (2011), qui ont contribué à renouveler le corpus du questionnement autour de l’écologie politique. [JR]

Les politiques et syndicalistes
Gifford Pinchot (1865-1946). Homme politique passionné par la vie au grand air, la pêche à la ligne, les insectes, les forêts, il vécut quelques temps au contact de la « wilderness » qui lui donna la volonté de protéger l’environnement. Après ses études à Yale, il fut le premier à introduire la foresterie aux États-Unis. De sa formation en sylviculture, il conserva la certitude que la forêt pouvait être le fruit d’une culture des arbres méticuleuse, sur le modèle du « tree farming », et fondée sur un modèle économique rentable et soutenable, contre l’exploitation déraisonnée des ressources naturelles. En sa qualité de gouverneur, il défendit ses idées pendant de longues années et devint le premier chef du Service des forêts des États-Unis. De fait, il appartient au courant de pensée du conservationnisme, qui défend la nécessité de gérer les ressources naturelles que nous exploitons dans notre propre intérêt. C’est le mouvement auquel souscrira plus tard la ligne des partisans du développement durable. [NMM]
Chico Mendes (1944-1988). Le célèbre leader syndical brésilien, qui fut l’un des défenseurs pionniers de la forêt amazonienne et du travail des seringueiros (les ouvriers agricoles cultivateurs du latex), a été assassiné pour ses idées. Longtemps, son combat s’est articulé à l’intersection des questions syndicales, indigènes et écologiques, au nom des communautés autochtones qui possédaient leurs terres ou de la critique des lobbies de l’exploitation de l’Amazonie par les grands propriétaires terriens ou les géants de l’agro-business. Depuis son assassinat, ses idées n’ont cessé d’influencer la pensée écologique brésilienne et notamment tous les défenseurs de l’Amazonie. (voir : Chico Mendes, Mon combat pour la forêt). [FM]
Alfredo Sirkis (1950). Ancien député du Brésil, le journaliste Alfredo Sirkis a pris la tête en 2019 d’un mouvement en faveur de l’environnement et contre le président Bolsonaro, qui se construit notamment autour des gouverneurs d’une dizaine d’États. Sirkis a été l’un des défenseurs des politiques de reforestation au Brésil et a développé l’idée d’une valeur économique du « moins carbone » (concept du « carbon positive pricing ») ou encore celle des « blended finances » (garantie publiques offertes aux banques si elles défendent des projets verts). Peu après sa prise de fonction, le président Bolsonaro a démissionné Sirkis de son poste clé de « Coordinator of the Brazilian Forum for Climate Change » (FBMC). Depuis, il est directeur du think tank Brazilian Climate Center (CBC). Auparavant, ce député des Verts brésiliens (élu de 2011 à 2014) avait été candidat à la présidentielle de 1998. Sirkis a publié plusieurs livres dont le best-seller sur l’environnement Os Carbonários et, à paraître, Descarbonario. [FM]
Marina Silva (1958). Ayant grandi dans une famille de seringueiros (cultivateurs du latex) dans un petit village de l’Acre de la région amazonienne, jeune orpheline et ancienne femme de ménage, Marina Silva est devenue une championne de l’écologie au Brésil. Elle a, d’une certaine façon, repris le flambeau après l’assassinat du leader syndical Chico Mendes. Femme politique de premier plan depuis les années 2000 (ministre de l’écologie du président Lula, candidate malheureuse à la présidentielle en 2014 et, surtout, en 2018), elle connaît aujourd’hui un fort désaveu populaire. Ses positions évangéliques conservatrices sur les questions de mœurs et de famille ont pu être critiquées mais, au sein du protestantisme brésilien, elle joue un rôle majeur en incarnant une voix écologique alors que les évangéliques, qui constituent une partie significative de l’électorat de Bolsonaro, sont souvent réticents à embrasser les thèmes écologiques ou se montrent peu désireux de protéger la forêt amazonienne. [FM]
