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Les travaux des scientifiques du comportement comme Jacques Fradin, Président chez GIEC du Comportement, le GIECO IPBC, portant sur la dominance et la soumission suggèrent que les rapports de prédation peuvent constituer un obstacle majeur à toute forme d'adaptation durable, complexe et coordonnée de la société en elle même et dans son interaction avec son environnement (ici et dans le document ci dessous).
En effet, la dominance constitue un problème dans la gestion collective des situations de crise en raison de sa propension au conflit. Par exemple : la difficulté de l’individu prédateur à faire des excuses visant à atténuer les conflits entre groupes (dans le sens où parce que cela mettrait en péril, à ses yeux, sa position de dominant) participe au déclenchement des conflits.
Il en va de même pour la volonté du dominant de préserver sa position privilégiée, et donc les rapports de force qui la sous-tendent, l'incitant à anéantir toute forme de pensée ou de structuration sociétale plus adaptée aux enjeux collectifs (Fradin et al, 2014 ; Kleppesto et al. 2019)
Ce dernier point désamorce l'illusion d'un caractère adaptatif qui pourrait être attribué à la dominance (au stade où en est l’évolution de notre espèce aujourd’hui, s’entend).
En effet, tout comportement s’inscrivant dans une dynamique adaptative et complexe, et donc dans une forme élaborée d'intelligence, est discrédité par le dominant car il a tendance à l'interpréter comme une menace. Cette menace réside, aux yeux du dominant, dans le fait qu'un individu se réappropriant ses capacités de réflexion peut entrevoir comment il est abusé par le dominant, et se défendre en conséquence.
Ainsi, la dominance génère des conflits du type "diviser pour mieux régner", en imposant une omerta de manière à priver ses interlocuteurs de toute forme de concertation. Le dominant protège impulsivement ses privilèges et les rapports de force dont il peine à s’affranchir, même s'il doit en pâtir à long terme.
Deux dimensions comportementales et cognitives peuvent entraver ou favoriser l'adaptation, individuellement ou collectivement.
- la première dimension concerne plus spécifiquement les mécanismes dits d'adaptation, et s'oppose à nos habitudes.
- la seconde concerne le concept de positionnement grégaire, qui implique des relations de pouvoir entre individus et entre groupes
L'effet Einstellung (Luchins et al., 1959) illustre comment, face à un problème, les gens peuvent avoir tendance à favoriser l'application d'une stratégie connue et contrôlée au nom de l'économie cognitive à court terme. En effet, il semble à première vue moins coûteux de penser moins et de s'adapter moins... même si cela peut nous coûter beaucoup plus cher à long terme !
Il existe de nombreux travaux qui montrent diverses façons de stimuler nos capacités d'adaptation. Fradin et ses collaborateurs (2008 ; Lefrançois, 2009) ont identifié que les individus qui se sentent concernés par des intérêts autres que ceux liés à leur personne ont une plus grande capacité à considérer les conséquences à long, voire très long terme de leurs actions, et acceptent plus facilement les efforts nécessaires à une transition.
Jacques Fradin a mit en évidence que la stressabilité est étroitement corrélée au recrutement inapproprié du mode mental automatique en situation difficile, de non-contrôle, d'échec. Autrement dit, le stress semble survenir lorsque (par phénomène dit de persévération, d'accrochage ?) le mode automatique ne laisse pas sa place au mode préfrontal adaptatif en situation nouvelle et/ou complexe, alors que ce dernier est structurellement mieux placé pour la gérer (ici).
Nous disposons d’un premier mode de traitement des informations appelé « mode mental automatique », qui gère le simple, le connu, le maîtrisé, et d’un second appelé « mode mental adaptatif », qui lui gère la complexité, l’incertain, l’inconnu et le non maîtrisé. Mais la plupart du temps, dans notre quotidien personnel ou professionnel, notre cerveau fonctionne selon le mode automatique, qui le plus économique en énergie. Nous sommes, en quelque sorte, en « pilote automatique ». Ce pilote décode et réagit soit de façon instinctive (ex. : nos instincts de survie), soit de façon grégaire (ex. : notre rapport spontané aux autres), soit de façon émotionnelle (ex. : nos motivations, valeurs, intolérances, complexes…). Dans le premier cas, on parle de « gouvernance instinctive », dans le second, de « gouvernance grégaire » et, dans le troisième, de « gouvernance émotionnelle ». (ici)
Le but de la gouvernance instinctive est d’assurer notre survie individuelle en satisfaisant nos besoins fondamentaux (manger, dormir, se reproduire…) et en nous protégeant des dangers immédiats par des réactions instinctives de stress : la fuite (état d’anxiété), la lutte (état de colère) et l’inhibition (état d’abattement), ainsi que l’a montré le professeur Henri LABORIT, célèbre neurobiologiste. Quand nos besoins sont satisfaits et que nous ne sommes pas en danger, cette gouvernance procure un ressenti de calme (état d’activation de l’action).
