Dans le cadre de l'université d'été du facteur humain dans les transitions nous avons mené l’enquête Omnibus Ipsos “Facteur humain et écologie” réalisée avec IPSOS le 27 Août 2021 pour saisir l'évolution des comportements dans laquelle les Français sont disposés à s'engager face aux enjeux environnementaux (document ci dessous).
Planifier dans le temps le changement climatique et ses conséquences les scientifiques du GIEC le font. Mais une inconnue de taille encombre les équations de la transition écologique : le facteur humain.
- Avons nous pleinement conscience des enjeux écologiques ?
- Sommes nous disposés à faire évoluer nos comportements ?
- Qu’est ce qui nous motive à mettre en place de nouvelles habitudes ?
- Quels freins / leviers peuvent nous aider à évoluer ?
En complément, Yves Bardon de Ipsos Knowledge Centre donne son éclairage sur l'évolution des comportements des Français.
Ce qui n’a pas changé :
- La sensibilité aux problématiques environnementales. Les préoccupations à l’égard du changement climatique et des menaces contre l’environnement sont en hausse constante depuis dix ans (5% en 2011 pour le changement climatique, 24% en juillet 2021 ; 7%en 2011 pour les menaces contre l’environnement, 14% en juillet 2021). Evidemment, la crise sanitaire et son corollaire, une crise économique se traduisant par un chômage de masse, sont venues impacter la hiérarchie des préoccupations mais les phénomènes vus récemment en Europe et ailleurs ancrent l’idée que ces menaces sont de plus en plus concrètes, désastreuses, fréquentes et mondiales, avec un impact d’autant plus grave qu’on a dédaigné les réalités naturelles avec les remembrements, les constructions dans les zones d’épanchement des cours d’eau, la bétonisation des sols et autres depuis les années 60. L’enquête Omnibus Ipsos “Facteur humain et écologie” fait ressortir "Des préoccupations au sujet des hausses de températures et des catastrophes naturelles" (56%)
- La progression continue des achats de produits bio (6,4 milliards d’euros de chiffre d'affaires en 2015, 11,9 milliards en 2019, 13,2 Mds € en 2020). Plus de 6,5 % de la consommation alimentaire des ménages est consacrée aux produits bio, le secteur bio français a doublé en cinq ans et figure parmi les premiers producteurs et marchés européens.
- La défiance absolue à l’égard de tous les acteurs, politiques, entreprises, médias, etc. De la courbe du chômage qui devait s’inverser en 2017 au pass sanitaire qui, en avril 2021, « ne sera jamais un droit d'accès qui différencie les Français et ne saurait être obligatoire pour accéder aux lieux de la vie de tous les jours comme les restaurants, théâtres et cinémas, ou pour aller chez des amis » devenu obligatoire trois mois plus tard jusqu’à l’éventuelle date buttoir du 15 Novembre, en passant par masque inutile devenu obligatoire sous peine d’amende, le tout est au service d’un cocktail de méfiance à l’égard de tout ce qui relève du Top-Down.
- La sensibilité au prix avec le poids des dépenses contraintes dites dépenses "pré-engagées". Elles sont passées entre 2001 et 2017 de 27% à 32%, extrapolables à plus de 35% aujourd’hui, des dépenses totales des ménages en France. France Stratégie voit dans cette augmentation une explication du "net décrochage entre pouvoir d'achat perçu et pouvoir d'achat mesuré. Les dépenses liées au logement (loyer, charges, remboursement d'emprunt) représentent en moyenne 70% des dépenses contraintes, évidemment là où l'immobilier est cher, Paris, région parisienne et centre des agglomérations.
- L’attente d’informations pour passer à l’action. L’enquête Omnibus Ipsos “Facteur humain et écologie” montre aussi que 43% des Français estiment « qu’une meilleure connaissance de l’environnement et des enjeux climatiques est le plus susceptible de faire évoluer durablement les comportements », en tête devant 40% pour « le sens des responsabilités de chacun ainsi que le respect de l’intérêt général », 34% pour « une agriculture plus raisonnée, avec moins de pesticides et d’engrais ».