Al Gore (1948). Depuis sa défaite inattendue à la présidentielle de 2000, Al Gore a dédié une partie de sa carrière à l’écologie. Son combat contre le réchauffement climatique passe notamment par son ONG (l’Alliance for Climate Protection) et par une multitude d’initiatives en faveurs d’une réforme de l’ordre monétaire et bancaire international pour tenir compte de la dimension écologique et des émissions des gaz à effet de serre (via le fond d’investissements Generation Investment Management LPP notamment). Il a co-obtenu, avec le GIEC (Groupe d'experts inter-gouvernemental sur l’évolution du climat), le prix Nobel de la paix en 2007 pour son engagement dans la lutte contre les changements climatiques. (Al Gore, Choisir maintenant, Une vérité qui dérange et Urgence Planète Terre). [FM]

Les scientifiques : chimistes, biologistes, géographes, géologues…
Svante August Arrhenius (1859-1927). Chimiste suédois, qui fut le premier à établir un lien, dans un article publié en 1896 (« De l'influence de l'acide carbonique dans l'air sur la température au sol »), entre concentration de dioxyde de carbone dans l’atmosphère et augmentation de la température terrestre, soit le désormais bien connu « effet de serre ». [EM]
Rachel Carson (1907-1964). Scientifique de haut niveau, rattachée à une agence fédérale américaine, Rachel Carson fut l’une des femmes précurseures de la question écologique aux États-Unis. Avec son livre Printemps silencieux (Silent Spring, préface de Al Gore), elle a livré une analyse précoce sur le danger du DDT et des pesticides. Son influence fut déterminante, donnant naissance à un véritable mouvement social en faveur de l’environnement aux États-Unis et à la création d’agences dédiées, aujourd’hui fort menacées. [FM]
Élisée Reclus (1830-1905). Géographe, membre actif du mouvement anarchiste, il a forgé une géographie humaine totale, décrivant dans La Terre (1868) les phénomènes de la vie du globe et le rôle qu’y joue l’homme, bénéfique comme néfaste. Les dix-neuf volumes de La Nouvelle Géographie universelle : la terre et les hommes représentent son grand-œuvre, une encyclopédie d’une géographie totale. [EM]
James Lovelock (1919). Géophysicien, il a développé avec la biologiste Lynn Margulis le concept « Gaïa » dans plusieurs livres (Les Âges de Gaïa ; La Terre est un être vivant, l’hypothèse Gaïa). « Gaïa » entend décrire la particularité de la planète Terre, qu’un certain nombre d’êtres vivants ne font pas qu’habiter, en subissant la pression d’un milieu (dans une conception darwinienne), mais l’ajustent aussi en retour, la transforment pour la rendre plus propice à la vie. Selon Lovelock, la Terre n’est pas un bloc de matière, un donné pur, c’est avant tout un vaste organisme, vivant et rétroactif. « Gaïa » permet ainsi de dépasser la frontière entre sujet et objet, animé et inanimé, vivant et inerte, et de concevoir la vie comme un processus physique autorégulateur, un vaste système symbiotique. [EM]
Lynn Margulis (1938-2011). Microbiologiste américaine, elle a bouleversé la biologie contemporaine avec sa théorie de l’origine endosymbiotique des cellules eucaryotes. Elle a mis en avant la dimension évolutive des interactions symbiotiques entre des organismes d’origine phylogénétique différente. Elle est également connue pour avoir créé avec James Lovelock le concept « Gaïa ». (Voir notamment : L’Univers bactériel. Les nouveaux rapports de l’homme et de la nature, avec Dorion Sagan).
Jean Jouzel (1947). Climatologue et glaciologue, membre du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), il a notamment étudié les évolutions passées et futures du climat de la terre. Jean-Jouzel est une figure renommée de l’alerte scientifique quant au réchauffement climatique. (Voir : Climats passés, climats futurs).
