
les imaginaires de l'agriculture. De l'agriculture régénérative au business model canvas de l'économie régénérative #noussommesvivants
L’agriculture biologique est née dans la première moitié du 20ème siècle à la suite des travaux de plusieurs chercheurs ayant mis en lumière les risques et les limites d’une approche agricole essentiellement basée sur la nutrition minérale des plantes et la lutte chimique aux « ennemis » des cultures.
Malgré les gains de productivité apportés par la fertilisation azotée par exemple, les pionniers de l’approche biologique considèrent essentiel de préserver la fertilité naturelle des sols, notamment en y retournant de manière régulière de la matière organique. En quelques mots, c’est le sol qu’il faut nourrir et non la plante directement.
Les « pères fondateurs » du bio n’insistent pas seulement sur l’aspect agronomique de l’agriculture, mais sur l’interdépendance entre la santé humaine et celle des écosystèmes (Richardson, 2008). Ils préconisent par exemple l’autonomie du paysan et des rapports les plus directs possible entre les producteurs et les consommateurs. De manière générale, et selon la Fédération internationale des mouvements d’agriculture biologique (IFOAM), quatre principes éthiques devraient guider l’agriculture biologique : la santé, l’écologie, l’équité et la précaution (IFOAM, 2005).
À chaque fois, l’emphase est mise sur l’interrelation entre les activités humaines et les autres composantes des écosystèmes. Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), les agriculteurs biologiques sont à la fois les utilisateurs et les gardiens de la biodiversité au niveau génétique, spécifique et écosystémique (FAO, 2008). S’il est vrai que les agriculteurs biologiques partagent généralement des valeurs et des pratiques communes visant la protection du patrimoine vivant duquel l’humanité dépend largement, il existe néanmoins une diversité de tendances au sein même de ce mouvement.
L’agriculture biodynamique fut l’une, voire la première forme d’agriculture biologique intensive formellement pratiquée en Occident. Bien qu’elle s’inspire nécessairement de pratiques paysannes ancestrales, ses bases furent clairement énoncées au début des années 1920 par l’autrichien Rudolf Steiner, plus connu pour son œuvre philosophique et spirituelle.
Plusieurs idées de la biodynamie, dont la règle du retour de l’humus à la terre furent aussi promulguées par d’autres pionniers du mouvement biologique. La biodynamie se distingue tout de même de l’agriculture biologique à plusieurs égards, notamment dans son rapport avec le cosmos et le monde vivant. Étymologiquement, il s’agit d’une agriculture qui cultive les forces (dunamos) de vie (bios) : « Tous ceux qui commencent à pratiquer la méthode biodynamique se rendent compte qu’une grande partie du travail du cultivateur est de vivifier la terre.
Une terre vivante, réagit aux influences cosmiques; elle est plus en mesure d’extraire du sous-sol les éléments minéraux dont les plantes ont besoin et l’azote de l’air. Une terre vivante est un gage de fertilité » (Gélineau dans ABQ, 1980). Un pionnier de la biodynamie française exprime ainsi sa mission : « acquérir la faculté d’apporter à notre planète de ténèbres toujours plus de lumière.
C’est fondamentalement aussi sous tous ses aspects, pratique, humain, social, l’objectif de l’Agriculture BioDynamique pour les personnes qui ont compris » (Florin dans ABQ, été 1993). En tant que mode de vie, de travail et de relation à la nature, la biodynamie invite le praticien à se développer intérieurement afin de prendre conscience du monde qui l’entoure, de sa ferme, de son paysage, de sa planète : « Depuis plus de 80 ans, la biodynamie propose une pratique intégrée de l’agriculture consciente et d’une saine spiritualité » (Laberge dans ABQ, mai 2010). La biodynamie se présente donc comme une agriculture régénérative (ou 14 thérapeutique) attentive et respectueuse des autres formes de vie : « La Biodynamie mérite bien de retenir notre attention. Elle est bien davantage qu’une école agricole. Elle nous apprend comment construire une relation d’amour avec le sol, les plantes, les insectes, les animaux, les humains d’une parcelle de terre particulière. Elle nous aide à conduire nos jardins, nos vignobles et nos terres vers leur pleine maturité » (Ibid.). C’est justement parce qu’elle m’apparait porteuse d’un rapport très particulier avec l’Autre que j’ai décidé de porter mon attention sur la biodynamie, ses idées, ses pratiques, ses lieux, mais surtout ses gens. La question se pose alors ainsi : comment les biodynamistes vivent-ils avec l’altérité qui les entoure? Ou pour le dire autrement : comment les agriculteurs biodynamiques vivent-ils avec et dans leur environnement?
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