Ce qui a changé et peut influencer les comportements des autorités & des consommateurs
- La Covid-19 a montré notre vulnérabilité et notre impréparation face à des événements pourtant annoncés et prédictibles : depuis 2002, année d’apparition du SRAS (qui lui aussi se propagea dans une trentaine de pays à partir de la Chine), et 2009 (H1N1), les experts alertaient sur les risques de pandémie quand d’autres pressaient de reconstituer le stock français de masques, passé de presque 2 milliards d’unités en 2009 à plus ou moins 100 millions en 2019 🡺 Anticiper
- La Covid-19 a mis sur la table toutes les inégalités et les disparités, économiques, géographiques, culturelles, ignorées ou sous-évaluées alors qu’elles ne cessent de polariser la société. Avec le premier confinement, on a vu à quel point propriétaires ou locataires, en maison de famille, résidence secondaire ou petit appartement en ville, n’ont pas vécu la même expérience. C’est un sujet à garder en tête quand il sera question de tri, de recyclage, de mobilité, de passer de l’automobile au vélo ou à la trottinette, de taxer et de contraindre. L’enquête réalisée pour VINCI Autoroutes par Ipsos en mai 2021 montre que 9 actifs sur 10 ont gardé le même mode de transport qu’avant la crise sanitaire, majoritairement la voiture individuelle (65%).🡺 Agir avec réalisme en tenant compte des différences de vies et d’usages.
- Le risque s’est imposé dans nos vies. Cette conscientisation progressive du risque se traduit par le fait que 76% des Français (+5 points / moyenne mondiale) pensent que le changement climatique provoquera une crise aussi grave que la covid-19.
- En contrepartie, les gens sont en recherche de sécurité maximale, dans le domaine alimentaire notamment, avec les compléments nutritionnels (cf. vitamine D / Covid-19), des produits plus sains, plus respectueux des saisons et locaux. Dans l’enquête Omnibus Ipsos “Facteur humain et écologie” 34% des Français disent vouloir changer leur alimentation, consommer des produits de saison, locaux, biologiques, manger moins de viande. Le « Bio » synthétise toutes ces attentes comme pensée magique rassurante, mais avec la question du prix et de la valeur ajoutée gustative. La recherche de sécurité crée le désir de contrôler, de faire soi-même, de cultiver soi-même parce que l’on sait ce que l’on fait dans son jardin, pour ceux qui peuvent en avoir un.🡺 Se sentir rassuré.
- D’autres phénomènes sont prévisibles et probabilisés. Notamment, réchauffement climatique, problèmes de ressources (eau), inondations et tempêtes, élévation du niveau de la mer et effet de biseau (le sel entre dans les nappes phréatiques, ce qui rend l’eau douces impropres à la consommation et à l’irrigation des terres agricoles), stress hydrique, réduction de la biodiversité, libération des virus gelés depuis des siècles et du méthane avec la fonte du permafrost. Sur le plan de la démographie : vieillissement de la population, Social : questions d’immigration et d’intégration ; crispations intergroupes sociaux (géographiques, générationnels, religieux…) ; montée de la violence ; inégalités de revenus et de statut qui polarisent les sociétés (les protégés / les exposés) ; migrations incontrôlées, notamment avec les réfugiés climatiques
🡺 Arrêter la politique de l’autruche
Trois questions se posent maintenant. Le monde d’après sera-t-il vertueux ? Le monde d’avant était-il vicieux ? Quels sont les changements durables ?
- La plupart des changements ont été réalisés sous-contraintes, dans un « pays en guerre », magasins fermés, accès interdit, limité ou impossible, encore sous condition avec QR-Code, pass, etc. Or on sait que, sur le plan anthropologique, quelle que soit la situation (guerre, pandémie, ou autres), les motivations fondamentales ne changent pas : gagner en aisance matérielle. De la caverne des temps préhistoriques au shopping mall le plus fastueux, il semble que la trajectoire humaine soit en effet la même, gagner en confort, en bien-être et en plaisir, selon l’étage de la pyramide de Maslow où les pays, les sociétés et les personnes se situent. Cette tendance s’est vérifiée en France, où le Black Friday 2020 a été décalé d’une semaine pour cause de confinement afin de recréer une concurrence normale entre plateformes on-line et magasins fermés (car décrétés « non-essentiels »), les achats on-line du 30 novembre au 6 décembre ont progressé de 20 % par rapport à l’année dernière, en croissance constante (+ 22 % en 2019, + 21 % en 2018). On a entendu cet été, comme chaque année, le chiffre des kilomètres d’embouteillage qui se compte en milliers de juillet à août. Il est amusant de noter qu’alors que les bâtonnets-oreilles ou les couverts en plastique sont l’abomination de la désolation, on n’a jamais autant consommé de jetable (gel, masques, etc.).