Les théologiens
Leonardo Boff (1938). A l’origine, le prêtre brésilien Leonardo Boff est un « théologien de la libération ». Avec des figures majeures comme le péruvien Gustavo Gutiérrez, l’espagnol-salvadorien Jon Sobrino ou, plus tard, le brésilien Frei Betto, Boff contribue à imaginer une théologie à la fois post-marxiste et catholique, engagée pour une plus grande justice sociale, et qui place en son cœur l’« option préférentielle pour les pauvres ». Après avoir longtemps été prêtre en Amazonie, et avoir vécu au contact des populations indigènes, il a eu une violente opposition avec le pape Jean-Paul II et, surtout le cardinal Ratzinger, au point qu’il quittera les ordres et se mariera finalement. Dans les années 1980, le (toujours) théologien Boff se met à penser, à partir de la Bible, le statut de la terre. Exploitée, et même « crucifiée », la Terre doit être protégée comme « maison commune » voulue par Dieu. Ce faisant, Boff contribue à l’évolution de la Théologie de la libération, et bientôt de toute l’église catholique, vers l’écologie. Il publie plusieurs livres majeurs sur le sujet et est l’une des sources principales, sinon l’un des rédacteurs, de l’encyclique Laudato’ Si sur l’environnement du pape François. A ce titre, celui qui a reçu le prix Nobel alternatif en 2001, est aujourd’hui l’un des penseurs de l’écologie les plus importants, ses idées influençant désormais des millions de catholiques à travers le monde. (Voir : Leonardo Boff, La Terre en devenir ou ses livres, non traduits en français, Toward an Eco-Spirituality et Essential Care : An Ethics of Human Nature) [FM]
Gaël Giraud (1970). Docteur en mathématiques et prêtre-théologien catholique, il fut chef économiste de l’Agence française de développement (2015-1019). Il s’intéresse aux financements de la transition écologique et au fonctionnement de l’économie de marché (croissance, PIB, banques, IPO…) en proposant des modèles qui intègrent les enjeux écologiques. [FM]
Jean Bastaire (1927-2013). Penseur de l’écologie chrétienne, hostile à la société de consommation et à l’hérésie productiviste. Il promeut une « charité cosmique » entre les hommes et toutes les créatures terrestres. Dans Pour un Christ vert (2009), il appelle à une écologie spirituelle et sobre, respectueuse de la création, l’inscrivant dans toute une histoire de l’Église : « Christ vert, cette expression étrange est calquée sur le Christ socialiste du XIXe siècle, Christ ouvrier et Christ des barricades qui malheureusement échoua […]. L’Église du XXIe siècle va-t-elle rater à nouveau le rendez-vous ? » Voir également : Pour une écologie chrétienne, 2004. [EM]

Les activistes
Greta Thunberg (2003). Si elle a publié quelques textes, préfaces ou livre, Greta Thunberg n’est pas à proprement parler une « intellectuelle » de l’écologie. Cependant, le parcours et les prises de position radicales récentes de la jeune activiste suédoise ont une influence considérable sur le débat global autour des enjeux climatiques. A la tête de la Skolstrejk för klimatet (« grève scolaire pour le climat »), celle qui a été en couverture du magazine Time – une preuve, à tout le moins, de son influence –, a donné naissance à un véritable mouvement social international. Si elle suscite des critiques également radicales, son combat va dans le sens d’une prise en compte de l’urgence des enjeux écologiques et climatiques. De fait, elle est devenue une icône de ce combat. (Greta Thunberg, Scènes du cœur). [FM]
Naomi Klein (1970). L’essayiste altermondialiste canadienne, auteure de best-sellers contre le néolibéralisme et la mondialisation économique (No Logo, La stratégie du choc) est devenue célèbre plus récemment comme activiste écologique avec son livre Tout peut changer : capitalisme et changement climatique (2014). Elle y défend l’idée que la transition écologique est incompatible avec l’organisation capitaliste de la société et dénonce les discours climato-sceptiques, parfois nourris par des conflits d’intérêts économiques. Elle dénonce aussi le green-washing de certains acteurs prétendument écolos ou des banques. Si l’ouvrage a fait l’objet de critiques pour avoir instrumentalisé la cause écologique au profit de ses idées anti-capitalistes, l’essayiste a eu néanmoins le mérite de permettre à une partie de la gauche radicale de se convertir à la question climatique. [FM]