Les personnes qui ont tendance à réagir en stress de fuite ont peur d’être agressées en étant enfermées, elles privilégient les comportements leur permettant soit d’éviter le danger soit de s’échapper face à ce qu’elle perçoive comme une agression potentielle. Les personnes qui ont tendance à réagir en stress de lutte considèrent « instinctivement » que la meilleure défense, c’est l’attaque : elles privilégient l’attaque de ce qu’elles perçoivent comme un danger. Elles adoptent un comportement d’« agressivité défensive ».
La gouvernance grégaire est la gouvernance qui vise à assurer la survie de chacun au sein du groupe. L’être humain n’est pas un être solitaire. Pour survivre, il a besoin de s’insérer dans un groupe (tribu, organisation, société…) et d’y trouver « sa » place, qui lui procure stabilité et protection.
Le Positionnement Grégaire (PG) peut être défini comme l’ensemble des comportements relatifs à la confiance irrationnelle et spontanée en soi ou en l’autre, et au rapport de force. Le comportement grégaire décrit comment les individus d'un groupe peuvent agir ensemble sans direction prédéterminée. Le terme s'applique au comportement des animaux vivant en troupeaux, ainsi qu'à celui des humains lors des manifestations, émeutes, grèves, files d'attente, événements sportifs ou religieux, ou simplement dans les processus quotidiens de prise de décision et de façonnage de l'opinion (ici). On parle ainsi d’instinct grégaire pour désigner de tels regroupements d’individus dont le seul but est de réduire le stress.
Richard Lazarus (en) et Susan Folkman, 1984 : le stress est selon eux défini comme une « transaction entre la personne et l’environnement » dans laquelle la situation est évaluée par l’individu comme débordant ses ressources et pouvant mettre en danger son bien-être. Selon eux, l’adaptation est « la mise en place d’efforts cognitifs et comportementaux destinés à gérer des demandes spécifiques évaluées comme étant ardues ou dépassant les capacités d’une personne » (ici).
Le grégarisme participe à la défense, à la protection du groupe ; il renforce ses chances de survie en ayant des effets favorables sur les individus, mais surtout sur ce qui fonde le groupe, par exemple, les valeurs autour desquelles chacun se reconnaît et dont la remise en cause brutale par quelques individus isolés a provoqué suffisamment d’émoi pour inciter l’immense majorité de la population.
Il peut être la manifestation d'un excès ou un défaut de confiance en soi et/ou en l’autre. Les processus et les troubles qui sont associés au PG sont plus ou moins pathogènes et apparaissent peu ou pas accessibles à la raison, voire même parfois aux thérapies cognitives et/ou comportementales classiques.
Le Positionnement Grégaire (PG) comprend quatre polarités ou profils répartis sur deux dimensions : la dimension Dominance/Soumission (PGD/PGS) et la dimension Marginalité/Intégration (PGM/PGI).
Le Positionnement Grégaire ne constitue pas un système intelligent ou évolutif au sens où il n'est pas capable d'apprendre (et donc de s'adapter à des situations complexes) : ses comportements sont très standardisés, observables indépendamment de la catégorie socioéconomique et se manifestent très tôt dans le développement de l'individu, sans mimétisme par rapport à l'entourage (Halpern et al., 2020 ; Reijntjes et al., 2016).
Le concept de PG met en lumière certaines des clés mécanistiques d'une crise de l'humanité (guerres de religion où la religion devient un alibi pour un pouvoir inféodé au système de PG, mais aussi sexisme, harcèlement scolaire et professionnel, etc.) et comment celle-ci peut être maintenue, aggravée, en raison d'un simple système archaïque de régulation grégaire.
De même, la perspective du changement climatique et des inégalités socio-économico-géographiques associées (épuisement des ressources en eau, en nourriture, en espaces de vie) peuvent apparaître comme de puissants catalyseurs de ces comportements (cf. Hendrix & Brinkman, 2013 ; Reno, 2011), qui contribueraient eux-mêmes au maintien des inégalités, à la négligence des signaux d'alerte environnementaux, etc.
En d'autres termes, certaines crises (impliquant une notion de survie, de mise en danger de la santé, d'épuisement des ressources, etc.) peuvent conduire à l'émergence de comportements, de pratiques et d'attitudes qui ne sont pas les plus adaptatives (par opposition à d'autres comportements et attitudes).
Une note de réflexion qui vise à croiser les regards, de Jérémy Dumont, fondateur de l'association Nous sommes Vivants et membre du groupe "le facteur humain dans le monde économique" du GIECO-IPBC https://www.ipbc.science/. Contact [email protected]
Une note de réflexion à lire en entier ICI.