🡺 Avec le retour à la normale (cf. % Français vaccinés) détachement ou catharsis consumériste ? - Pendant le confinement, intellectuels et autres experts annonçaient une remise en question profonde de notre modèle de consommation, un renoncement volontaire aux illusions mercantiles, la marche vers la décroissance. La Convention Citoyenne pour le Climat a participé à une nouvelle manière d’impliquer les Français dans les processus de décision pour accélérer la transition énergétique, mais il serait plus juste de dire que l’impact mondial Covid-19 butterfly effect a renforcé les convictions préexistantes des tenants d’une critique de la mondialisation et de la société de consommation, qu’il a pu alerter certains sur les conséquences sociales, environnementales et politiques de leurs choix, mais sans forcément impliquer de passage à l’acte. Pour que les changements soient choisis, possibles et durables, ils doivent apporter des solutions. Si les gens ne suivent pas, c’est pour des raisons économiques (Tesla à 100 000 euros), parce qu’il n’y a pas d’alternative (pas de moissonneuse-batteuse, de bétaillère ni de bulldozer à hydrogène), parce qu’il n’y a pas ou plus d’infrastructure (fermeture des lignes de cars ou de chemin de fer, se souvenir des cartes postales dans les années 30/50/60, aucune autre solution pour se déplacer qu’une voiture …). Les changements sous contrainte sont impopulaires ou amplifient les disparités socioculturelles (les électeurs aisés des centres-villes Vs. le rejet de « l’écologie punitive » qui fonctionne à coups de taxes ou d’interdictions, ce qui donne les gilets jaunes). L’existence d’alternatives est décisive dans ce contexte : l’enquête Omnibus Ipsos “Facteur humain et écologie” prouve que 34% des Français estiment que « des alternatives de consommation écologiques accessibles à tous sont le plus susceptibles de faire évoluer durablement les comportements ».🡺 Comment passer de « Devoir » à « Vouloir ».
- Les Français adoptent des petits gestes (faire soi-même, recycler, acheter bio, en savoir plus sur l’origine des produits, préférer le local…). Notre enquête Perils of Perception (avril 2021) montre que 70% des Français disent recycler autant que possible, 40% laver leur linge à la main, 37% remplacer les ampoules classiques par des LED ou autres. Ils ont envie de changer et d’accélérer les changements. Dans l’enquête pour VINCI Autoroutes, on voit que 54% des Français estiment que leurs modes de déplacement ont des impacts négatifs sur le climat de la planète et que 90% des actifs ont la volonté de réduire l’impact environnemental de leurs déplacements, la moitié se donnant moins de cinq ans pour réussir à utiliser des moyens de déplacement bas carbone, tels que les véhicules électriques ou hybrides. Cela dit, les changements à grande échelle relèvent des entreprises, certaines ayant plus de moyens que les états (cf. les chiffres d’affaire !). Le consommateur ne peut décider pas de la matière des packagings, passer du plastique au carton ou au bambou, rendre recyclable un tube de dentifrice, arrêter de fabriquer des vestes en cuir et passer au « cuir vegan », etc. En revanche, les entreprises sont les actrices majeures de la transition énergétique et ont tout intérêt à profiter de la nette progression de la confiance à leur égard depuis l’année dernière. En 2019, 34% des Français déclaraient avoir confiance dans les grandes entreprises, contre 53% en avril 2020, 54% en juin et 49% en avril 2021. Leur implication concrète avec la production de gel hydroalcoolique ou de blouses a démontré leur utilité sociale ; il n’est pas étonnant que leur score fléchisse alors qu’elles semblent moins présentes dans le combat contre la pandémie et sont moins médiatisées. A l’inverse, la confiance dans la Présidence de la République, à 44% en 2017 décline à 36% en avril 2021 comme s’il y avait une inversion entre acteurs privés et acteurs publics, les premiers ayant des ressources matérielles et opérationnelles supérieures aux seconds. 🡺 Cette inversion est une formidable opportunité pour prendre la main et accélérer les changements.
Voila le programme complet https://lnkd.in/eMP7TFq
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