Pierre Rabhi (1938). Figure controversée du mouvement écologiste français, Rabhi est un agriculteur qui milite pour l’agro-écologie et la « sobriété heureuse ». Il fut le fondateur du mouvement Colibris. Grâce à des techniques agricoles alternatives et à des idées à la fois futuristes et conservatrices sur un retour à la terre idéalisée, il a su conquérir une certaine audience. Dans une enquête du Monde Diplomatique qui a fait date, le journaliste Jean-Baptiste Malet a critiqué ses idées ultra-conservatrices, ses propos pseudo-scientifiques et ses liens avec la droite extrême ; Pierre Rabhi a répondu dans un droit de réponse. (Voir parmi les nombreux livres de Pierre Rabhi, Écologie et spiritualité, Terre-Mère, Vers la sobriété heureuse et son recueil d’article Le recueil à la terre). [FM]
Vandana Shiva (1952). Figure altermondialiste, elle mène avec son organisation Navdanya un combat contre l’agriculture intensive et contre les OGM, dans une défense de la biodiversité et de l’agriculture biologique, des savoirs indigènes et de l’autonomie alimentaire. [EM]
Quelques journalistes
Hervé Kempf (1957). Journaliste spécialisé dans l’environnement, il est le rédacteur en chef du site Reporterre (le quotidien de l’écologie), et l’auteur d’ouvrage sur l’écologie, dont Tout est prêt pour que tout empire. 12 leçons pour éviter la catastrophe. [EM]
Fabrice Nicolino (1955). Journaliste d’investigation (il fut par ailleurs l’une des victimes de l’attentat contre Charlie Hebdo), Nicolino a signé plusieurs enquêtes décisives sur l’environnement depuis son Tour de France d’un écologiste (1993). On lui doit notamment une enquête majeure sur les pesticides (2007) et une autre sur l’industrie de la viande (Bidoche, 2009). Auteur d’une vingtaine d’ouvrages sur les questions écologiques, il est également à l’origine d’une campagne avec Charlie Hebdo en faveur de l’interdiction des pesticides (« Nous voulons des coquelicots »). [FM]
Eugénie Bastié (1991). Journaliste « bioconservatrice » qui publie notamment dans Le Figaro, Eugénie Bastié a été l’une des fondatrices en 2015 de la revue Limite dont le sous-titre est : « Revue d'écologie intégrale ». Ainsi, cette catholique affirmée s’inscrit dans un groupe de jeunes intellectuels qui tentent de refonder une écologie de droite sur de nouvelles bases. [FM]
Les artistes
Ernst Haeckel (1834-1919). Biologiste étudiant les relations entre un organisme vivant et son milieu, on lui doit l’invention du mot « écologie ». Mais c’est surtout pour ses Formes originaires de la nature (1904), véritable traduction artistique de la révolution darwinienne, que l’on se souvient de lui : cette suite de lithographies où cohabitent les formes parfaitement symétriques d’insectes et de fleurs, de planctons et de coraux, de reptiles et de méduses, témoigne d’une époque où art et science ne s’excluaient pas dans l’observation minutieuse et la contemplation esthétique du monde. [EM]
Bernie Krause (1938). Musicien spécialisé dans la « bioacoustique », il a brossé des « paysages sonores » en enregistrant les cris et les bruissements des animaux, dans une invitation à prêter l’oreille à ce qui n’est pas un simple bruit de fond, mais la splendeur acoustique de notre monde, dans laquelle nous baignons. Une œuvre entre émerveillement et inquiétude, car les 4 500 heures d’enregistrement de Bernie Krause témoignent aussi de la disparition massive d’espèces, de leur extinction sonore… Il a été rendu célèbre en France avec son exposition à la Fondation Cartier : « Le Grand Orchestre des Animaux » en 2017. [EM]
Robert Smithson (1938-1973). Grande figure du Land Art, courant artistique qui investit des environnements naturels pour créer des œuvres arrachées au monde social et rendues aux éléments, Smithson est notamment connu pour Spiral Jetty (1970), située au nord du Grand Lac salé dans l’Utah : une spirale, faite de roches, de sel et d’algues, partant du rivage comme une excroissance, se dérobe au regard du spectateur par son immensité et par son inscription dans le temps long de la Terre. [EM]
Pierre Huyghe (1962). Cherchant à développer des œuvres-écosystèmes, autonomes de l’intervention des spectateurs, Huyghe élabore des installations qui continuent à « vivre » en-dehors du temps de l’exposition, donnent naissance à des mondes à part. Dans Zoodram 4 (2011) par exemple, un aquarium rempli de pierres ocres loge un bernard-l'ermite dont la coquille est une reproduction de la sculpture La Muse endormie de Constantin Brancusi. Il invite aussi à penser notre propre extinction, notamment dans la vidéo Human Mask (2015), où un singe affublé d’un masque blanc se promène dans un restaurant japonais déserté, un univers post-Fukushima dans lequel l’humanité est réduite à cette figure d’inquiétante étrangeté. [EM]
Olafur Eliasson (1967). Militant écologiste, le plasticien danois crée la plupart de ses œuvres en prise direct avec l’urgence environnementale. Eliasson a ainsi invité la banquise à l’occasion de l’ouverture de la COP21 en 2015 avec son intallation Ice Watch. En disposant des morceaux d’icebergs venus du Groenland place du Panthéon à Paris, ces blocs de glace, devenus symboles du réchauffemement climatique, ont fondu sous les yeux des passants. Il n’en est toutefois pas à son premier coup d’essai dans les interventions spectaculaires. Dès la fin des années 1990, il injecte de l’uranine dans plusieurs fleuves, un colorant non toxique, donnant une couleur vert fluorescent aux eaux. Sans avertissement préalable, les rivières se sont métamorphosées en coulées irradiantes et inquiétantes. Une mise en garde contre la pollution des industries, très souvent invisible dans les cours d’eau. [DP]

Les cinéastes
Hayao Miyazaki (1941). Figure incontournable du cinéma d’animation japonais, son œuvre est parcourue par un grand souffle animiste (c’est-à-dire l’idée que tous les éléments qui composent le monde sont dotés d’une intériorité, d’une puissance d’agir), mettant en scène des sociétés en conflit avec leur environnement et la difficile cohabitation des êtres au sein d’un même espace, de la forêt toxique qui envahit la surface du globe dans Nausicaä de la vallée du vent, aux fonds marins prêts à déferler en vagues destructrices dans Ponyo sur la falaise, en passant par la guerre entre les hommes et les divinités de la nature dans Princesse Mononoké. [EM]
Terrence Malick (1943). Le cinéma de Malick est habité par un panthéisme majestueux, célébrant l’Éden perdu qu’est la nature. Ses films rejouent toujours la possible fusion entre l’homme et cette nature mythique des origines, héritée du transcendantalisme américain de R. W. Emerson et de H. G. Thoreau. Un idéal susceptible d’être balayé par les guerres (La Ligne rouge), les conquêtes (Le Nouveau monde) ou les drames intimes et existentiels (The Tree of life)… [EM]
Agnès Varda (1928-2019). La malicieuse cinéaste n’a eu de cesse de prendre au sérieux les objets naturels qui nous entourent : des patates difformes qui ne se vendent pas (Les Glaneurs et la glaneuse) aux platanes malades qui finiront abattus comme la vagabonde Sandrine Bonnaire (Sans toit ni loi), en passant par les tournesols qui suivent le soleil sans égard pour le possible malheur qui se trame derrière eux (Le Bonheur), la nature n’est pas qu’affaire de décor, mais joue un rôle essentiel dans les histoires humaines. [EM]
[…]
SANS OUBLIER ceux auxquels nous avons également pensé mais sans encore leur consacrer une notice : l’économiste Jean-Charles Hourcade ; les journalistes Paul Piccarreta et Marianne Durano ; l’artiste Ai Weiwei ; l’historien de l’art Paul Ardenne ; l'historienne Frédérique Aït-Touati ; les collapsologues Raphaël Stevens et Gauthier Chapelle ; les philosophes Maurice Merleau-Ponty, Jean-Pierre Dupuy, John Baird Callicott ou Emanuele Coccia ; la féministe Silvia Federici ; le zoologiste Adolf Portmann ; la poétesse Fabienne Raphoz ; l’historienne de la littérature Marielle Macé, l’activiste Derrick Jensen, etc.
• Cette petite bibliothèque idéale de l’écologie a été rédigée par les rédacteurs suivants : Christophe Fourel (CF), Nathan Marcel Millet (NMM), Frédéric Martel (FM), Etienne Miqueu (EM), Jacopo Rasmi (JR), Zoé Sfez (ZS) et David Pata (DP).
• Merci pour leurs conseils ou leurs relectures à Frédérique Aït-Touati, Yves Citton, Aurélie Filippetti, Christophe Fourel, Elliot Lepers, Arnaud Montebourg et Patrick Viveret.
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